Chapitre 1

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C'était une nuit d'encre qu'il y avait au-dessus de la capitale Naporia, une fine pluie tombait sur les routes pavées. Les carrosses sillonnaient les ruelles et avenues, les chevaux étaient agités par toute cette population arrivante malgré les œillères qu'ils portaient. Des silhouettes revêtues de capes plus extravagantes les unes que les autres se pressaient. De mules à talons en strass, en diamant ou de velours, toutes portaient une couleur bien funeste : un sombre acabit de la mort. Ils se dirigeaient vers une seule et même direction, tel un essaim d'abeilles vers leur prochaine ruche, cette dernière surplombait la ville entière. Ses lumières illuminaient les splendides sculptures ornant sa surface : rois, reines, dieux et déesses. L'histoire s'inscrivait dans le marbre blanc, les flambeaux incandescents réveillaient dans l'obscurité la grandeur d'une dynastie qui venait de perdre un autre de ses membres. Azerrad L'Eternel était tombé, et son peuple éploré venait assister aux rites funéraires qui assureraient le bon voyage de l'âme du monarque. 

Un discours concernant sa vie de roi, sur ses bonnes actions et sa contribution à la construction de la société mais aussi sur ses vœux de passation serait prononcé. On connaitrait alors l'héritier ou l'héritière du trône. Personne n'aurait pensé à ce que cet illustre souverain puisse décéder, c'était une chose si peu commune au sein de leur espèce. Les vampires ne mourraient pas naturellement, ou s'ils le faisaient c'était volontairement mais il y avait une préparation à cette mort et aucun ne pensait que ce décès pouvait être investigué par Azerrad. 

La cérémonie en approche, on entendit les cloches résonner au cœur de la cité, la Prêtresse arrivait. Des chants sacrés s'élevèrent de plus en plus fort. Des voix claires et berçantes, une mélodie qui calmait les ardeurs de la foule déjà présente. Un vaste cortège d'hommes et de femmes, avec des symboles tracés à l'encre noire sur leurs épaules, mains et chevilles avançaient pieds nus en silence. Malgré la pluie, aucune de ces marques ne semblaient s'effacer. Leur cheveux et habits étaient décorés de fleurs bleues, il s'agissait d'un signe de pureté et de repentance. Au centre se trouvait une femme dans la trentaine, les cheveux enveloppés d'un linceul de soie bleu, les yeux aussi clairs que ceux d'un aveugle, les mains jointes tenant un bouquet azuré. Elle avait l'élégance d'une apparition féerique mais on percevait une froideur glaçante, son regard perçant était aussi profond qu'un puit. C'était elle, la patronne vénérée par les Réliens, ces soi-disant vampires qui croyaient en une divinité supérieure qui les auraient punis de leur vanité. Elle dirigeait l'organisation des temples, prêtres et prêtresses de tout le royaume, son pouvoir pouvait presque rivaliser avec celui de la royauté tant cette déesse touchait le cœur d'hommes, Réliens et certains vampires. Ses disciples la suivaient, et celui qui était son assistant personnel, le « Prieur » devait lui tenir le bras pour la guider. 

Il s'agissait d'une autre femme. Ses yeux étaient baissés, ses cheveux de jais n'étaient pas retenus et sa tenue contrastait avec celle des autres. Autour de ses pieds et poignets, il y avait des bracelets à grelots en argent qui sonnaient à chaque pas vers le palais impérial. Ce son cristallin guidait l'assemblée des croyants, telle une litanie ensorcelante. Sur les bas-côtés des rues, on apercevait ça et la des visages curieux noirci de saleté, certains étaient juvéniles et d'autres adultes, voire aussi ridés que des fruits secs. Leur peau avait une carnation plus vivante, une couleur qui démontrait en dessous d'une surface lisse et douce d'un cœur battant et d'un sang plus vif que ceux des vampires. Que venait faire cette espèce impuissante aux abords des routes ? Ils couvraient leur modeste chair d'haillons, de bouts de tissus usés et devaient affronter la morsure glaciale de l'hiver afin d'assister à cet hypnotisant spectacle malgré la crainte de se faire réprimander par leurs patrons. Peu s'attardèrent sur l'attraction, ils s'affairaient comme une fourmilière bien organisée car leurs services étaient quémandés pour la somptueuse réception qui serait donnée. Les sanctions seraient terribles s'ils n'arrivaient qu'une seconde de retard ; une pénalité d'un litre de sang leur serait infligé. Pas de récompense pour ceux arrivant en avance, seulement une échappatoire à une dure discipline réservée aux exclaves qu'ils étaient. 

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 01, 2021 ⏰

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Le Jeu des Ames PerduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant