Il tire une dernière taffe. La fumée brûle ses bronches, le papier chauffe ses doigts.
Ses doigts bleuis de froid.
Mais pas du même bleu que celui qui orne son ventre, ses bras.
Son visage.Son visage qui fut beau.
Il expire, lentement. La fumée grise se confond dans le ciel nocturne.
Ce poison le calme. Ce poison lui prépare une mort prématurée. C'est peut-être pour ça que c'est si agréable.
Avec la fumée s'envole ses souvenirs, ses sentiments bâtards, ses doutes. Tout ce qu'il a envie de chasser de son esprit.
Sauf son ennui et sa rage.
La rage, rouge sang. La fureur d'autant plus puissante qu'infondée.
Elle n'a pas besoin de motif pour brûler.
Elle dévore tout, à l'intérieur de sa poitrine. Elle n'attend que de sortir.L'ennui, noir, absence de couleur. Les couleurs, il les avale toutes. Il en fait son festin. La ville est grise, si grise. Le ciel aussi. La nuit, le jour. Tout est entouré d'un épais brouillard gris, qui, en cachant de sa vue son avenir, l'en abolie. L'ennui, siamois du désespoir.
Ces deux géants là ont une trop grande place en lui pour être réduit en cendre aussi facilement que le papier et les feuilles de tabac.
Le seul moyen d'être soulagé quelques instants de leur poids, c'est par ses poings.La cigarrette est écrasée contre le mur plus très blanc.
Geste las, nonchalant.Une fois éteinte, elle trouve sa place dans la poche d'un vieux jean troué, abîmé par les années.
Il sent le bitume sous ses semelles défoncées.
Un rapide regard pour ses mains.
Ses phalanges sont recouvertes de sang séché, mordues par l'hiver.
Enfin, il lève les yeux.
Et recontre ceux de l'autre.
L'autre est un connard.
L'autre n'a pas de nom.
L'autre n'aura bientôt plus de visage.Les lèvres de l'autre se plissent dans un sourire hautain.
Ses yeux ne sont pas si téméraires.
Ils resplendissent de la magnifique lueur de l'effroi.Il est tout proche. Il sent son souffle erratique.
Débutant.
Ses poings se serrent. Ses bagues lui font mal.
Pas encore.
Il ne regarde plus l'autre. Il est trop faible pour mériter cela.
Ses pupilles traînent sur le macadam glacé, ses semelles de vent, ses avant-bras. Il les découvre en remontant lentement ses manches.- T'es pas pressé dis donc.
Bien sûr que non. Il n'y a rien de plus jouissif que sa rage qui grandit en même temps que la peur de l'autre.
Plus sa rage est grande, plus ce sera jouissif de la libérer.Un pas de plus. Il est presque collé au petit malin qui voulait se mesurer à lui.
Il laisse enfin son adversaire contempler ses magnifiques iris bleu délavé, animés de cette même étincelle qui brille dans les yeux d'un enfant sadique qui trouve enfin de quoi tromper son ennui.
Maintenant.
Son poing vise directement la pommette. L'épiderme cède sous la force du coup. Les anneaux de métal rafraîchissent cette peau rendue brûlante par la douleur.
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Combustion
Short StoryRage. Ennui. Éthylène et nicotine. Fureur de vivre, envie de mourir.