Chapitre 2

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Les jours suivant furent les plus beaux de la vie de Raiponce. Ayant retrouvé son père, son cœur en morceaux se ressoudait peu-à-peu, effaçant avec lui les souvenirs douloureux de la sorcière.

Quand le roi voulu savoir d'où lui venait toutes ses cicatrices, Raiponce lui narra alors son histoire au passé douloureux, versant au sol des larmes retenues depuis trop longtemps.
Elle n'omit aucun détails, racontant en détails chaque brûlures, chaque souffrances sur chaque parcelles de sa peau autrefois angélique et pure.
C'est quand elle lui raconta les tortures que sa marâtre lui faisait subir que le roi repensa alors à la sorcière à la beauté légendaire, à qui il avait brûlé le visage quelques années auparavant.
Celle qui avait failli le tuer volontairement et qu'il avait arrêté par surprise et par chance, y laissant sa vie de peu ; elle avait voulu le poignarder sauvagement dans le dos quand celui-ci était penché vers le sol pour je ne sais quelle affaire. Il n'avait eu la vie sauve que grâce à un roitelet qui avait coupé sa route et avait continué ensuite derrière lui. Il s'était retourné, et avait aperçu sa femme dressée au dessus de lui, les mains refermées sur un long poignard à la lame effilée. Il avait alors roulé sur le côté, et la lame était venue se ficher dans le sol, à l'endroit où il s'était trouvé seulement quelques instants auparavant.
Il l'avait ensuite attrapé sauvagement et lui avait infligé les pires tortures, le cœur brisé par cette femme qui ne l'avait jamais aimé.

Il ordonna alors que Raiponce fusse soignée par les meilleurs médecins du royaumes, et celle-ci retrouva alors peu-à-peu sa beauté autrefois disparue.

Mais les cicatrices restent, malgré le maquillage. Le cœur de Raiponce avait plus souffert que n'importe quelle personne du royaume ; il était mort en même temps que son innocence.

Un soir hivernal, alors que Raiponce dormait, celle-ci entendit soudain un bruit, semblable à un râle, dans la chambre à côté, celle de son père.
La sorcière pensa-t-elle tout-de-suite avant de se lever, de repousser les couvertures et de courir dans la chambre d'a côté.
Quand elle déboucha dans celle-ci, elle n'eut le temps seulement de hurler de terreur, de peur et de désespoir avant de s'évanouir : le roi gisait sur son lit, le ventre ouvert, les yeux exorbités, la bouche grande ouverte dans un signe de terreur indescriptible. Son agonie avait dû être lente et douloureuse à juger par la blessure profonde et maîtriser, symbole d'une dextérité parfaite dans l'art de tuer.
Les draps arrachés étaient témoins de la lutte acharnée que son défunt père avait mené contre son agresseur.

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Quand Raiponce se réveilla, elle cru rêver, ou plutôt cauchemarder : elle était de nouveau attachée, et la sorcière la regardait avec un air carnassier imprimé sur son visage démoniaque, un tison chauffé à blanc dans les mains.
Elle avait enfin retrouvé celle qu'elle avait autrefois enlevé par plaisir, pour son seul plaisir sadique.
Les jours qu'elle avait passé, enragée, à la chercher dans la forêt, sans succès, l'avait au final conduit en ville, où elle avait appris que la princesse était finalement revenue.
Entrée alors dans une fureur indescriptible, elle attendit patiemment la nuit avant de se glisser dans le palais comme elle l'avait l'avait déjà fait quinze ans auparavant, et de tuer le roi dans son sommeil, tout comme l'avait été la reine autrefois.
La satisfaction qu'elle avait ressentie en voyant le roi agoniser devant ses yeux avait atténué la haine qu'elle vouait à Raiponce. Elle avait tourné et tourné le couteau dans la plaie béante qui ouvrait en deux le ventre du roi, savourant chaque secondes sa victoire totale sur le royaume désormais déchu et sur celui qui avait autrefois osé lui résister alors qu'elle aurait pu le tuer.

Elle n'avait donc plus grand chose à faire avec elle.

Dans un mois, Raiponce mourra.

Pendant ce temps, Raiponce, désespérée par la mort de son père, folle de désespoir et de terreur, et détruite par les nouvelles tortures de la sorcière tenta une nouvelle fois de fuir.
La tâche fut beaucoup plus ardue que la première fois : la sorciere lui avait attaché le pied à une lourde chaîne en métal, et la seule fenêtre qui donnait sur le monde extérieur était désormais condamnée, pour que sa fuite ne se reproduise jamais.
Elle réussi donc tant bien que mal à arracher son pied de son étau, y laissant bon nombre de peau en même temps, puis, armée d'un marteau qu'elle avait dérobée au préalable, entreprit de décrocher les nombreux clous qui barraient la voie vers la liberté tant convoitée.
Elle s'arracha les mains sur les clous effilés, mais peu lui importait : bientôt, elle serait libre, loin de cette femme qui se prétendait être sa belle-mère.
Les ongles arrachés, la peau écorchée, les pieds sanguinolents, elle réussi finalement à faire tomber le panneau de bois, avant de lancer ses cheveux par dessus le rebord, puis de l'enjamber avant de se jeter à terre dans un bruit.
Mais nous ne sommes pas dans un conte de fées : Raiponce se réceptionna mal à cause de sa blessure au pied, et se brisa la cheville dans un craquement sec.
Elle retint un cri et de nombreuses larmes, avant de s'enfuir en boitillant vers la forêt, les lamées perlant aux coins de ses yeux.
Alors qu'elle courait sans relâche sans savoir où aller, essayant tant bien que mal d'oublier la douleur lancinante que lui transmettait son pied à chaque pas, les yeux baignés de larmes, elle rencontra, au détours d'un sentier sombre, un homme, assis sur un cheval noir comme l'ébène.
Elle prit tout d'abord peur en votant cet inconnu ici, puis le détailla de la tête aux pieds : dès qu'elle le vit, plus rien autours n'exista.
Le jeune homme, qui devait avoir à peu près son âge, avait des yeux clairs comme de l'eau de source, d'un bleu glacé, et des cheveux bruns et ordonnés sur sa tête, où était posé un chapeau noir orné d'une plume de paon.
Ses habits étaient bruns, et une longue et fine épée était ceinturée à sa taille.
Il descendit alors de son cheval et s'approcha d'elle, une lueur inquiète dans le regard. Il vit son visage brûlé, ses mains écorchée, ses cicatrices qui couvraient chaque parcelles de peau, mais cela ne l'empêcha pas de l'attraper doucement pour la mettre sur son cheval pendant que celle-ci s'évanouissait alors dans ses bras.

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Quand Raiponce se réveilla, quelques heures plus tard, elle supposait, elle était dans une chambre bien décorée, enveloppée d'une chaleur douce, signe d'une famille assez aisée. Elle se trouvait dans un lit aux draps doux, et son oreiller en plumes d'oies sentaient la lavande fraîche.
Sa robe déchirée et sale avait été remplacée par une robe de chambre fait dans un tissu qui lui était inconnu. Doux et confortable, frais et fluide à la fois. Ses cheveux avaient été démélés, et ses blessures soignées. Elle avait été elle-même lavée et une douce odeur de frais flottait dans la pièce, revigorant les sens de notre princesse déchue.
Elle eut furtivement une pensée morbide qui la fit frémir, avant de se rasséner et de se dire qu'elle délirait : elle avait été soignée et changée comme un mort pour son enterrement.

Soudain, la porte s'ouvrit doucement, et le prince entra dans la chambre de Raiponce. Celle-ci, muette, voyait ses rêves les plus fous se réaliser tout-à-coup : elle était tombée amoureuse, elle en était sûre.
Les petits papillons qu'elle ressentait à ce moment le témoignaient, tout comme son cœur qui se mit à s'accélérer quand le prince approcha de son lit et lui prit doucement la main.
Il lui apprit qu'elle était restée inconsciente une semaine, et qu'il avait veillé sur elle tout le temps, ce qui rosit furtivement les joues de Raiponce.

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Pendant un mois, le prince vint dès qu'il le pouvait, il la soigna et prit soin d'elle comme si elle fut en sable, prête à tomber en morceaux à chaque instant.

Il apprit alors que Raiponce était la fille du souverain décédé du royaume, et son attachement à la princesse ne fit qu'augmenter.
Il resta le plus de temps possible auprès d'elle. Il la charma, et Raiponce répondit. Elle était sûre qu'elle l'aimait, mais elle ne savait comment lui dire, ni même quand. Mais elle l'aimait, et, chaque soir, c'est avec un baiser furtif du prince sur ses cheveux sans fin qu'elle s'endormait, le cœur heureux.

Tellement heureuse qu'elle en oublia complètement sa belle-mère qui, elle, ne l'oublia pas.
La sorcière chercha Raiponce sans relâche, sans aucuns succès apparents : la princesse semblait s'être volatilisée, comme si elle avait fuit le royaume.
En effet, le prince l'avait emmenée dans un recoin inconnu du royaume, chez son père.

Un mois après son rétablissement, Raiponce pouvait à nouveau profiter de sa jeunesse comme toutes les jeunes filles de son âge. Sa beauté naturelle était revenue, et ses cheveux, d'habitude ternes et sales, était maintenant blonds et resplendissaient de mille feux au soleil, comme si Raiponce était à elle seule un soleil rougeoyant.
Le prince ne cessait de la suivre, se pliant à tous ses désirs, conscients qu'elle avait souffert dans son passé.
Il semblait l'aimer, mais ne laissait rien paraître, préférant se montrer comme un frère protecteur avec Raiponce.
Cela faisait parfois pleurer Raiponce la nuit, qui se disait qu'il ne la considérerait jamais que comme une sœur plus que comme sa femme.

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Mais un soir, alors que celui-ci avait été absent toute la journée, laissant Raiponce seule à se morfondre sous son arbre favoris, il apparut alors à la vue de la princesse, sous les fleurs d'un cerisier, et lui déclara alors sa flamme.

Le souffle coupé, le cœur battant, les yeux baignés de larmes de joie, Raiponce accepta alors, avant que le prince pose ses lèvres sur les siennes, scellant les quelques centimètres qui les séparaient dans un baiser tendre et passionné.

Là aussi, l'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais nous ne sommes pas dans un conte de fée.

Bloody Popular Story / RaiponceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant