Il y a une chose que je regrette

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La déflagration fut assourdissante.

Une bourrasque puissante balaya la cour, manquant de l'envoyer valser au loin. Le vilain contre lequel il se battait, lui, ne fut pas épargné par le souffle de l'explosion et percuta les ruines d'un mur non loin de là. Mais le jeune héros ne s'en soucia pas, c'est à peine s'il le remarqua. Son regard carmin se dirigea avec une lenteur exaspérante vers l'origine du vacarme, comme s'il savait déjà ce qu'il y verrait et cherchait par tout les moyens à le réfuter.

Des colonnes de fumés sombres s'élevaient là où le bâtiment s'était effondré. Bâtiment qui avait autrefois été son lycée. Bâtiment où se trouvait...

Il écarquilla les yeux.

Ses jambes se murent de leur propre volonté. D'elles-mêmes, elles le portèrent vers les ruines de U.A, fendant le véritable champ de bataille qui l'entourait. Pourtant, le héros ne le voyait pas, il n'entendait pas les alters se déchaîner et ses camarades hurler leur douleur. Son regard, son esprit, était focalisé sur les ruines devant lui et la personne qui, il l'espérait, ne se trouvait pas à l'intérieur lorsqu'elles s'étaient effondrées.

Il arriva sur les lieux, le souffle court et les mains tremblant autant de peur refoulée que de surmenage. Le verre crissa sous ses semelles quand il s'aventura parmi les décombres, criant à s'en arracher les poumons. Sa voix se brisa mais il continua, ignorant la douleur dans sa gorge et dans ses bras alors qu'il utilisait son alter pour se propulser plus vite à travers les débris. Et alors qu'il s'apprêtait à réitérer son appel, il l'entendit. Ce n'était guère plus qu'un murmure, des paroles soufflées qui auraient dû être perdues dans le vacarme des combats, mais il l'entendit.

Le surnom qu'il lui avait donné.

Et alors qu'il contourna l'immense pierre qui avait autrefois était l'un des murs du couloir, il le vit.

Il était là, coincé sous les restes de plafonds. Du sang maculait ses joues rondes, couvrant les tâches de rousseurs qui les constellaient, et souillait sa chevelure verte, engluant ses mèches sombres. Sa jambe droite disparaissait sous les décombres et la gauche était tordue dans un angle peu naturel, le même qu'avaient pris ses bras brisés. Il ne restait presque rien de son costume, juste des lambeaux çà et là qui ne couvraient qu'à peine sa chair meurtrie. Mais ce qui attira son regard, ce qui fit perdre toutes couleurs à son visage, fut la plaie sur son torse.

Un trou béant, juste en-dessous du cœur.

Son souffle se coupa et son sang se figea. Devant ses yeux écarquillés, il revoyait son regard posé sur lui, brillant de détermination. Il revoyait son sourire, quelque peu tremblant, mais qui se voulait rassurant. Il revoyait ses lèvres se mouvoir, articuler ces paroles qui, il l'implorait encore, n'étaient pas des mensonges.

« Ne t'en fais pas, tout se passera bien. Je vais mettre fin à tout ça et tout redeviendra comme avant. Personne ne mourra aujourd'hui. Je sauverai tout le monde, j'en fait la promesse. »

Il se revoyait le laisser partir, comme il le lui avait demandé. Il se revoyait ployer face à l'assurance que l'autre dégageait. Assurance qui l'avait convaincu, qui l'avait fait espérer qu'en effet, tout irait bien. Qu'il y aurait un après, où il pourrait s'excuser comme il se devait.

Assurance qu'à présent, il regrettait d'avoir écouté.

Ce fut dans un état second qu'il se précipita vers le blessé. Et ce fut dans ce même état qu'il envoya, d'une explosion, la pierre qui l'écrasait valser. Il se vit de loin s'agenouiller près du jeune homme, prendre son corps brisé dans ses bras, et lui hurler, d'une voix enrouée, que c'était un abruti. Qu'il ne pouvait pas crever ici. Que s'il ne pouvait pas tenir une simple promesse,  il n'était vraiment qu'un bon à rien.

Il y a une chose que je regrette (OS KatsuDeku)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant