Enjeu

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J'avais perdu la partie et je devais, maintenant, assumer le pari. Je souris légèrement dans la direction de Sayaka. Son visage extatique ne se tourna même pas vers moi. Elle ne fit que dévorer des yeux la présidente. Cette dernière, par contre, me fixait avec une lueur de folie. Dans ses prunelles, je vis ma propre once de démence. Ma mimique s'agrandit tandis que je choisis une des quatre portes. Ma logique me poussait à en choisir une autre, mais je voulais la compagnie de la lune lors de ma déchéance. Je ne manquai pas la curiosité de Kirari face à ma décision. Le panneau de métal s'ouvrit silencieusement. J'appréciai, pour une dernière fois, la caresse fraîche du vent sur ma peau et les rayons de l'astre blanc sur mon teint pâle. Je m'approchai, de petits pas, au bord de la plateforme circulaire. Une émotion d'excitation m'envahit. Oh, j'allais adorer plus que tout cet ultime acte. Pas parce que ma vie était en jeu, simplement, car dans cette chute résidait un enjeu: allais-je survivre malgré le miracle que cela prendrait ou mon corps ornerait-il de sa peinture les murs de cette salle d'amusement ? Rien que d'y penser, je laissai un sourire désireux décorer ma face. Je détaillai la lune brillante de mes yeux rouges d'appréhension. Je n'attendis pas plus longtemps. Je voulais sentir l'apogée de mon plaisir. Je ne me laissai pas tomber, je sautai en me tournant pour avoir la vision de l'astre. Mes cheveux virevoltèrent menant une danse hasardeuse. Une douce chaleur contrastant avec le froid de la nuit grimpa dans mon être. Plus les environs défilaient, plus cette sensation montait jusqu'à m'agripper de sa magnifique poigne de fer. Mes lèvres s'étirèrent douloureusement et je distinguai le reflet du vermeil teintant mes orbes se perdre dans l'immensité de la nuit. Je crus devenir folle de plaisir lorsque mon corps épousa le sol. Une souffrance terriblement délicieuse m'étreignit. Je sentis mes tissus biologiques se déchirer et éclabousser de mon fluide carmin les fleurs. La douleur se tut peu à peu tandis que ma vision se flouta. Néanmoins, j'eus quand même le temps d'apercevoir deux globes bleus vifs détailler avec appréciation l'oeuvre d'art que j'étais devenue. À ce moment, je sus, que peu importe si je vivais ou pas, j'avais gagné le pari de mon existence. Le pari de faire de ma mort un enjeu.

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