Le soldat

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12 janvier 1917
Chère épouse,

Aujourd'hui samedi, je t'écris pour te faire savoir que je ne reviendrais pas. La Guerre m'a mis à genoux et je n'ai su me relever. S'il te plaît, ne pleure pas, tu dois être forte, comme je l'ai été durant ces trois dernières années. Malheureusement le dernier assaut m'a coûté mon pied gauche et la blessure s'est infectée. Les médecins ne se veulent pas rassurant en me disant que je n'ai plus que quelques jours à vivre.
Hier soir à 19 heures, nous avons reçu l'ordre du général de lancer l'offensive sur la tranchée ennemie qui se trouvait à un peu plus d'un kilomètre. La route pour y parvenir était semblable à un réel parcours du combattant. Nous étions contraints d'éviter les obus et les balles du camp adverse. Mais malgré le risque de mourir nous avançons sans jamais regarder les hommes qui criant de douleur tombent à nos pieds. Lorsqu'on avance, il n'y a plus de peur, plus d'amour, plus de sens, plus rien. On doit seulement courir, tirer et avancer. Au début nous étions des milliers. Une fois les barbelés passés, nous n'étions plus que quelques centaines. C'est à ce moment là que je fus touché. Un obus tomba proche de moi et un morceau m'arracha le pied gauche. Je perdis connaissance et je me réveillai qu'un jour plus tard dans notre tranchée.
Tu ne peux pas imaginer le paysage qui nous entoure, la végétation a complètement disparue laissant place à de multiples impacts d'obus et barbelés. Mais, plus active que les bombardements et pire que le manque de nourriture, l'odeur lourde et persistante des corps qui s'entassent me soulève le cœur et m'empêche de manger. Je ne trouve aucun mots pour décrire la violence dont nous sommes témoins chaque jour. Je ne souhaite à personne de voir ce que nous avons pu voir, nos camarades de guerre, amis, pères sont morts sous nos yeux. L'hygiène déplorable me donne aucune chance de survivre à ma blessure. Les rats sont nos compagnons de guerre et les parasites nous rongent la peau. Nous vivons dans la boue, elle nous envahie et nous ralentie.
Je resterai debout jusqu'au bout, je le dois à mes camarades qui m'ont ramené en vie dans cette tranchée ou le froid nous donne la sensation d'une aiguille qui nous pique à chaque recoin de notre corps.
Ta dernière lettre m'a particulièrement touché, tu m'apprenais que j'allais devenir père. Je veux que tu dises à notre enfant que son père est mort en véritable héros pour la France. S'il te plait, dis lui que je l'aime et que je suis fier de lui.
Maintenant, j'aimerai te remercier pour tous les moments que tu m'as fait passer. Je t'aime, j'espère que nous nous reverrons dans un autre monde. Dis à mes parents que je suis parti rejoindre nos aînés.

  Je t'aimerais toujours.
Pierre .

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⏰ Dernière mise à jour : May 11, 2021 ⏰

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Adieu d'un soldat Où les histoires vivent. Découvrez maintenant