Pastiche : La petite fille de Monsieur Linh

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Monsieur Linh se réveille dans une chambre blanche, allongé sur un lit métallique, affublé dun pyjama, des tuyaux dans le nez et une machine infernale résonne dun bip régulier. Il observe la pièce à la recherche de Sang diû, il sait que son ami la vue, il lui avait demandé de la prendre mais il a peur de ne pas la trouver auprès de lui. Peur quelle ait été enlevée par lun de ces voleurs denfants. Il finit par la voir, posée sur les genoux de son ami. Sa petite-fille porte sa belle robe, toute propre. Monsieur Bark laurait-il lavée ? Elle a les yeux ouverts et le regarde mais reste sage, sans doute pour ne pas réveiller le gros homme. Monsieur Linh sapaise et sourit, fier de sa petite-fille et heureux davoir un ami qui sest si bien occupé delle.

Quand Monsieur Bark se réveille, il voit le vieil homme qui lobserve en silence. Au début, il nose pas esquisser de geste. Trois jours quil dormait. Et le voilà enfin réveillé. Soudain, tel un félin, il se lève et se rapproche du lit, la petite dans ses bras. Il la tend à Monsieur Tao-laï qui la prend avec sa délicatesse habituelle. Pour une fois, Monsieur Bark narrive pas à parler, alors il se contente dobserver son ami et de lui sourire tandis que les larmes de joie coulent sur ses joues. Et puis, enfin, il arrive à murmurer : « Monsieur Tao-laï ».

« – Monsieur Tao-laï !, il répète en sanglots.

– Bonjour, répond le vieil homme, heureux lui aussi. »

Quelques heures plus tard, le médecin vient et explique avec de grands gestes que Monsieur Linh doit retourner dans un hôpital pour les vieux mais plus le même, car il leur a causé des problèmes. Puis, Monsieur Bark reste avec lui, il parle, Monsieur Linh lécoute, ravi de retrouver la douce mélodie de sa voix. La voix de son ami agit comme une berceuse aux oreilles du vieil homme qui ferme les yeux. Allongé, il a limpression de sentir une odeur de bassia aux feuilles dargent flotter dans lair, la chaleur des mots inconnus de son ami lui rappelle la joie du village et cest avec cette pensée que le vieil homme finit par sendormir, le sourire aux lèvres.

Tous les jours, Monsieur Bark rejoint Monsieur Linh sur le banc dans le parc de lhôpital des vieux. Il rit avec lui quand les femmes en blanc crient après le gros homme pour avoir allumé ses cigarettes à la menthe. Elles sont comme une volée de mouettes piaillant après le pêcheur qui le matin amasse le poisson, prête à tout pour lempêcher de profiter de sa pêche. Les femmes en blanc arrivent toujours à les trouver, les suivant à la trace, comme une meute de chiens. Dès quils le peuvent, ils repartent se promener dans le parc, choisissent un banc encore plus éloigné et recommencent à parler. Sang diû est toujours aussi silencieuse et calme, elle ne se plaint pas, même quand des enfants viennent visiter lhôpital. Monsieur Linh sort parfois quelques biscuits récupérés au repas, les émiette et les donnent à sa petite-fille qui est toujours aussi rapidement rassasiée.

La première fois que ces enfants bruyants, agités et affublés de foulards et de chemises fraîchement repassées étaient apparus, Monsieur Linh sétait encouru dans sa chambre pour protéger la petite. Le souvenir des enfants du refuge qui tels des macaques avaient voulu jouer avec Sang diû lui était revenu en mémoire, leurs gestes avaient été si peu attentionnés quil avait été terrorisé, il ne voulait plus revivre ça. Mais maintenant, il se contente dobserver ces enfants dun air à la fois curieux et attentif. Ces enfants lui rappellent la vie au village, leurs rires résonnent comme un chant joyeux et un jour, il se surprend à chanter sa berceuse à Sang diû devant eux. Une fois la chanson terminée, Monsieur Linh remarque, le silence qui règne à présent. Les enfants lobservent, silencieux et soudain, une fine pluie, un ruisseau, un torrent dapplaudissements résonne dans la salle de repos. Monsieur Bark est assis à côté de lui, il est venu vivre ici lui aussi et partage même sa chambre avec Monsieur Linh, pour le plus grand bonheur du vieil homme. Il sourit à son ami. Lassistance se calme petit à petit jusquà ce que les mots ne remplacent les regards et applaudissements. Le vieil homme ne comprend pas grand-chose mais les sourires et les regards brillants lui suffisent. Soudain, une enfant lui parle dans la langue du pays : « Que vous chantez bien, Oncle ! ». Il se retourne, surpris et la détaille. Elle nest pas bien grande mais ses yeux noirs brillent joyeusement. Elle ressemble à sa petite-fille, les mêmes yeux, les mêmes cheveux et ce même calme respectueux. Si le vieil homme devait imaginer à quoi devrait ressembler Sang diû une fois devenue plus grande, il ne la verrait pas autrement. Monsieur Linh observe la salle qui contient à cet instant des témoignages de son passé et de son présent à la fois. Les larmes coulent sur ses yeux, lémotion dentendre à nouveau la langue de son pays natal, la joie quil ressent, la vive lumière du soleil qui passe par la fenêtre, lodeur de menthe des cigarettes que son ami sort déjà de son paquet en vue de leur prochaine promenade, tout cela emplit son cur de joie. Fier, il se lève et présente Sang diû à la petite fille qui sourit et il lui semble que sa petite poupée sourit également. Elle sappelle « Hy yong », qui veut dire « espoir » dans la langue du pays.

La petite fille de Monsieur Linh - Pastiche Où les histoires vivent. Découvrez maintenant