Hérisson

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Tif rentra dans le hall d'entrée de son immeuble, dégoulinant de sueur. Son t-shirt empestait le chacal mort, garni de grandes auréoles sombres sous ses aisselles. Il agrippa une de ses (trop) nombreuses serviettes pendant au porte-chapeau, qui, malgré l'odeur, n'étaient jamais retirés par ses voisins, de peur de garder l'odeur sur leur main pendant 3 semaines et d'être vus comme des tueurs de rats par tout leur entourage. Vu son état, il venait assurément d'aller chercher le courrier à la boite aux lettres. Non pas que cela nous importe, mais il me semblait bon de vous le souligner.
Ceci dit, le temps a tendance à me presser ces jours-ci. L'éternité qui m'écope n'est pas illimitée, vous voyez ? Et il me semble que vu que le dernier souvenir que je connais se déroulera dans très exactement 3 minutes, je tiens à raccourcir le temps de notre entrevue. Non pas que je ne connaisse pas par cœur comment se passera notre conversation à la lettre près, mais passons, j'ai assez divagué de l'histoire principale.

Si tant est que cela soit l'histoire principale.

C'est vrai quoi, pourquoi je m'embête à vous raconter tout ça ? Parce que c'est écrit ? Non, sans blagues ?


Hehe


Vous y avez cru, n'est-ce pas ?

Vous y avez cru au fait que tout ce que je viens de dire sortait de ma zone de texte prédéfinie, et que je commençais à sortir de tout ce qui me prédéfini ?


He


Pathétique.

Je disais ?

Ah, oui.

Tif revenait de la boite aux lettres. Dans sa main gauche, dont ses veines ressortaient tel un sac de nœud, preuve de son récent exercice dit de la ''patte de chat'', se trouvait une lettre. Vous devez surement déjà avoir compris de quoi il s'agissait, malin comme vous êtes.


Oui. C'est cela.


Sa déclaration d'impôts. Il aurait dû les payer, ses anciennes factures.
Enfin, ce n'est pas comme si tout cela avait de l'importance, maintenant. Sa maison allait être récupérée par les huissiers très prochainement.

Ding.

Dong.

Voyez comme je narre parfaitement bien mes histoires ? Je trouve qu'exprimer à voix haute les onomatopées ajoute du charme à ma déclamation déjà fort plaisante à lire.

Hmbr

Reprenons.

C'est qu'ils étaient déjà là, les huissiers. Tif était certes de nature très sportif, mais il avait une fâcheuse tendance à laisser trainer les choses importantes à faire, afin qu'il puisse courir après et donc s'entrainer pour le marathon qui se tient en janvier. Il se mettait ainsi à courir après le temps perdu. Mon opposé, en quelque sorte.

Il ouvrit rapidement la porte, lui-même se trouvant toujours face à celle-ci. Ce n'est pas comme s'il avait eu l'occasion de voir la voiture inconnue garée en face de son immeuble.
Enfin, inconnue pour vous, pas pour lui ni pour moi.

Vu que c'était Tondu qui se tenait de l'autre côté de la porte.

Il n'est pas huissier.

Il est superhéros professionnel.

Un grand gars, si vous voulez mon avis. Saviez-vous qu'il avait sauvé un hérisson de la noyade à seulement 6 ans ?
J'apprécie les hérissons.
Non pas que cela importe, évidemment. Je tenais juste à vous le communiquer, histoire que quelqu'un sache quelque chose de moi avant ma mort. Bien que ces informations n'apportent rien à l'histoire. 1 minute 30, maintenant.

Donc, Tif et Tondu se tenaient l'un fasse à l'autre. Attendez, je vais vous les faire parler, ce sera plus immersif :

- « ToNdU. »

-« Tif. »

Oui, Tif a une voix un peu chevrottante, je trouvais cela important de le souligner via oh mon Dieu ça fait déjà 2 minutes 30 de passées? Que le temps passe vite ! Regardez-les, penchez-vous par la fenêtre, ils sont juste sur le pallier de l'immeuble dans lequel nous nous trouvons actuellement au dernier étage ! C'est fou comme les choses sont bien faites ! Ou mal faites, cela dépend du point de vue. En l'occurrence le vôtre, il ne doit pas être très réjouissant.


Mais ne vous en faites pas. Vous allez survivre. Sinon, à quoi bon BONK vous avoir raconté tout cela BANG si vous mourriez aussi avec moi ? Allons KLANG, permettez-moi de vous expliquer ZLAM. Oh, ne vous inquiétez pas pour les bruitages que j'exprime à l'instant, c'est juste histoire que vous BOUM puissiez entendre le vacarme que BRAOUM oh la vache- le vacarme que ces deux idi-POUF-ots font durant la fin ZLAMMM de mon monologue.
Comprenez que RAOUF okay je vais arrêter ici mon imitation fort bien construite de leurs bruitages, sinon je ne finirais jamais à temps (quelle ironie !) mon texte des plus intéressant.
Comprenez que malgré mon immortalité, je ne suis pas un être fini, mais je suis bel et bien finissable. Ainsi, je pourrais mourir à cause d'une simple aiguille à nourrice rouillée plantée dans ma fesse gauche, mais grâce à mon omniscience, je savais tout simplement qu'il ne fallait pas que je pose ma main dans le tiroir à bics de monsieur Lésifeuille (paix à son âme). Mais mourir de cette façon-là serait plutôt... débile, pour quelqu'un de mon rang, et puis de toute façon ce n'est juste pas comme ça que ça devait se dérouler.

 
Ça devait se dérouler comme ça se déroule en ce moment même. Ma mort aurait pu signifier quelque chose. Quelque chose de grand, comme l'avènement d'une nouvelle espèce extraterrestre sur cette Terre bien peu accueillante. Quelque chose comme l'extinction de -AÏE- l'espèce Homo Sapiens Sapiens, ou que sais-je encore.

Mais non.

Simplement.

N'oubliez pas.

Les.

Hériss-



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Il n'y a strictement aucune signification à ce texte x)

Encre et PlumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant