The Last Dinner

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            Le crépuscule menaçait de chasser la nuit profondément installée depuis plusieurs heures déjà, lorsqu'un jeune homme à la carrure robuste s'empressait de rejoindre les cuisines du restaurant pour lequel il travaillait.

Il traversa de nombreuses salles plus luxueuses les unes que les autres, habituées à recevoir les hauts gradés des différents régiments qui constituaient l'armée de Paradis.
Avec soulagement, le mahr atteignit enfin ses précieuses cuisines, où il s'empressa de sortir tous les ingrédients plus qualitatifs les uns que les autres. Il retroussa les manches de sa blouse blanche, affirmant avec un sourire des plus radieux : « Allez ! Elle va bientôt rentrer ! ».
A ces mots, le cuisinier débuta une course effrénée qui ne prendrait fin que lorsque le soleil serait déjà haut dans le ciel.
Il cuisina pendant des heures, riant à l'idée de servir une telle quantité de plats pour une heure aussi matinale, où la coutume voulait que les humains commencent leur journée par une note sucrée.

Et pourtant, il poursuivit son effort, pensant aux yeux pétillants qu'il allait satisfaire en proposant à son invité un tel choix gastronomique.

Il regarda avec satisfaction la totalité de son travail enfin achevé. Il fit rapidement les comptes : la totalité de son salaire du mois était passé dans la préparation de ce repas. Il voulait offrir du plaisir à son invité qui ne devrait plus tarder à rentrer de mission.
Le blondinet profita de l'avance qu'il avait pour dresser la table, prenant soin qu'aucun pli ne viennent entacher la délicatesse de la nappe de tissu blanche qu'il avait méticuleusement choisi et qui lui rappelait la pureté qu'incarnait sa précieuse invité.

                   Le cuisinier ferma les yeux pour contempler le magnifique visage qui se dessinait dans son esprit. C'était une ravissante soldate, jeune par l'âge mais aussi par le côté enfantin qu'elle avait réussi à conserver malgré le nombre d'horreurs incalculable qu'elle avait vécu.

Elle avait sorti le jeune homme de la guerre qui les rongeait tous les deux, pourtant à l'origine ennemis, pour lui offrir son amitié, puis sa loyauté, puis enfin, son amour.

Oui, le jeune homme en était fou. Depuis leur rencontre autour d'un homard fraichement décortiqué par les soins du blond, la jeune femme l'avait transpercé par son naturel et sa sincérité, affirmant qu'elle n'avait jamais rien mangé d'aussi délicieux. La joie qui s'exprimait malgré elle à travers son regard et son sourire avait permis au cuisto de comprendre quelle était sa véritable vocation : procurer de l'amour et de la joie à quiconque gouterait ses plats, pour permettre à chacun, à sa façon, de quitter le temps d'un repas, l'immonde monde dans lequel ils étaient emprisonnés. Un monde cruel ravagé par la guerre. Un monde magnifique où deux enfants issus de peuples ennemis était parvenu à trouver bien plus que l'amour. Car oui, il en était certain, il avait trouvé son âme sœur.

                          Il ne put retenir les rougeurs d'empourprer ses joues, tant ses sentiments pour la jeune femme étaient sincères et profond. Il sentait au fond de lui même que ceux-ci étaient réciproques, alors que la soldate ne s'était jamais confiée à ce sujet. Pourtant, l'homme et la femme passaient l'intégralité de leur temps libre ensemble, sacrifiant des jours de repos pour cuisiner les meilleurs plats pour sa belle.







Elle était la plus gourmande de toute,







dévorant chaque plat avec la même passion inépuisable, comme si sa vie allait s'arrêter quelques secondes après son repas.













C'était un être magnifique,



une humaine au cœur tendre, amie dévouée, amante passionnée et tireuse exceptionnelle.









C'était une eldienne.

Il était mahr.

Ils s'aiment, il le sentait.













                      A cette dernière pensée, attiré par les premiers rayons du soleil levant, le blondinet quitta le restaurant pour rejoindre le port où la jeune femme devait faire son apparition avant de retrouver le confort et la sureté de ses bras.

Il n'eut jamais était aussi rapide pour faire le trajet, parvenant haletant à quelques mètres du quai d'embarquement. Ses yeux s'illuminèrent, se remplissant d'une joie qui lui était encore jusqu'à présent inconnue.









L'aéronef était là.











                Il observa attentivement les compagnons de la jeune femme descendre de la structure pour rejoindre la terre ferme. Ils avaient l'air épuisé, où plutôt ... abattu.

« Non. Leur voyage a été long et difficile. C'est simplement ça ». Cette seule explication ne parvenait à apaiser le cœur du blond qui venait de s'emballer, influencé par un étrange présentiment. Le stress l'envahit : elle n'était pas là.

Il balaya rapidement la scène du regard, cherchant désespérément la chevelure brune attachée en queue de cheval qu'il aimait tant caresser. Puis en instant il la trouva.

Elle était éparpillée sur le sol, dénuée de tout mouvement. Pas même le vent n'osait s'y engouffrer.

Il toussa, convaincu que sa bile allait franchir les parois de son estomac. Elle était là, la femme qu'il aimait tant, semblant être désertée par toute forme de vie.

Il voulu approcher pour sentir son cœur battre à travers les pulsations de son coup, mais la vision d'un jeune homme au crâne rasé l'en dissuada, comprenant aux travers des larmes de Connie Springer que celle qu'il considérait comme sa sœur jumelle ne vivait plus.

Le jeune homme couru avec la même intensité qui l'avait amené jusqu'à sa belle, cherchant à fuir, cette fois, le plus loin possible de sa dépouille. Il entendit à peine Connie le crier par son nom : « Niccolo ! ».

Niccolo pénétra tel un bélier dans la pièce qui devait accueillir son âme sœur. Complètement perdu, son esprit peinait à réaliser la terrible vérité. Comme pour se donner du courage afin d'y faire face, il se servit un verre de vin, les mains aussi tremblantes qu'une feuille morte suspendu à une branche emprise par une tempête atroce. Il renversa quelques goûtes du liquide violine, venant entacher la pureté de la nappe, à l'image du sang qui souillait à présent le corps de celle qu'il aimait tant.

Il s'écroula à cette vue, sur la chaise qui devait l'accueillir pour passer un moment agréable avec la jeune femme. Il faisait face à ce siège, déserté de présence, là ou l'homme s'apprêtait à confesser ses sentiments.







La femme qu'il aimait était morte.









Niccolo leva son verre en direction du siège inoccupé, faisant ainsi honneur à tous ces mets soigneusement positionnés, murmurant dans un profond désespoir qu'il n'essayait plus de cacher :







 « Bon appétit, Sasha Braus ».

The Last DinnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant