Chapitre 1

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Le Domaine Magnolia était bien animé ce soir, situé en lointaine banlieue parisienne, on pourrait croire à une simple maison bien souvent calme. Mais pas ce soir-là. Voitures, calèches et automobiles stationnaient le long du muret entourant le jardin d'inspiration anglaise. Une haute haie épaisse empêchait les yeux trop curieux de percer le feuillage et de voir les invités qui se trouvaient dans le jardin. Et des invités, ce n'était clairement pas ce qu'il manquait, le domaine en fourmillait !

Un tier d'entre eux se trouvait sur la piste de danse, se laissant guider par la musique jouée par l'orchestre, engagé spécialement pour l'occasion. Le deuxième tier discutait, un peu éparpillé partout dans le reste de la salle, au buffet et autours de la piste de danse. Le dernier tier profitait de l'air frais du jardin.

La lumière faisait doucement ressortir les couleurs si variées des toilettes des jeunes-femmes qui virevoltaient au bras des hommes qui eux portaient des couleurs bien plus sobres. Les doux tons d'été mêlées aux tons sombre de la nuit donnaient une allure presque féerique à l'ensemble. De plus, chaque invité portait un loup sur le nez, profitant d'un semi-anonymat qui avait de quoi amuser la galerie. Bien des personnes en riait, mais au final tous jouaient le jeu.

En effet, le bal mascarade du Domaine Magnolia était un évènement majeur parmi les soirées mondaines du début de l'été. De plus, les Delacroix savaient jouer de leur réputation pour inviter d'hypothétiques partis qui pourraient s'intéresser à leur fille, celle-ci aillant atteint l'âge de se marier.

Flora Delacroix avait beaucoup de charme, ses yeux verts perçaient le cœur de chaque personne qui croisait son regard, et ses boucles dorées lui donnaient un coté enfantin, tout comme pourrait l'être une poupée de porcelaine. Cet air innocent lui avait permis de remplir son carnet de bal en quelques heures seulement. La voilà qui repartait sur la piste, au bras de Paul Sylvestre, le fils d'un riche banquier de Paris. Les fronces de dentelles de sa robe tournoyaient sur le rythme de la musique. Ce soir, elle rayonnait.

Son père, Alphonse Delacroix, observait sa fille d'un œil fier et satisfait. Puis il reconcentra son attention sur M. Veaugeois tout en posant un main ferme sur l'épaule de la jeune-femme à coté de lui.

-Elle est magnifique, commenta M. Veaugeois en posant un regard sur la jeune brune. Je ne vois aucun défaut, pouvez-vous affirmer qu'elle est intacte ?

-Elle l'est ! affirma M. Delacroix. Je prends garde à ce qu'elle ne soit approchée qu'en de rare occasion, et elle n'est pas de nature maladroite.

La concernée prit une respiration profonde, voulant cacher sa lassitude et son malaise. Elle s'était habituée à attirer la curiosité de bien du monde, en particulier quand M. Delacroix l'exposait fièrement, mais elle ne parvenait pas à oublier son agacement concernant les conversation qui la concernaient mais qui ne l'incluaient pas. En d'autres termes, avoir l'impression de faire partie du décor.

Elle glissa un regard envieux à Flora, elle aussi aurait aimé aller, au moins une fois ce soir, sur la piste de danse. Mais son carnet demeurant vide, l'ennui commençaient à s'installer dans son esprit. Elle balaya la salle du regard, cherchant un potentiel sauveur à qui elle pourrait tenir une conversation, même de quelques mots. Mais hélas, personne.

Son regard se posa sur le buffet. Elle prétexta aller chercher une limonade et prendre un peu l'air dans le jardin à M. Delacroix. Puis elle se faufila doucement jusqu'à la table, en devant esquiver la tournure de Mme. Soyer à la dernière seconde. Celle-ci s'excusa en riant avant de reprendre sa conversation. La jeune-femme saisit un verre de limonade et ne se fit pas prier pour se diriger vers l'une des portes vitrées qui débouchait sur le jardin.

A peine son premier pas posé à l'extérieur, elle prit une respiration calme, appréciant le doux vent frais qui fit danser les fronces gris perle de son bas de jupe. De sa main libre elle souleva le bas de sa jupe ainsi que son jupon, dévoilant ses chaussons de danse brodés dans un tissu bleu roi noués autours de sa cheville par deux rubans de satin. Elle descendit la petite dizaine de marche du perron, marcha quelques minutes au milieu du jardin, s'éloignant du cœur de la fête, et s'arrêta devant un banc installé en face d'une fontaine. La jeune-femme s'assit sur celui-ci, et posa son attention sur ladite fontaine. Le bruit de l'eau eut immédiatement un effet apaisant sur son esprit.

La valse de la porcelaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant