OS - L'homme aux yeux d'écume

Partie 2

Le soleil. Le soleil sur ma peau me force à rouvrir les yeux. Je reconnais cet endroit ! Ou du moins, je sais qu'il représente quelque chose d'important pour moi. C'est ce que me dit mon cœur, même s'il n'est plus censé battre depuis longtemps. Mais après tout, les miracles existent n'est-ce pas ? Regardez, j'ai été admise dans un hôpital humain, moi qui ne suis qu'un robot à forme humaine. Je suis peut-être dans un endroit pour les gens comme moi ... Ou en plein rêve depuis le début ? Etrange, des rêves dans un rêve ... Est-ce seulement possible ? Après tout, j'en n'en sais rien ... Je ne suis pas censé rêver non plus, vu que je ne possède pas de conscience. Que puis-je affirmer ? La seule chose dont je suis sûre, c'est que quelque part, dehors, un Homme existe et il sait. Il sait qui je suis, ce que je suis. Et cet Homme a les yeux de la couleur de l'écume.

Nouveau réveil en sursaut. La femme de la dernière fois est là. Son regard se dirige vers moi. '' Bonjour ! Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Ne vous forcez pas. Après tout ce que vous avez vécu ... '' Qu'en savez-vous ? Qui peut savoir ce que j'ai vécu ? Il y a bien une personne, mais ce n'est pas vous. Menteuse. Vous ne savez rien. Même moi je ne sais rien ! Alors comment pourriez-vous savoir à ma place ? Personne ne peut. Personne ... Je voudrais refermer les yeux. Me réveiller une fois pour toute. Je ne sais même plus pourquoi je suis là. Quelle vie pourrais-je espérer ? '' Ne vous rendormez pas Mme ! Quelqu'un veut vous voir.'' Qui cela pourrait-il être ? Personne ne me connait. Je ne suis qu'une ombre parmi tant d'autres. A part pour mon employeur. Et cet homme aux yeux couleur écume ... Qui est-ce ?

J'aurais voulu pouvoir ignorer la remarque de la Menteuse. Mes yeux se clorent et mon souffle ralentit. Elle soupira. Bruit d'une porte qui s'ouvre. '' Je suis désolée. Elle s'est rendormie. - Ce n'est pas grave. Je repasserais. J'ai tout mon temps, maintenant que je l'ai retrouvée. - Je comprends Mr. Je vous préviendrais quand elle rouvrira les yeux.''. La porte se referme. Un soupir de la part de la Menteuse. '' Pauvre femme ... Dire qu'elle était encore en vie finalement ! Qui l'aurait cru. ''. De quoi parle cette femme ? Je ne suis pas en vie ! Je suis une machine ! Vous ne le voyez pas ? ... Je préfère ne pas savoir et me rendormir, une bonne fois pour toute.

''Evangéline. Debout. Le soleil se lève, on doit y aller. - Encore une minute ... Juste une minute. ''. Un rire. Incontestablement masculin. Je rouvre immédiatement les yeux. A mes côtés, l'Homme de mes rêves est là, ses beaux yeux écumes me fixant. '' Salut toi. - Salut ...''. Un sourire. Pourquoi suis-je là ? ''Allez, debout cette fois. Tu vas être en retard et je sais a quel point tes élèves détestent ça. En plus, tu dois leur rendre leurs copies Ev ! ''. Des élèves ? Les élèves de qui donc ? Les miens ? Comment est-ce possible ? Je n'ai jamais eu d'élèves et je n'ai jamais eu a corriger de copies de toute ma vie ! Je ne sais pas, je ne m'en souviens pas. Des souvenirs ... Et si s'en était ?! Des souvenirs d'Avant ... Mais d'Avant quoi ? Quand je rouvre les yeux, l'Homme n'est pas là : ne reste plus qu'un immense lit aux parures blanches et dorées, une terasse avec vue sur la mer et un bureau avec des copies entassées dessus. J'aimerais pouvoir appeler l'Homme, mais je ne connais pas son nom. Alors, je me lève du lit et je me dirige vers une commode en bois de bouleau ou se situe mes vêtements. Comment puis-je savoir tout cela ?! Je n'avais jamais vu cet endroit de toute ma vie ... Je me retourne en entendant un bruit venant de la terrasse et le rêve prend brutalement fin.

Halètement. Soupirs. Respiration. Comment ce rêve peut-il me parraître aussi réel et saissisant ? Est-ce réellement des souvenirs ? Et si oui, pourquoi maintenant ? Que s'est-il passé pour qu'ils ne me reviennent en mémoire que maintenant ? Serais-je devenue défectueuse ? Serais-je cassée ? Vais-je enfin disparaitre ?

Une voix douce. Je crois la reconnaitre. Est-ce l'Homme ? Non, non, ce n'est pas lui, je le sens, au fond de mon ... Mon coeur ? Puis-je vraiment attribuer ce sentiment, cet petit quelque chose qui me transporte à un organe vital que je ne suis plus censée possédée ? Est-ce que les Hommes ressentent toujours ce genre de chose ? Est-ce toujours ce mélange doux-amer si caractéristique qui les trouble à chaque fois qu'ils entendent, qu'ils voient, qu'ils sentent, qu'ils vivent ? Suis en train de vivre, de rêver ou d'imaginer ? "Vous êtes avec nous Mademoiselle ? Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? - ...". Est-ce à moi qu'il s'adresse ? Suis je réellement considérée comme une de ses congénères par cet homme à la voix grave et à la blouse blanche trop grande pour lui ? "Mademoiselle, vous m'entendez ? S'il vous plait, répondez moi ... - Que suis-je ? ... ". Un soupir qui me pousse dans mes retranchements. Je me sens vidée en ayant uniquement entrouvert mes lèvres pour oser demander ceci. J'en ai besoin. Je dois savoir. Qui suis je ? Que suis je ?

Des examens à rallonge, qui s'enchaînent de fil en aiguille, qui n'en finisse plus. Ils parlent, traficotent je ne sais quoi autour de moi, agissent comme si je n'existait plus ... Pourtant il y a encore quelques minutes, j'étais Humaine pour eux, mais j'ai l'impression d'être redevenue invisible, d'avoir retrouvé mon rôle de machine. C'est mieux. C'est moins dangereux. Qui soupconnerait une machine exemplaire d'avoir des sentiments ?