Chapitre 1 - Vie basique

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Il ne connaissait pas la liberté, toute sa vie étant passée derrière un mur. Dix-neuf années, mais jamais n'eut-il pu parler librement et aller là où son cœur le souhaitait.
Ainsi, il devait se contenter à simplement s'assoir devant les fenêtres, à observer les bourgeons fleurir au printemps durant les moments où il n'était pas occupé - ces instants si brefs, si simples, et pourtant qu'il profitait car c'était la seule chose qui lui rappelait la vie en dehors de cette prison.

Il n'était qu'un simple esclave, après tout.

"Blitz, tu peux m'aider à nettoyer cette chambre?"
Une voix. Familière, passive, peut-être même amicale. Lointaine.

La petite bulle du jeune homme éclata, et son regard ambré cessait d'être fixé sur les jolies fleurs du jardin bien entretenu. Il soupira, puis baissa la tête, se tournant vers la voix, qui était celle de l'autre esclave de la maison : Tenda.
Elle était souvent débordée, un air constamment épuisé au visage, et demandait de temps en temps de l'aide à Blitz. Mis à part cela, ils ne se croisaient presque jamais - la plupart du temps c'était dans la cuisine qu'ils se voyaient. Aider les cuisiners faisait partie de leurs devoirs.
Le silence était pesant, et il décida d'enfin répondre.

"Je viens, je viens." lâcha-t-il, s'éloignant de la fenêtre pour s'approcher de Tenda, remarquant au passage les mots inscrits sur son poignet «Ça va?» en noir. Sa marque d'âme.

Il serra les dents, ne voulant pas y réagir. Mais chaque fois qu'il en voyait, de ces stupides marques d'âme, il se rendait de plus en plus en compte de sa solitude.

Des fois, il se demandait si le destin lui jouait un tour. Si c'était même possible. Mais sa peau dépourvue d'un quelconque message semblait être bien claire. Il serait seul. Pour toujours.
C'était un savoir commun que tout le monde naissait avec une marque d'âme, une simple phrase inscrite quelque part sur le corps d'une personne, et celle-ci était sensée être les premiers mots que vôtre âme sœur vous dira, cette personne que le destin a choisi pour vous. Cette personne qui est sensée être parfaite et conçue pour vous.
Mais Blitz étant Blitz, il fut né sans. Ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : il n'avait tout simplement pas d'âme sœur. Qu'il était condamné à passer sa vie seul. Et étrangement, cela semblait lui convenir. Il était esclave, qui, qui pourrait bien vouloir finir avec une personne inférieure telle que lui?

"Alors? Tu te dépêches? Maître Kivalovsky revient à seize heures, il ne nous reste qu'une heure." aboya Tenda, remarquant Blitz qui recommençait à rêver de nouveau.

Ce dernier sembla se réveiller enfin, et aida Tenda à changer les couvertures.
Quand ils s'entraidaient, ils aimaient bien discuter - après tout, personne d'autre ne voulait gaspiller son temps à parler à des êtres aussi misérables qu'eux, ce qui donnait pour un contact social plutôt limité.

"Dis donc, ces derniers temps du deviens de plus en plus distrait," fit remarquer Tenda, arquant un sourcil.

Blitz leva la tête pour croiser son regard curieux, et non hostile comme ceux dont il avait l'habitude. Il n'était pas très bavard - enfin, de nature si, mais il avait un vocabulaire plutôt mauvais, n'ayant pas pu apprendre autant de mot qu'il aurait du durant son enfance, et avait honte de converser avec qui que ce soit. On l'insultait souvent, mais il ne voulait pas rajouter ''idiot'' dans ce que pensaient ses maîtres de lui.
Alors, il s'était habitué à lire les personnes pour mieux les comprendre au lieu de leur parler directement.

"Tenda... Est-ce que tu déjà été sortie des.. murs? A été dehors?" demanda-t-il, essayant de ne pas avoir l'air d'un alien total.

La jeune fille fronça les sourcils, tenant de décrypter les mots de Blitz, tout en balayant le sol pendant que l'autre ramassait les tas de saletés qu'elle laissait.

"Est-ce que j'ai déjà été dehors...? Eh bien.. oui. Pourquoi tu demandes? Ne me dis pas que tu veux quitter cet endroit. Tu sais très bien que c'est impossible..." elle eut un air empathique, triste pour son ami qui n'avait jamais pu avoir une vie à l'extérieur de la villa.

Le jeune homme resta silencieux, faisant sa tâche sans en rajouter, mais tous les deux savaient ce à quoi il pensait réellement.
Ils finirent de tout nettoyer, et Tenda fut appelée pour travailler sur autre chose, laissant l'autre esclave tout seul, à ruminer.
Et, comme d'habitude, on lui demanda de se charger des tâches manuelles. Son corps était naturellement bâti pour être plus efficace dans ce domaine, donc il faisait tout ce qui y était lié. Couper le bois, décharger des cartons et des boîtes, il ne trouvait jamais de répit.

Les grilles de la villa s'ouvrirent, laissant passer un charriot rempli de boîtes qui avaient l'air bien trop lourdes à son goût. Blitz soupira, puis sortit de la chambre et alla à l'entrée pour accueillir le charriot, ainsi que décharger les boîtes.

Une heure plus tard, il était enfin parvenu à tout décharger, mais le voilà encore appelé à faire autre chose. N'avait-il donc jamais le droit de se reposer?
Les longs couloirs s'étiraient à perte de vue devant lui, symbolisant son travail qui ne finissait jamais, «Blitz fais ci, Blitz fais ça» sans arrêt toute la journée, tous les jours, pendant des années.
Il marchait vers la cabine des jardiniers, cherchant une hache pour couper le bois.
La nuit tombait, la famille qui habitait la villa s'endormait, éteignant toutes les lumières, et plongeant le périmètre dans le noir total.
Mais l'esclave y était préparé, et avait amené avec lui une lanterne.

En entrant dans la cabine, il remarqua immédiatement l'horrible odeur nauséabonde. Il se boucha le nez, et vit alors le cadavre.
Un des jardiniers qui venait tôt le matin et restait tard le soir, là, se tenant raide mort, gisant étalé sur le sol. En ce moment, il était déjà vingt trois heures, mais Blitz connaissait vaguement leurs horaires, et savait qu'il aurait dû partir un peu plus tôt. Combien de temps était-il déjà mort?
Le jeune homme sentit un frisson parcourir son dos, et regarda autour. Puis, vit que quelque chose manquait parmi les outils.

La hache.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 09, 2021 ⏰

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"La liberté est comme une porte." [Soulmate AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant