Les étoiles fugitives

Une étoile en fuite est une étoile fendant l'univers à une vitesse anormalement grande. Aussi appelé étoile fugitive, plus rapide que ses semblables, elle a été mise en mouvement par l'explosion d'une supernova.

Condamnée à se déplacer à toute hâte, elle se retrouve séparé des astres environnants, errant dans l'espace en solitaire.

La vie d'une étoile est une vie d'isolement, mais celle d'une étoile fugueuse est un exil.

Aster était l'une d'elle. Eloigné des siens par la mort d'une étoile en fin de vie, il déambulait seul dans les cieux. Ses cheveux s'étaient gorgés de poussières dorées et ses pupilles étaient devenues des étincelles. Sa peau brune s'était couverte de centaines de minuscule bout de météorites, s'incrustant dans son corps comme une multitude de tâches le décorant de la tête au pied.

Néanmoins, Aster se savait différent des autres astres. Lors de l'explosion de son amie, il y avait des milliers d'années de cela, l'onde de choc l'ayant propulsé avait aussi envoyé un tout petit bout de roche en fusion dans son œil gauche. Bien qu'il ne puisse pas ressentir de douleur, la violence l'avait fait s'évanouir et le plasma avait fait mourir son œil. De ses deux iris de la couleur du soleil, il ne restait plus que le droit. La gauche s'était teintée de marron, comme si elle s'était éteinte.

Et de cet œil mort, il était capable de veiller sur les humains.

Ça avait été une surprise, les premières fois. En se concentrant, il pouvait apercevoir le monde des humains, fragile, fébrile, naissant. Il pouvait distinguer leurs petits êtres frêles se débattre avec la vie et leur environnement pour survivre de leur mieux.

Aster avait été attendri par cette vision. Des créatures comme lui, soumises à la vie, sur des terres refusant leur existence. Il s'éprit d'eux, et commença à passer de plus en plus de temps à les regarder, les étudier, les analyser. Au cours de ses observations, il s'aperçut que lorsqu'ils se laissaient aller au sommeil, ils ne voyaient rien d'autre qu'un large vide, un grand espace sombre où rien ne se trouvait.

Il n'aimait pas ce néant. Alors, joignant les mains et fermant les deux yeux, il fit un vœu du plus profond de son cœur. De son souhait, naquirent les rêves.

Ravi, il offrit son cadeau aux humains. Néanmoins, il fallait des gardiens, pour veiller sur ces songes, et ne pas les laisser partir hors de contrôle. A l'aide des nébuleuses qu'il traversait, ils établirent des règles : il fallait continuer d'observer les humains, de regarder jusqu'à leur cœur. Tous n'étaient pas bons, tous n'étaient pas dignes d'attendrissement. Pour ceux-là, les nébuleuses s'occuperont de leurs cauchemars. Au contraire, pour les humains fatigués, pleins de bonnes attentions, il fallait un sommeil doux. A ceux-ci, Aster ne donnera que des rêves agréables pour qu'ils puissent se reposer en sécurité.

Dans l'infinité de l'univers, le temps s'écoule différemment. Des années mortelles n'ont toujours été que des clignements de paupières pour l'étoile fugueuse. Alors, pour s'occuper durant son éternelle solitude, Aster s'appliqua à façonner les rêves de chaque humain lui-même. Il veillait sur eux et sur leur existence, pour en déterminer des songes plaisants, accueillants, amusants. Selon leurs préférences et leurs gouts, il s'appliquait à décorer leurs rêves du bout des doigts et à les modeler à sa convenance.

Il ne savait pas comment les nébuleuses s'y prenait. Il ignorait tout de la contenance des mauvais songes qu'elles offraient aux humains cruels. Elles avaient toujours été étranges à ses yeux, avec leurs milliers de voix qui se mêlaient pour n'en faire qu'une, et leurs répliques cinglantes.

-Fais nous confiance, avaient-elles un jour susurré à l'unisson. Les cauchemars sont bien gardés, tout au creux de nous.

Aster avait décidé de les laisser faire. Il passait de plus en plus de temps à observer le monde des humains pour combler et reposer ceux qui le méritait. Aux explorateurs il offrait des paysages magnifiques, aux inventeurs il soufflait des machines grandioses. Il couvrait les enfants de couleurs et de jouets, et cajolait les âmes esseulées avec des étreintes tendres d'êtres aimés qui n'existaient plus. Chacun d'entre eux étaient uniques, alors Aster voulait rendre hommage à cette diversité en ne répétant jamais le même songe chez deux personnes. Des centaines d'années passaient et des millions d'humains remplaçaient les précédents.