Chapitre 1

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Avec un soupir, je claquai la porte de ma voiture. J'avais tant crispé les doigts sur le volant que j'en avais mal aux mains. À force de serrer les dents comme si ça pouvait me permettre de rentrer à la maison, j'allais finir par me faire sauter une molaire.

Merde, je n'avais aucune envie d'être là ! Encore moins pour quelque chose d'amplement mérité !

Le soleil, haut dans le ciel, tapait durement dans une chaleur à crever et j'hésitai entre fondre en larmes et hurler jusqu'à ne plus avoir de voix. Passer de San Francisco à une minuscule ville perdue du Montana, c'était déjà beaucoup, mais les travaux d'intérêts généraux...

Ouais, c'était trop. J'allais me casser d'ici, et fissa.

Si l'autre connard de chauffard ne m'avait pas cherchée, je n'aurais pas explosé le capot de sa foutue Mercedes. Ce n'était pas comme si je regrettais ; c'était bien plus que mérité pour un enfoiré incapable de comprendre le fonctionnement des feux de signalisation.

Le juge s'était montré sympa — selon ses propres mots —, en me condamnant à quelques semaines de travail forcé dans un ranch plutôt que des séances de thérapie comportementale et des amendes faramineuses. Au moins, ici, je pourrais coller un coup de pelle à quelqu'un sans que ça paraisse suspect.

L'un dans l'autre, je n'étais pas certaine que ce vieux con ait eu toute sa tête.

Ici, il n'y avait que de la poussière, une chaleur de plomb et l'odeur omniprésente des chevaux. Ça, c'était le bon point ; j'adorais les animaux. Les humains, en revanche...

Les bras croisés, je m'adossai au capot brûlant de ma citadine. Selon les instructions que j'avais reçues, un des employés était censé venir me chercher pour m'expliquer comment se passeraient les huit prochaines semaines.

Avec un peu de chance, il ne serait pas trop con, sinon j'allais vraiment perdre pied et me mettre à hurler comme une banshee. Je supportais de moins en moins toutes ces conneries — à comprendre les humains —, et ce temps passé à retourner le fumier allait me coûter cher.

À commencer par la promotion pour laquelle je bossais comme une folle depuis trois ans.

J'avais dû remonter une longue allée surmontée par un large panneau présentant l'entrée du ranch de Bear's Revenge pour arriver jusqu'ici et, le moins que l'on puisse dire, c'était qu'il n'y avait pas âme qui vive.

À l'exception d'un chat qui paraissait sur la rambarde d'une vieille maison incroyablement massive, l'endroit semblait mort. Totalement mort. Au point où je cherchai quelques pierres tombales.

À tous les coups, j'allais finir seule avec des fantômes et personne ne viendrait me chercher. À part peut-être Danika, ma meilleure amie restée à San Francisco, ce n'était pas comme si j'avais beaucoup de proches. J'étais plus du genre à péter des genoux qu'à sourire gentiment.

Ce qui m'avait menée dans ce trou paumé.

Ma langue claqua alors que je jetais un œil au corral qui jouxtait la grande place centrale du ranch. Une écurie et une étable se tenaient côte à côte, toutes deux ouvertes sur des champs à perte de vue avec leurs barrières rustiques.

Un autre bâtiment trônait au fond, rectangulaire et si simpliste qu'il aurait pu faire peur sans les fleurs suspendues aux fenêtres. Avec ses murs usés par le temps, il méritait sérieusement un vrai rafraîchissement ! Il s'agissait sûrement du dortoir des employés où j'allais échouer.

La probabilité que je doive partager ma chambre avec des abrutis à peine capables d'ajouter 2 + 2 était bien trop importante pour que je sois sereine. La dernière chose que je voulais, c'était de devoir dormir d'un seul œil de peur de me réveiller avec un bouseux dans mon lit.

[1] Duke [E D I T E]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant