A fleur de peau

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Les oiseaux chantaient dehors. Ils entonnaient cette même mélodie tous les matins depuis que j'étais petite. Leurs sifflements signifiaient le début dune longue journée. Autrefois, me lever accompagnées des pépiements aiguës me procurait une joie sans borne. Les doux chants me suivaient dans ma routine matinale. Cependant, depuis quelques mois, sortir de mon lit signifiait douleur et ennui. Aussi, les piaillements railleurs de ces maudites volailles m'enfonçaient un peu plus chaque jour dans le désespoir.

Chaque matin, je devais m'extirper du sommeil et de mon lit. Je devais supporter les rayons criards du Soleil en ouvrant les volets. Je devais marcher jusqu'à mon lycée, les jambes encore lourdes. Je devais supporter le poids de l'air sur mon dos, ainsi que celui de mon sac. Mes souvenirs m'écrasaient, me rappelant le bonheur auquel j'eus droit autrefois et qui me faisait défaut aujourdhui. Ces moments de joie qui contrastaient horriblement avec la douleur dans laquelle je m'étais embourbée ces derniers mois. Je marchais doucement, la tête baissée. Je repoussais le moment où j'arriverais au lycée. Je priais presque pour qu'un camion me percute sur le chemin.

J'arrivais finalement devant mon établissement scolaire. Comme tous les matins, mon cœur tambourinait dans ma cage thoracique, et mon souffle était lourd. J'avais peur. Peur d'affronter les regards. De haine, de pitié, de mépris, de tristesse. Je présentais mon badge au concierge et entrais entre les hauts murs qui seraient ma prison jusqu'à dix-huit heures. L'uniforme scolaire était ma tenue de détenue. Tout le monde était déjà en cours, alors que je me dirigeais d'un pas traînant vers ma classe. J'étais plus tranquille ainsi. Mais, bien trop vite à mon goût, j'arrivais devant ma salle. Les portes de l'enfer se dressaient devant moi. Mes démons se trouvaient de lautre coté. Je passais outre mes divagations et toquais à la porte :

« Entrez !

- Bonjour monsieur, désolée pour le retard.

- Ce n'est rien mademoiselle Sweeney, allez vous asseoir et sortez vite vos affaires.

- Oui monsieur. »

Je mis quelques secondes à me mettre en marche. Le poids des regards de mes « camarades » me mettait au défi davancer. Une pression sourde s'asseyait sur mes épaules. Toutes ces paires d'yeux me criblaient de balles. Je fixais mon regard sur le sol et esquissais un premier pas. Après quelques secondes d'efforts paraissant surhumains, j'atteignais ma table et m'écroulais sur ma chaise, au bord de l'évanouissement. En réalité, je venais au lycée pour faire acte de présence, rien de plus. Je sortais mes affaires et passait l'heure en faisant semblant d'écouter. Je ne l'aimais pas, ce prof. Il était trop formel, trop professionnel, comme s'il parlait à des adultes en réunions. C'était un vrai adulte, au cœur aveugle, à l'âme grise.

Elle, elle rayonnait. Aujourd'hui, elle était éteinte. Mais fut un temps, elle brillait. Par sa gentillesse, son talent, son sourire. Elle illuminait tellement son entourage, qu'elle créait de lombre. Ainsi, j'étais devenue son ombre. L'admiration s'était transformée en jalousie. La fierté en convoitise. La loyauté en acharnement. Je me souvenais nos derniers instants. Je me haïssais de ne pas avoir su en profiter. J'aurai voulu la laisser partir dans la joie et le bonheur. Mais sa vie couvrait la mienne. Dans les bons, comme les mauvais cotés.

Quelque chose percuta ma table. Je relevais la tête, surprise, et croisais des yeux que je ne connaissais que trop bien. Un regard bleu orage me transperçait avec mépris. Plusieurs ricanement retentissaient autour. Le professeur était parti, nous laissant une pause. Pour moi, c'était le début du cauchemars. Le garçon devant moi continuait de me scruter avec un air dégoûté. Je détournais le regard et m'enfonçais dans ma chaise. Pour le reste de la classe, c'était le début du spectacle. Comme d'habitude, les rires se mélangeraient aux gémissements de douleur. Puis j'irai à l'infirmerie et rentrerai chez moi. Lorsque le démon bougea, je m'attendis à recevoir un premier coup et me crispais de tout mon long. Mais il ne vint jamais. Tous les élèves étaient gentiment retournés à leur place, le professeur était arrivé pour le prochain cours.

A fleur de peauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant