Partie Une

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Il me regarde. Son souffle est cout et rogue, sa voix sifflante et tremblante. Je ne bouge pas. Je ne peux pas. Mes yeux se ferment lentement, je ne peux que sombrer dans les ténèbres les plus noires de mon âme.

Une voix m'appelle. Qui est-ce ? Je ne le sais pas. Je n'ai pas cette réponse. J'en ai de nombreuses, mais celle-là ne m'appartient pas. Après tout, je ne suis rien. Juste un fantôme, un reste des temps anciens. Je ne possède que les fragments de mémoire qu'on a jugés bon de me laisser. Je ne suis qu'une machine au service de la science, un corps sans âme, un cerveau branché mais sans conscience. Que suis-je ? Qui suis-je ? Existe-t-il quelqu'un détenant la réponse ? Je ne le sais pas. Finalement, je ne sais rien. Rien à propos de moi ou de mon passé.

Qui suis-je pour juger cet homme qui me regarde ? Cet homme qui a les yeux remplis de larmes sans que je ne sache pourquoi ; cet homme au visage triste, si affecté par un évènement dont je n'ai pas connaissance. Que puis-je faire pour le soulager de toute cette peine ?

La mer. Je vois la mer ... Une mare rouge écarlate ... Un océan de sang ... Est-ce seulement réel ? Comment est-ce possible ? Et comment pourrais-je en être sûre ? Comment pourrais-je imaginer ne serait-ce qu'un seul instant que je pourrais être plus réelle que ce soi-disant lac de sang ?

Une lumière blanche traverse mes pupilles. Le soleil ? Ou autre chose ... Je voudrais refermer les yeux, mais quelque chose m'en empêche. Cette lumière est si belle que je ne peux que me sentir attirée par elle. Une ombre passe devant mes yeux. Serait-ce la mort qui brouille ma vue ? Non. C'est un visage qui se superpose devant cette lumière si brillante. Un visage que je connais, qui me semble familier. Qui peut-il être ? Serait-ce un rêve ? Je le connais, j'en suis sûre. Je l'ai déjà vu ! Dans un rêve ...

De grands océans bleus. Deux magnifiques yeux couleur lagune. Ils me fixent, remplis de tendresse et je sens mon corps se réchauffer. Je ne peux parler de sentiments ou de cœur, étant donné que je n'en possède plus. Je ne suis qu'une machine possédant un corps humain. Que pourrais-je espérer de plus qu'une âme ? Je ne suis censé n'être qu'un objet mouvant, mais face à ces yeux-là, je me sens tellement humaine, tellement normale et non une simple machine. Comment ne pourrais-je pas l'être face à un homme qui semble nourrir de tendres sentiments à mon égard ?

Je rouvre les yeux une nouvelle fois. Les yeux sont toujours là, au-dessus des miens. Mais ce ne sont plus les mêmes, ils sont d'un bleu tellement plus commun cette fois. Une voix s'élève. Me demandant comment je me sens. Je n'arrive pas à répondre. Ma gorge est sèche et j'ai du mal à respirer. La personne qui me fait face semble comprendre. C'est une femme vêtue de blanc. Un ange ? Elle réajuste la perfusion à mon bras droit. Non, tout cela indique que c'est plus probablement une infirmière. Je serais dans un hôpital ? Un hôpital humain ?


Je me force à tourner la tête vers cette perfusion. Ma peau est toujours la même et une aiguille est enfoncée dans ma chair. Une goutte perle sur la pointe que l'infirmière vient de remplacer. Une goutte rouge. Du sang. Comment est-ce seulement possible ? Ne suis-je pas censé n'être qu'une machine à corps humain ? Comment est-ce seulement possible que mon corps soit encore rempli du liquide vital qui n'existe que pour des vivants, des humains ? Mes paupières se font lourdes ...

Un sourire. L'Homme aux yeux remplis d'écume est de retour. Et il me sourit. Suis-je en plein rêve ? Ses lèvres s'entrouvrent et semblent dire quelque chose. Un mot. Un prénom. Evangeline. Qui est-elle ? Qui est cette femme qui hante les pensées de cet homme ? Sa bouche se rouvre et sa voix s'élève de nouveau, plus forte et plus assurée. Evangeline !

Je m'éveille en sursaut. Derrière la fenêtre de ma chambre, le ciel est noir. Je me sens mieux. Etrangement, je suis extrêmement détendue, presque comme si je flottais ou si j'étais sur un nuage. Je ne suis pas seule. Je sens une présence, près de moi. « Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? ». Et si cet Homme était réel ? Et si c'était lui qui m'observait ? Et si contrairement à ce que je croyais, il me voulait du mal ? Je ne sais que penser ... Après tout, pourquoi me voudrait-il du mal ? N'ai-je pas l'air humaine à ses yeux ? Ne suis-je pas importante pour lui ? C'est pourtant ce que disais son regard la dernière fois ... Mais de quelle fois puis-je parler ? Après tout, je ne le connais même pas. Que suis-je autorisée à penser ? Préférant effacer tous ces soucis de ma mémoire, je ferme les yeux, en choisissant l'obscurité de mon âme, celle que je côtoie habituellement, à l'obscurité de cette chambre inconnue.

Juste un petit OS pas encore terminé que j'écris de temps à autre, pour vous faire patienter. Bons et gros bisous d'Espagne ♥

OS - L'homme aux yeux d'écumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant