« Èda wo, Èda wo, M pral bouyi mamit manyòk mwen pou m pote pou Èda avèk yon krich dlo » La musique de Michael Brun amplissait la chambre d Oshun tandis qu elle s habillait afin de se rendre à la salle à manger où un déjeuner accompagné des pâtisseries de Marie Beliard l attendaient comme chaque matin, avant que Monsieur Dumesles et elle se rendent au cabinet. Étant une jeune femme simple et coquète, Oshun se contente toujours d une tenue professionelle accompagnée d une fine chaîne en or et d un bracelet assorti. S emparant d un élastique sur sa coiffeuse, elle remonte ses cheveux un peu raides en son chignon habituel, enfile ses chaussures et attrape son sac à main, avant d éteindre la musique pour ensuite rejoindre son père et sa sur pour le déjeuner. Rien n a vraiment changé depuis la mort de Madame Dumesles, comme d habitude, l odeur du café avec un soupçon de vanille l attendait dans la salle à manger. La lumière du jour nouveau éclairait la salle peinte en bleu pastelle et ornée de fleurs à travers les rideaux de fine toile blanche, dansant dans la brise fraiche du bon matin délivrant les sons de la nature qui vient tout juste de se réveiller. La famille Dumesles a toujours apprécié le petit déjeuner dans une scènerie enchantée, tôt le matin, avec les nouveaux rayons de soleil pour lumière et le chant des oiseaux pour musique. Monsieur Dumesles est comme d habitude caché derrière son journal, qu il descend rapidement afin de timidement sourire à Oshun qui vient tout juste d arriver, tandis que Natalie retouche son rouge à lèvres, sans doute pour la centième fois, lui jetant un regard dédaigneux du coin de l il. Oshun s assoit à sa place habituelle. Ils ne se parlent pas, ne se regardent pas. Le froid qui s est subitement installé au sein de cette famille depuis la mort de Madame Dumesles il y a de cela quelques années, est toujours aussi présent. Cela ne la surprenait plus du tout, Madame Dumesles était la colle d amidon qui maintenait cette famille soudée, et la chaleur qui mettait un sourire sur chacun de leur visages. Monsieur Dumesles est de nature silencieux et Natalie, est juste Natalie. Cette dernière ferme brusquement sa boîte de poudre et soupire. Sachant ce que cela signifie, Oshun se sert une tasse de café, un croissant et un peu de fruits tandis que Natalie se lance dans un monologue à énerver les ancêtres :

« Atò Oshun, se sa w wè w ta mete pou w al travay ? Ou pa gen on bagay ki ka ede w mwens sanble ak on mal gason ? Ou ta fon ti poudre, mezanmi. Gad fè lè l pata di on zonbi. Ou pa wont ? Kounye la, kote w pral jwenn on mouche marye w, dòlote w ak ba w tout sa w vle ? Gade de kòz pou defun Claude Dumesles ! ( Comme quoi Oshun, tu n as rien de mieux dans ta garde-robe ? Tu comptes te rendre au cabinet ainsi, avec ton air d homme là ? Oh mais regardez- moi ça, fais tout de même un peu plus d efforts, qu en est- il du maquillage ? Quel homme va vouloir épouser une chose pareille ? Si tu faisais mieux tu te trouverais un homme prêt à te donner tout ce que tu veux. Quelle honte pour notre défunte Madame Claude Dumesles !)

_ Je préfère rester ainsi. Je ne suis pas à vendre, lui dit Oshun avant de mordre dans son croissant.

_ Rester ainsi ? Tu me fais rire. Toutes les jeunes femmes de notre âge savent comment se vêtir pour attirer les hommes. M patap sezi si yo t ap annik pase sou ou epi voye w jete. (Ce ne serait pas surprenant si ils t utilisaient que pour une nuit pour ensuite te foutre à la poubelle.)

_ S en est assez Natalie, dit Monsieurs Dumesles calmement et d une voix sévère en repliant son journal. Ça suffit. Monsieur Dumesles dépose le journal replié sur la table et quitte les lieux. Oshun roule des yeux tandis que Natalie fait de même en faisant claquer ses chaussures sur le parquet.

_ J en ai rien à foutre, murmure Oshun avant de se lever et de rejoindre son père à leur voiture. »

Ils laissent la fraicheur de Montagne Noire avec Monsieur Dumesles au volant afin de se rendre à la Rue Pavée où se trouve le cabinet. Haïti a beaucoup progressé ces derniers temps, durant la descente, Oshun ne peut se retenir d admirer les maisons toutes neuves et modernes. Un élève du Lycée de Pétion- Ville attendait à la porte de ce qui est sans doute la maison de ses amis tandis que d autres élèves portant les uniformes des écoles avoisinantes se chamaillent et filent à toute vitesse sur leur vélos tout terrain. Ils sont sans doute excités car c est le dernier trimestre qui débute. Les grates-ciel au loin s élèvent vers les nuages en reflétant la lumière du soleil sur leur carcasse de verre poli. Les Flamboyants fleuris plantés de part et d autre de la route donnent un air chaleureux et magique aux environs. Il n y a pas un seul sac en plastique que ce soit sur la chaussée ou les trottoirs et les piétons sont tous bien vêtus pour une autre journée au travail. Les beaux magazins ouvrent leurs portes un à un tandis que sur les balcons des restaurants, des hommes et femmes en chemise blanche et tablier de toutes les couleurs ouvrent les nappes sur les tables et nettoient les chaises. Des clients entrent et sortent d une boulangerie le sourire au visage.

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⏰ Last updated: Aug 03, 2021 ⏰

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La Belle OshunWhere stories live. Discover now