Je la voyais, elle, seule sous cette pluie torrentielle. Elle n'avait pas de parapluie et recevait les gouttes de plein fouet. Son manteau possédait une capuche mais elle ne voyait apparemment pas l'utilité de la mettre, laissant ses cheveux nus de toute protection. Elle levait la tête vers le ciel, les mains légèrement écartées de son corps, comme si elle aspirait toute cette eau. Ce temps, la plupart des gens l'aurait repoussé et maudit, mais pas elle. Elle appréciait chaque instant de cette pluie incessante.
J'aurais voulu m'approcher, la couvrir, mais son comportement m'avait tout de suite fait comprendre qu'elle n'aurait pas aimé mon intervention. Elle aimait être seule, sous ce temps affreusement gris, humide et frais. Je ne m'inquiétais pas pour elle, elle savait ce qu'elle faisait, mais je ne voulais pas qu'il lui arrive quelque chose. Après de longues minutes, elle se décida à bouger et commença à marcher sans pour autant mettre sa capuche. Elle semblait apaisée.
C'était fou comme une si petite chose, pouvait paraître si agréable et vous rendre optimiste en un rien de temps. Je savais qu'au fond d'elle, elle était malheureuse mais je n'avais pas le courage de l'aider. J'avais peur qu'elle me rejette. Elle avait besoin de soutien seulement... nous ne nous parlions presque pas. Nous étions de parfaits inconnus et en dehors des horaires de travail, nous ne cherchions pas à nous voir.
Enfin, de mon côté, c'était plus de la timidité qu'autre chose parce que depuis qu'elle était arrivée à l'atelier il y avait quelques semaines, je n'avais cessé d'être attiré par elle. Son comportement, sa beauté, tout me plaisait chez elle. Le seul problème était que je n'osais pas faire le premier pas. Elle ne parlait que rarement alors il était difficile de l'aborder. Malgré tout, je croyais que de tous mes collègues, j'étais celui à qui elle prêtait le plus d'attention, même si je ne semblais pas vraiment l'intéresser.
Elle continuait d'avancer dans la rue et ses cheveux se balançaient de droite à gauche, dansant au rythme fou de la pluie. Elle allait bientôt entrer dans le brouillard qui entourait la ville et j'avais peur qu'une fois disparue, je ne la voie plus jamais. Pourtant, nous allions nous voir le lendemain au travail, alors pourquoi avais-je cette folle sensation qu'elle allait partir pour toujours ? Je n'en savais rien. Tout ce que je souhaitais était de pouvoir passer le plus de temps possible avec elle, ou au moins pouvoir la croiser rien que pour lui dire « Bonjour » le matin et « Au revoir » le soir.
Son sourire chaque jour égayait un peu plus ma vie et faisait de moi un homme épanoui et heureux dans son atelier. Au travail, elle était la personne la plus créative que j'ai vu. Elle peignait avec une finesse que je n'avais jamais vue. Tant de délicatesse et de minutie m'avait impressionné. Je me mis à marcher à mon tour sous la pluie, hésitant à défaire mon parapluie, mais une fois que je fus dessous, je n'avais plus rien envie de faire. Je me sentais comme libéré et je trouvais cette sensation de fraîcheur agréable.
Il fallait profiter de chaque instant que la vie nous offre et à cet instant précis, j'en comprenais enfin le sens. La vie ne nous faisait certes pas de cadeaux, mais elle nous permettait au moins de pouvoir apprécier des instants comme celui que j'étais en train de vivre. Mon regard se dirigea vers le ciel et je fermai les yeux pour prendre une grande inspiration. Cet air pur me faisait un bien fou ! Je ne voulais pas que cela s'arrête mais je me dis qu'il ne fallait pas que je rentre trop tard chez moi. Il faisait presque nuit et je ne voulais pas rester dehors avec ce temps.
J'avançai sous cette pluie torrentielle et J'arrivai vite chez moi. J'enlevai mes habits mouillés pour aller me laver et en mettre des secs. J'habitais un petit appartement mais étant donné que je vivais seul, cela me suffisait amplement. Je n'aurais pas été contre un peu de compagnie mais j'étais plutôt habitué à la solitude. Elle faisait partie de moi depuis que j'étais devenu introverti. Je me méfiais de chaque personne que je rencontrais. Je me demandais si elle vivait avec quelqu'un ce qui, honnêtement, ne m'aurait pas étonné. Elle devait avoir le choix en ce qui concernait ses relations et les hommes devaient lui tomber dans les bras.