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Esther courrait. Aussi vite que ses muscles le lui permettaient, l'air glacial de la nuit humide lui raclant la gorge et lui frappant la nuque. Son collier de perles tambourinant sur sa poitrine au rythme précipité de son coeur. Ses mains fermement agrippées à l'épaisse étoffe de sa lourde robe, qu'elle se devait de soulever malgré la douleur qui lui brulait les bras. Elle plissa les yeux pour les accoutumer à l'obscurité presque totale, interrompue seulement par les étoiles et la pleine lune qui parsemaient le ciel.

Pendant un bref instant, toute peur s'échappa mystérieusement de son corps, et elle se mit à rire, à bout de souffle. Elle était libre. Pour la première fois de sa vie, elle en prenait le contrôle. Elle s'enfuyait enfin de ce château qui l'avait toujours étouffé et rapetissait alors lentement derrière elle. Mais cette soudaine abandon à la joie s'éteint brusquement lorsqu'elle entendit le bruit de chevaux en provenance des écuries. Ils partaient à sa poursuite.

Un élan inespéré lui donna la force d'accélérer, et elle rejoint bientôt les bois qui encerclaient le domaine. Incapable de continuer à courir, elle ralentit le pas en s'enfonçant entre les arbres. A mesure qu'elle avançait, elle s'entourait de bruits étranges et inquiétants, et tâchait de ne pas penser aux bêtes qu'il lui arrivait de croiser pendant des parties de chasse à cour. Mais celles qui l'effrayaient le plus étaient les chevaux qui s'élançaient à ses trousses, dont elle entendait le claquement des sabots qui résonnais dans la nuit sourde.

Elle s'aventura dans les sentiers les plus étroits dans l'espoir qu'ils le soient trop pour eux, quitte à se trouver face à des prédateurs bien plus dangereux. Liesl n'avait pas peur de mourir, ou du moins craignait bien plus la vie à laquelle elle tentait d'échapper. La forêt entière s'accrochait aux pans de sa voluptueuse robe, la déchirant ici et là. Le sol trempé la couvrit de boue, et incita le peu de talon qui soutenait ses chaussures à lui faire perdre l'équilibre plus d'une fois.

Elle marcha des heures, plus surprise à chaque instant d'être toujours en cavale. Elle ne s'était pas imaginée s'en sortir; elle avait agit avec spontanéité, sur le coup de la tristesse et du désespoir, sans prendre le temps de réfléchir, ce en quoi elle aurait rapidement changé d'avis. Mais pas une fois, alors qu'elle s'aventurait dans cette forêt sombre et glissante, elle n'éprouva de regrets. La faim la prit par surprise, elle aussi, lorsque la voute céleste annonçait que le crépuscule était proche. Elle s'étonna de ne pas avoir déjà atteint un des villages voisins -il n'étaient qu'à une dizaine de kilomètres du château.

Mais les détours que la forêt lui avait imposée et la lenteur à laquelle ses vêtements la restreignaient l'avaient considérablement ralenti, et elle n'arriva dans un village que quelques heures après l'aube. Elle prit soin de dissimuler ses bijoux dans ma robe pour échapper au dépouillage, et se retrouva soulagée que ses longues heures de marche aient sali et abimé sa robe, qui aurait trahi son opulence. Elle reconnu presque immédiatement le village, dans lequel elle avait plusieurs fois accompagnée son père lorsqu'il allait chercher un médecin ou consulter le notaire. A défaut de ne pas être le plus proche, c'était le plus grand village des alentours, et elle ne put s'empêcher d'y voir y signe que Dieu était de son côté. On racontait qu'il fut d'abord nommé Nottingham en hommage à son fondateur, avant qu'un Baron du nom de Canshester ne s'accorde avec le maire pour baptiser les lieux en son nom en échange d'un superbe hôtel de ville. Le Baron avait visiblement bel et bien respecté sa part du contrat, car au centre même de Canshester était lourdement installée un imposant hôtel de ville en pierre couleur de sable, qui contrastait avec les autres bâtiments du village, tous en bois sombre et vieilli. L'hôtel de ville avait d'ailleurs été mis en valeur en rasant les échoppes voisines pour créer une vaste place devant son entrée.

C'était ici-même que se tenait le marché, dans lequel Esther se faufila pour trouver de quoi rassasier la faim qui lui tordait le ventre. Un étalage de fruits attira son attention, et elle récupérai une des boucles d'oreilles qu'elle avait caché dans son bustier avant de demander à la vendeuse :

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 05 ⏰

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