Encore un matin

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Tu t'étires doucement, une nouvelle journée pointant le bout de son nez. Les rayons du soleil passent aux travers des lourds rideaux ornant les grandes fenêtres de ta chambre. Encore et toujours, tu tournes ta tête vers la place vide et froide qui se trouve à ta gauche. Tu souffles un bon coup, te frottes le visage vigoureusement et pose un pied sur le parquet. Quelqu'un frappa à ta porte

« Entrez Loïse... » Ta majordome entra tranquillement, te saluant en retour

« Bonjour Madame, vous avez bien dormi ? » Tu hochas la tête tandis qu'elle ouvrait les rideaux, la lumière t'aveuglant quelques secondes

« Oui. Qu'y a-t-il au programme de la journée ? » Elle se posta à côté de toi tandis que tu enfilais la robe de chambre qu'elle te tendait

« Vous avez rendez-vous avec l'association des Enfants de la Sokovie à 10h, puis cette après-midi vous avez une entrevue avec votre cousine Ania concernant la prochaine campagne de promotion de l'entreprise. » Tu acquiesças d'un mouvement de tête en te dirigeant vers ton armoire

« Crois-tu qu'il est possible de passer au cimetière avant mon rendez-vous de ce matin ? » Elle sourit tristement

« Bien sûr, nous en avons tout le temps. »

Une fois la voiture affrétée, ta veste sur les épaules et ton sac près de toi, ton chauffeur te mena à ton premier arrêt. En sortant de la voiture, ton fleuriste fonça à l'arrière de sa boutique rapidement, allant chercher ce dont tu avais besoin. Tu le remercias avec un sourire léger, et comme tous les mois, refusa ton argent en t'expliquant encore à quel point ton aide avait sauvé sa famille de la pauvreté. Encore une fois tu finis par le remercier après avoir tenté de protester gentiment. Puis tu te dirigeas vers l'entrée du cimetière, faisant un signe de tête au gardien, et observant les arbres en pleine floraison sur le long de ton trajet.

Les cimetières t'ont toujours parus comme étant d'une extrême beauté face à l'atmosphère lugubre du lieu. Le calme et la sérénité s'en dégageant apaisant tes songes et tes maux de crânes. En arrivant à ton objectif, tu y retrouvas Loïse qui s'était chargée de nettoyer les abords de la stèle, et de jeter le bouquet de fleurs mortes, le temps que tu arrives. Tu passas ta main sur le haut de la stèle, embrassant du bout des lèvres son rebord avant de déposer le magnifique bouquet de lys blancs juste devant.

« Bonjour Papa... » Murmuras-tu doucement en retraçant des yeux le nom gravé sur le marbre gris. En passant ton regard sur la ligne du dessous ton cœur ressentit une faible douleur que tu ressens depuis maintenant huit ans

« Bonjour mon fils... » Chuchotas-tu, presque imperceptiblement. Loïse porta sa main sur ton épaule et tu l'en remercias d'un rapide coup d'œil avant de la lui serrer doucement avec la tienne.

Huit ans de douleur. Lors de l'attaque en Sokovie perpétrée par Ultron et son armée d'armure de titane, ton père, ton fils et toi avaient tenté de fuir pour trouver refuge hors de la capitale en voyant ce qui se déroulait. Malheureusement, un bâtiment s'écroula derrière votre véhicule, la force de l'impact, vous propulsant presque un kilomètre plus loin, vous laissant inconscient le temps que les secours vous retrouvent. Lorsque tu t'étais éveillée, ton mari t'annonça la mort de ton fils et ton père avec difficulté, avant de disparaitre, te laissant gérer seule ton deuil ainsi que les affaires de ta famille et de ton pays. Huit ans de travail acharné, te laissant peu de distraction, ton corps et ton esprit commençant, petit à petit, à faiblir face à l'épreuve en face de lui.

On t'a diagnostiqué un cancer du sein il y a une semaine tout juste. Lorsque ton médecin te l'avait annoncé, tu avais souris, en te disant qu'après tout ce que la vie t'a fait vivre, un cancer te semble plutôt dérisoire. Tu as tout de même accusé le coup le lendemain lorsque tu t'étais regardé nue dans le miroir, t'imaginant les cicatrices et séquelles de la chirurgie ainsi que de la chimiothérapie. Une larme avait coulé sur ta joue, puis une autre, toute ton énergie s'évaporant d'un coup, le poids des épreuves sortant d'un coup, te laissant comme sous morphine pendant un quart d'heure.

Une fois de nouveau dans la voiture, tu regardes les paysages défiler devant tes yeux jusqu'à ton arrivée à l'association des Enfants de la Sokovie. Tu l'as créé afin de pouvoir aider ton peuple à se sortir de la misère après que ton pays ait été mangé par de plus gros poissons. Tu es fière de pouvoir les aider, et mener leurs projets à bien, toute cette joie et ce bonheur se dégageant d'eux s'imprégnant dans ta chair et soulageant tes blessures. Tu y restas le plus longtemps que tu pus, dégustant avec eux le midi de délicieux Cepelinai, qui sont des boulettes de pommes de terre farcies à la viande avec de la sauce à la crème et aux lardons, préparé avec amour par Madame Schwelder, la chef cuisinière d'un grand restaurant en ville.

Puis vers 15h, tu retrouvas ton manoir, aussi vide que lorsque tu l'avais quitté ce matin. Tu demandas à Loïse d'aller préparer un thé à la cerise, avec quelques biscuits qu'elle apporterait lorsqu'Ania arriverait. Ta cousine débarqua à la demie comme à son habitude, dans une jolie robe couleur vert d'eau, sa veste autour de son bras.

« Ania ! Comment vas-tu depuis la dernière fois ? » La blonde te sourit

« Plutôt bien, et toi ? » Tu souris tristement en retour

« On fait aller. Viens au salon avec moi, nous pourrons discuter tranquillement de notre nouvelle campagne de promo. » 

Jusqu'à ce que la mort nous sépare.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant