Chapitre trois : « L'abandon »

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Chapitre trois : « L'abandon »

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(à lire avec http://www.youtube.com/watch?v=wVyggTKDcOE)

Je restais de longues minutes debout dans la chambre, la lèvre tremblante, la tête baissée.

J'étais bafouée, réduite, détruite. Plus que jamais.
Cette fois il avait été bien plus loin que de m'infliger de la souffrance.

« Certaines blessures se soignent bien avec le temps, tandis que d'autres ne guérissent jamais. »

Une main se posa délicatement sur mon corps. Son odeur me parvint.
C'était ma mère, j'aurais reconnu cette odeur entre mille. Cet ordure avait beau lui voler toute la beauté qu'elle avait toujours eu, son odeur ne changeait pas.

J'étais rassurée. Elle était là.

Je serrais fort sa main dans la mienne comme pour lui dire d'être courageuse.

J'avais vécu mon temps dans cet enfer, il était tant que je m'en sorte.

Je repris mes esprits, quelque temps plus tard, un peu déboussolée.
J'avais traîné ma mère jusque dans ma chambre, lui expliquant toute ma désolation en un simple regard.

Je changeais de robe, comme pour tirer un trait sur mon ancienne vie.
Des plans bouillonnaient en moi, à mesure que les secondes de ce temps si précieux à nos vies s'écoulaient.

J'avalais mon repas, faisant bonne figure, face à l'homme qui venait d'abuser de mon corps, de sa fille, sa propre chair, son propre sang.
Il se goinfrait sommairement comme peu d'hommes de nos jours le font encore.

Son sourire et ses yeux pétillant, en disait long sur ce qu'il pensait : il se régalait en dégustant un plat que j'avais passé plus d'une heure à concocter.

Un peu amèrement, je regrettais de ne pas y avoir glissé quelques gouttes de méchant poison dont on parle si souvent dans les livres.

Une hargne affreuse naissait en moi, tandis que je continuais d'observer cette scène avec dégoût.

Quand il eu enfin finit, que j’eus fais la vaisselle, nettoyant les plats, les assiettes, les verres du bout de mes doigts écorchés, je me rivais aux toilettes.

Passant la tête dans l'arc de cercle de la cuvette.

Une fois.

Deux fois.

Trois fois.

J'avais les tripes qui me tiraillaient de l'intérieur, me demandant de cesser ce jeu qui passait de douleur à révulsion.

Mes lèvres étaient tremblantes, luisantes de bile. J'avais les cheveux entremêlés, dans un chouchou pouilleux. J'étais une pauvre âme perdue dans son propre corps. J'avais l'impression d'être enfermé dans une prison dont les barreaux de fers me terrifiaient grandement.

J'engouffrais ces quelques souvenirs de ma vie que j'allais laisser derrière moi, au fond de mon sac en cuire couleur bordeaux. Je glissais mes économies qui ne se résumait qu'à une centaine d'euro, dans le double fond de ce sac qui m'avait toujours porté chance. A cette pensée je rigolais nerveusement.

La chance ? Je n'avais jamais vraiment connu ce mot. J'avais toujours été persuadé d'être une moins que rien, d'être une chose minuscule et inutile sur cette terre si vaste. J'étais en quelque sorte « L'enfant non désiré », l'enfant de trop.

Comment parler de chance, quand l'enfer vous fait face tous les jours ?

Je fouillais mes derniers tiroirs vides à la recherche d'un feuille blanche, d'une enveloppe et d'un stylo.

Je griffonnais un maladroit « Pardon. » sur le papier blanc et uni que j'avais dégoté au fond d'une armoire.

Mes doigts sales avait taché le parfait bout de papier que je laissais comme seule preuve d'au revoir à ma mère. J'étais consciente que ce que je faisais était lâche, et que par ma faute elle subirait d'affreuses choses, encore. Mais je savais pertinemment également qu'elle n'aurait jamais accepté de fuir avec moi. Par peur d'affronter mon père qui nous pourchasserait jusqu'à nos morts.

Le frisson de la peur me parcouru une énième fois, franchir cette porte en chêne que je n'avais jamais osé affronter semblait bien plus dur que ce que j'avais imaginé.

Un, deux, trois, quatre...plus d'une centaine de pas me séparait maintenant de mon « chez moi », qui pourtant ne l'avais jamais été.

Mon sac sur l'épaule, prête à braver tous les danger.
Prête à lutter pour ma liberté.

©

« Sadness »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant