la rêveuse;

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LES RAYONS DORÉS éphémères des astres dessinaient par le biais de la fenêtre les courbes de son corps sur les murs de la pièce, ombombrant avec timidité le lieu de sa présence. Le doux silence de cette chambre impersonnelle glissait sur la peau dénudée d'Aliénor qui avait profité de la solitude présente de la pièce pour se changer de ses vêtements désuets. Il y avait dans ses gestes un indéfinissable charme, une insondable tranquillité, qu'auréolaient parfaitement avec douceur la lumière.

Et tandis qu'elle enfilait sa longue écharpe verte surannée autour de son cou délicat, elle se mit à réfléchir sur la folie de son choix.
Les rêves ne mentent pas. Ils détournent la vérité, la module et la transforme, mais il ne mentent jamais. C'était cette idée que se faisait Alienor du monde des songes. Elle le connaissait bien oui ce lieu presque magique, elle était une voyageuse, une de ces rares personnes qui pouvait y accéder en y ayant pleinement conscience.

Ce monde était son échappatoire. Elle compensait les insuffisances du réel par le rêve, se créant presque un paracosme où s'enraciner. Un trou profond et onirique où elle pourrait se permettre toutes les folies auxquelles elle pouvait penser. Mais la jeune femme balaya ses pensées d'un geste de la main, enfilant une veste brune démodée et ses intemporelles converses noires. Ses mouvements trahissait une excitation grandissante à la vue de ce qu'elle allait faire. Cela faisait depuis si longtemps qu'elle ne l'avait pas vue que son cœur se serra à la simple idée de resentir son parfum immamercible.

Et c'était dans cette forêt aux secrets vastes et presque irréels, que la silhouette de la jeune femme se faisait trahir par la lune qui illuminait son corps gracile de son regard curieux. L'étoile voyait tout et dans son silence donnait l'impression de pouvoir également vous comprendre. Aliénor aimait sa présence autant qu'elle la jalousait. Elle aurait aimé elle aussi se retrouver là haut dans le ciel à contempler le monde sans barrière, à pouvoir le voir changer d'un amour ardent et infini.

Aliénor capitula alors comme à chaque fois, laissant la lune écouter et dévoiler son passage, lire ses secrets et creuser avec son indéfinissable douceur la profondeur presque irréelle de son passé incompréhensible. La tacite connivence qui les liaient étaient immuable et le restera jusqu'à la fin, ça, la jeune femme en était persuadée.
Elle s'avança alors, vagabondant entre l'inquiétante beauté des arbres, respirant l'air obscur de la nuit claire, son écharpe suivant ses mouvements.
Aliénor aimait le soleil et la lune. Mais elle aimait également l'obscur, le sombre, ces ombres mystérieuses qui cachaient sous leurs formes étrange des histoires qu'elle aimait inventer.
La jeune femme marchait au hasard dans la nuit, écrasant sous ses pieds l'herbe humide où s'y déposait des traces de pas évanescentes. Elle écoutait les bruits du monde, du plus bruyant et grotesque au plus imperceptible et mélodieux. Elle avait cédé à ses désirs, étouffant le rationnel sous son écharpe de curiosité.

Invraisemblablement, Aliénor était malade. Mais d'une maladie dont elle ne souhaitait pas guérir. Elle était amoureuse de la même manière que le soleil aimait le ciel. L'amour de ces dernier était d'une élégante élégie que nul ne pouvait vraiment décrire. C'était ainsi pour Aliénor. Elle ne pouvait rien décrire, les mots lui manquait toujours. Il n'y avait que des sentiments, brutaux et tendre, qui bercaient son cœur maladroit et gauche à l'excès.

Soudainement, elle entendit une présence à ses côtés au loin. Son regard céruléen brûlant d'excitation se posa alors sur la jeune femme qui se tenait entre les arbres menaçant de leur grandeur. Sa silhouette, dont la grâce et la beauté impressionnaient Aliénor, embrassait avec fougue les rayons clairs de la lune qui l'illuminait. Dans la nuit, elle lui semblait presque irréelle, surnaturelle.
Aliénor ne put s'empêcher de lui sourire, une maladroite expression amicale d'une fascinante curiosité rayonnait dans le regard de la jeune femme à la chevelure noire.

Mais avant même qu'Aliénor n'ait pu prononcer le moindre mot, elle sentit une douleur au ventre qui la propulsa violemment en arrière.

Et elle ouvrit les yeux.

Assis sur son ventre innocemment, le regard malicieux, Murphy la regarda se réveiller de ses yeux fureteurs. Les lèvres purpurines d'Aliénor se tordirent alors en une moue ennuyé tandis que son regard distant et tragique se posa sur la cause de son réveil. Elle se leva alors, jeta un coup d'œil au lit vide à ses côtés et finit par s'engouffrer dans la salle de bain du dortoir pour se préparer pour les cours.
Le chat l'observa partir avant de se laisser aller vers l'autre lit, faisant tomber un malheureux cadre photo personnalisé sur son chemin.

« A & M pour toujours »



















La rêveuse était en deuil.

le chant des méduses Où les histoires vivent. Découvrez maintenant