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Au final, lequel des deux est réellement mort ? Celui qui est enterré ou celui qui vit sans l'autre ?

Le réveil sonne. Avant même le lever du soleil. Comme à son habitude, Zélie se lève, boit un coup et enfile sa tenue de sport. Elle prend les clés, laisse un mot sur la table pour son père enfile ses chaussures et ferme la porte derrière elle. Bien que les vacances soient finies, elle a l'intention de tenir ses habitudes sportives des trois mois passés. Elle voit le soleil se lever lentement sur la Garonne. Comme d'habitude, elle croise la dame aux chats. Comme d'habitude, elle croise cet homme d'affaires pressé de se rendre à son bureau en marchant vite et sans arrêter de regarder sa montre. Comme d'habitude, elle voit au loin cette mère de famille promener son chien avec une cigarette dans une main et une poussette dans l'autre. Elle court, adapte son allure à sa musique et après avoir fait son tour habituel, elle rentre chez elle, passe par le jardin, s'étire et joue avec sa chienne au passage, rentre, dis bonjour à son père qui part travailler et va prendre sa douche. Elle se coiffe et s'habille de manière à être prête à 7h03. Elle fait ses habituels pancakes à la banane et, malgré elle, se pèse. Elle cache vite ses yeux avec ses mains avant de voir son poids et voyant qu'il a baissé, descend de la balance et saute de joie dans toute la maison. Elle finit de faire cuire son petit déjeuné et donne à manger à Swan avant de manger elle aussi. Ce matin-là elle ne regarde pas les réseaux sociaux. Elle ne répond à personne. Elle est de bonne humeur et elle ne veut pas que cela change avant l'heure fatidique. Elle attrape son sac, fait un bisou à sa meilleure amie, prend son téléphone et part en direction de la maison de son meilleur ami avec sa musique dans les oreilles.

"Les plus grands sages disent que le vrai bonheur est dans l'équilibre [...] pourquoi vous voulez m'aimer maintenant ?"

Les 3 minutes 19 que durent la chanson, sont les 3 minutes 19 qui séparent son point de départ de sa première halte de la matinée. Elle toque et entre dans l'appartement sachant très bien qu'Alexandre ne s'est pas encore levé. Comme l'année dernière, il y a deux options : soit il n'a pas entendu son réveil, soit il a délibérément choisi de l'ignorer et attends le doux réveil de Zélie. Vous noterez l'ironie dans la deuxième partie de ma phrase. Laissez-moi vous expliquer pourquoi. Elle attrape la bouteille d'eau laissée dans le frigo et appelle une première fois son ami. Le temps qu'elle fasse chauffer son lait, elle l'appel trois autres fois. Une fois le lait chaud et posé sur la table avec les céréales à coté, elle prend la bouteille et va dans la chambre. Elle lui verse l'eau en criant que c'est la rentrée et qu'il a plutôt intérêt à lever ses fesses s'il veut son café matinal. S'ensuit alors une course poursuite jusqu'à la table sur laquelle est posé le petit déjeuné et Alexandre s'arrête net. Il s'assoit, met les céréales, commence à manger et lui lance que la prochaine fois, elle devrait faire attention à ne pas oublier son jus de pomme si elle ne veut pas que son skate finisse dans le fleuve. Elle rit, attrape deux verres et la bouteille de jus dans le frigo. Les deux meilleurs amis sont heureux de revivre ses moments qu'ils ont partagés depuis leur plus tendre enfance. Aussi loin qu'ils puissent s'en souvenir, ils ont toujours été fourrés ensembles. Vous voyez le genre de meilleurs amis qu'on peut voir dans tous les films et toutes les séries ? Et bien ils sont comme ça. Et ils ne peuvent pas se passer l'un de l'autre. Une fois Alex habillé, ils filent en direction de la seconde halte de la matinée. Leur musique habituelle dans les oreilles, ils marchent sans parler en partageant juste cet instant magique et privilégié de leur journée et chantant chacun leur tour, la musique, comme si ils la vivaient.

"Ouais, c'est qui là? [...] Mel je le sais, je le sens, j'en suis sure, il s'en fou de toi."

À la fin de la chanson, ils arrivent au Starbucks, commandent leurs cafés et vont s'assoir les pieds dans le vide, au-dessus de la Garonne, en buvant leurs boissons et regardent la ville rose s'éveiller. Ils vont au lycée et la journée avait si bien commencé qu'elle ne pouvait pas continuer jusqu'à la fin comme ça. Ils ne sont pas dans la même classe. Pour la première fois depuis 13 ans, elle n'aura pas son point de repère, son ancre au milieu des fauves qui allaient l'entourer. Comme un animal sans défenses au milieu des lions qui vont l'entourer. Voyant sa détresse son meilleur ami, son seul ami la prend dans ses bras et l'accompagne jusqu'à sa salle de classe. Il lui fait un bisou sur le front et lui promet de la retrouver à la pause à ce même endroit. Elle entre s'assoie sur une chaise mais elle ne s'en rend même pas compte. Elle est comme spectatrice de sa vie. Comme je le suis maintenant. Comme vous l'êtes maintenant.

Ils avaient la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant