L'inconnu du RER

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Le paysage défile et mon regard erre. Il tombe sur toi par hasard, inconnu du RER. Il se fixe à toi mais tu ne le vois même pas. Oui, je sais. Cette histoire commence comme une banale histoire d'amour. Et pourtant il s'agit d'un cri de détresse. Vous allez comprendre.

Le paysage défile et mon regard erre. Il tombe sur toi par hasard, inconnu du RER. Il se fixe à toi mais tu ne le vois même pas. Tu ne le vois pas parce que tu dors. Je ne sais pas si tu es beau, je ne sais pas si tu es laid. Je ne prends même pas la peine d'estimer ton âge. Je me contente d'admirer ton sommeil.

Moi je suis restée debout, malgré ma fatigue. Des sièges sont disponibles dans ce RER parisien, mais je ne m'assoirai pas. Parce que je sais que si je m'assois, je ne me réveillerai pas. Alors je reste debout à admirer ton repos, toi l'homme insouciant qui s'est laissé charmer par un songe.

Moi je ne peux. Je n'ai pas cette insouciance. Si jamais je cède, si jamais je m'endormais et que je manquais mon arrêt, je ne pourrai plus faire demi-tour. Parce que je ne veux pas y aller, je ne veux pas y retourner. Je n'y ai plus ma place. Je ne veux pas aller dans cette maison que les autres prétendent "chez moi". Je ne veux pas m'y rendre mais je le fais, contrant ma peur par des automatismes calculés.

Je descendrai du wagon à la station habituelle, par automatisme.

Je sortirai sous la pluie, par automatisme.

Je remonterai la rue principale jusqu'au portail, par automatisme.

Je pousserai la porte et dirai "je suis rentrée!", par automatisme.

Et j'encaisserai sans me plaindre, par automatisme.

Me voici à mon arrêt, dormeur insouciant. Je te souhaite de vivre dans une vie construite par tes propres choix. Tu as choisi de dormir, chanceux. J'aimerai choisir de mourir moi, mais même ce choix je ne l'ai plus.

L'inconnu du REROù les histoires vivent. Découvrez maintenant