La lune, haute dans le ciel, était un rond parfait, brillant sur la toile d'ébène tavelée de blanc. Les nuages avaient déserté les cieux en cette chaude nuit de juillet. Le vent se manifestait dans cette douce brise tiède qui faisait bruisser les feuillages fournis des hauts arbres et agitait légèrement la surface de l'eau. Le ciel, d'un noir parfait, accompagné de sa multitude d'étoiles blanches et de son astre nocturne, se reflétait dans le lac qui semblait ne jamais en finir. L'eau était entourée d'une épaisse forêt qui s'étendait par-delà l'horizon, et qui ne laissait pas la lumière lunaire la pénétrer. Seul un petit espace, face au lac, était dépourvu d'un quelconque arbre, laissant apparaître l'immensité du ciel. Deux silhouettes sombres s'y tenaient, collées l'une à l'autre. Deux ombres humaines, qui observaient le monde qui s'étendait au-dessus de leur tête. L'eau venait parfois, dans une fine vaguelette, lécher le bout de leurs pieds entremêlés, leur provoquant de légers frissons. La brise courant sur leur peau les réchauffait, soulevant quelques mèches de leurs cheveux. Leur légère respiration était synchronisée, à l'instar des battements de leur cœur. Leur regard se portait sur l'immense reflet du ciel tandis qu'elles restaient là, deux silhouettes murées dans un profond silence. La nuit était chaude, le ciel, dégagé, et la nature, calme.
- Tu te souviens de la Grande Panique ? souffla doucement une des ombres, comme si un seul mot prononcé plus fort pouvait créer une tempête.
- Est-ce seulement possible de l'oublier ? répondit l'autre avec une certaine difficulté, dans un léger murmure qui se confondait presque avec les chuchotements de la nature.
Ces deux brèves phrases les plongèrent dans des souvenirs qu'elles auraient voulu oublier, mais qui malheureusement, restaient à jamais gravés en elles.
12 Décembre 2029
Le soleil brillait faiblement, parvenant à peine à traverser l'amas de nuages qui recouvraient ce ciel de décembre. Et malgré la présence, bien qu'atténuée, de l'astre lumineux, les températures tombaient plus bas que zéro, alors que quelques rares flocons valsaient dans l'air, disparaissant à peine la surface gelée du sol atteinte. Les nombreux bâtiments parisiens se fondaient avec le ciel grisâtre, entourés d'une légère brume. Les voitures défilaient sur la chaussée dans un concert de bruits désagréables, qui ne semblaient pas gêner le nombre incalculable de passants sur les trottoirs. La journée étant déjà bien entamée, chacun se hâtait de retrouver son domicile, voyant le soleil qui déclinait bien trop vite vers l'horizon. La nuit, les températures n'étaient plus simplement basses, elles étaient glaciales. Probablement que toutes les voitures à l'arrêt pendant la nuit seraient, le lendemain, un bloc de givre.
Les heures défilant, le soleil baignait à présent le ciel de sa lumière orangée, couleur que l'on pouvait observer à travers quelques trous dans la nappe de nuages qui avaient été présents toute la journée durant. Les flocons tombaient maintenant en plus grand nombre, et plus fortement. Le vent s'était levé, battant la neige qui réduisait la possibilité de voir à plus de quelques mètres devant soi. Le brouillard envahissait les rues presque désertes, où seuls quelques rares voitures et passants pressés étaient présents.
L'astre lumineux continuant sa descente, il fut bientôt entièrement caché par l'horizon, rendant l'extérieur totalement noir. Les grandes rues, pleines de vie durant la journée, avaient l'air mortes. Comme si la ville était subitement devenue une ville fantôme à peine la nuit arrivée. La majorité des habitations étaient éclairées, vagues lueurs à travers l'épais brouillard. La neige tombait violemment contre le sol, formant lentement une nappe blanche. L'astre lunaire, en pleine ascension dans le ciel, était invisible depuis le sol, masqué par d'épais nuages qui ne laissaient rien transparaître à travers eux.
Et dans chacune de ces habitations, un point commun : cette magnifique fleur posée sur la table, dans un coin, sur un meuble ou près du lit. D'un blanc éclatant et d'un rouge écarlate, quelques petites épine cachées sous les pétales repliés, cette fleur était la toute nouvelle découverte que tout le monde s'arrachait. Cette plante était apparue un peu partout dans le monde, comme si elle avait toujours été là. Tout le monde l'appelait « La Fleur de Feu ». Tous semblaient étrangement envoûtés par ces belles couleurs éclatantes.
Et pendant que tous dormaient, loin de la réalité, enveloppés dans un voile de rêve, ses pétales s'ouvraient lentement. Ils se déployaient dans une magnifique harmonie, laissant apparaître des teintes roses et orangées. Lorsque personne ne les voyait, elles s'ouvraient sur les ténèbres nocturnes, beauté timide qui n'osait se montrer qu'à travers une brume de noirceur. Et alors que seules ces fleurs semblaient vivre par cette nuit glaciale et silencieuse, la brume rouge s'éleva. D'abord une fine fumée rougeâtre se déployant autour de la fleur, puis une brume plus épaisse, qui glissait innocemment là où elle le pouvait.
Et tandis que minuit sonnait ses douze coups, les rues se voyaient envahies d'un brouillard rouge, qui sortait de chaque habitation. Dans le secret de la nuit, ce qui deviendra la plus grande peur des êtres-vivants s'épanouissait librement, doux poison se propageant dans chaque coin des grandes rues parisiennes.