Seven Sinners : Greed

Greed

     Le front en sueur, elle peinait à rester éveillée. Il tentait, s'acharnait à la garder près de lui, mais au fond, il savait que son cas empirait à chacune des trop courtes inspirations qu'elle prenait. Le médecin s'attelait à prendre ses constantes, il vérifiait à chaque passage dans la demeure que la jeune fille n'en était pas à son dernier souffle. Une mine inquiète travaillait également à la garder en vie, son ainé lui épongeait le visage, lui glissait chaque fois que nécessaire une serviette fraîche devant contenir la fièvre. Et dès que le médecin avait terminé l'auscultation, il faisait signe à TaeHyung de le suivre dans le couloir adjacent. Le plus vieux n'était pas passé par quatre chemins, et annonçait ce que le plus jeune savait déjà : la jeune Kim JinHee était mourante. Le jeune homme, bien qu'accablé par cette idée depuis un certain temps déjà, avait baissé le visage pour tenter de l'accepter. Les mots sortants un à un de la bouche d'un professionnel, il prenait davantage conscience de la dure réalité à laquelle il devait faire face. L'officier de santé l'avait laissé prendre un moment pour que la pilule passe et puis avait rangé ses affaires dans le plus solennel des silences. Le tout bien à ça place, il avait empoigné sa mallette au cuir usé par le temps, regagnant la porte d'entrée accompagné par son hôte. Le vieil homme avait bien compris la misérable situation de ces jeunes personnes, alors avec une main qu'il voulait paternelle, il avait pesé sur l'épaule de TaeHyung toute la compassion qu'il avait.

« Tu me payeras la visite la prochaine fois, TaeHyung. Prends soin de ta sœur, je reviendrais peut-être avec de bonnes nouvelles, avait-il lancé sur un ton trop grave pour que le jeune homme y cru vraiment. À bientôt. »

     Une fois que son ainé avait quitté leur propriété, TaeHyung s'était laissé abattre. Il avait plié les genoux, avait pris son fin visage entre ses mains toutesaussi effilées, et sans qu'il y avait prisgarde, les larmes avaient coulées à flots. Le jeune homme n'avait pas l'habitude de se laisser aller comme ça, il était le soleil de cette maison. Mais parfois, il arrivait que toute sa colère et toute l'injustice qui les accablait étaient plus fortes que lui. Ses doux cheveux noirs, légèrement ondulés avaient collé sur ses tempes, et la souffrance sur son visage avait été lavéepar ses pleurs. Il devait se relever, et continuer d'avancer parce que la ferme ne se tiendrait pas toute seule.

     Il n'était que très tôt dans la journée et il lui restait encore un mont de tâches à accomplir. Alors TaeHyung retournait à son minable quotidien. Il commençait toujours la journée en allant sortir les animaux qui leur permettaient de vivre, après avoir pris soin d'eux et après les avoir amenés dans leurs enclos respectifs, le jeune homme prenait une première pause où il remplissait son estomac et celui de sa jeune sœur. Leurs repas n'étaient pas aussi copieux que ceux de certains, mais ils leur suffisaient grandement. Repue à souhait, JinHee s'endormait paisiblement et c'était à cet instant précis que débutait la vraie journée de TaeHyung. Rester à la ferme ? Trop peu pour lui, alors il enfilait ses souliers crottés de sa matinée bien chargée, puis il prenait le chemin vers la « civilisation ». Une fois rendu en ville, Tae était aux anges, il s'agissait sûrement de son endroit favoris, lui qui avait toujours été plein de sociabilité. Là-bas, bien qu'il essayait au mieux de se faire le plus discret, honteux de son allure, il passait de vitrines en vitrines et dévorait avec de grands yeux ronds et couleur du miel les plus belles étoffes, les plus beaux joyaux. Il ne pourrait pas s'en payer le centième, lui qui avait déjà du mal à nourrir deux bouches. Mais voir le satin, la soie de Chine, les diadèmes recouverts d'or et de diamants le rendait riche dans le cœur et dans la tête.

     Il avait flâné toute l'après-midi, un après-midi doux dans l'ambiance gai du printemps fleurissant. Et dès qu'il pouvait apercevoir au loin un visage familier, il tournait la tête et s'en allait. TaeHyung était populaire auprès des femmes, et pas moins auprès des hommes. Son allure élancée et assurée faisait de nombreux jaloux, et malgré ses vêtements dépassés de mode et usés, ils le reconnaissaient entre mille. Pour certains aux langues pendues, il était efféminé, pour d'autres plus raisonnables, l'élégance s'était emparé de son corps dès sa naissance. Et de tous ces atouts, TaeHyung savait comment en jouer, comment attirer les jolies demoiselles, et comment pervertir le plus rustre de ces bonshommes. Seulement, dans le dédale des rues en pavés, le jeune homme détestait se faire remarquer.