One Shot : Long Sleep

10 2 1
                                    


Beaucoup de choses sont abstraites dans ce monde. Le temps, le bonheur, la vie, la mort... Alors, qu'est-ce qui est bien réel ? Il y a tant de questions auxquelles nous sommes tout-à-fait incapable de répondre. On a beau se sentir vivant, qu'est-ce qu'on peut contrôler ? Un nouveau sentiment s'est emparé de moi dernièrement. Le sentiment que ma vie est artificielle, que quelqu'un, je ne sais qui, la contrôle pour moi. Qui suis-je donc ? Je ne m'en souviens plus. Et où suis-je ? Je ne vois rien. Je suis morte ? Ou vivante ? Je ne ressens rien. Aucun de mes 5 sens ne semble fonctionner. Je suis immobile ? Je marche ? Je cours ? Mes membres semblent avoir disparu. Mes yeux aussi. Ainsi que mes oreilles, ma bouche, mon nez... Qu'est-ce que cela ? J'ai froid. Ou j'ai chaud ? Je ne sais pas. Je peux encore penser, mais c'est apparemment la seule chose qui m'est encore permise. Comment penser lorsqu'on n'a pas de souvenirs, pas d'imagination, pas de sentiments ? Mon esprit est vide. Je ne ressens qu'une chose. Un sentiment intense d'inquiétude. Mais pourquoi je dois m'inquiéter ? Pour qui ? Pour moi ? Je ne me souviens de personne d'autre. Je ne me souviens... De rien. Est-ce que ça a toujours été comme ça ? Est-ce que... J'existe ? Peut-être est-ce ce qu'il se passe après la mort ? Ou avant la vie ? Comment puis-je le savoir ? Et... Pourrais-je ressentir un autre sentiment que l'inquiétude ? Un sentiment plus fort ? Y'en a-t-il d'autre ? Suis-je capable de parler ? Je... Je ne sais pas comment faire. Où suis-je ? Depuis combien de temps suis-je coincé là ? J'ai déjà l'impression d'avoir passé toute une vie ici. Je ne suis pas sensé manger ? Ou boire ? Ou dormir ? Qu'est-ce... Je dois faire ? Rien. Rien, rien, rien. Je ne suis plus rien, je ne servirais à rien et je resterais là, dans un endroit qui n'existe pas, et j'y resterais jusqu'à ce que le néant disparaisse à son tour. Vais-je devoir passer l'entièreté de mon existence, si s'en est une, à... A quoi ? A vivre ? Non. Ma situation est sans nul doute inqualifiable. Est-ce une forme de subconscience ? A quoi bon chercher à comprendre ? Doucement, je perçois pourtant quelque chose de nouveau. Qu'est-ce que... Qu'est-ce ? Je ressens une nouvelle sensation. C'est terriblement douloureux et, pourtant, cela m'apaise. Ce sentiment écrase l'inquiétude, il le déchire, le ronge, le détruit. La souffrance qu'il me procure est si heurtant que, pendant un instant, un éclat de lucidité apparaît en moi. Je crois... Me souvenir ? Il y a beaucoup de gens, beaucoup de bruit, beaucoup d'odeur. Je sens l'air entrer dans mes poumons, je sens ma respiration... Je sens l'humidité de ma bouche, je sens les rayons du soleil sur ma peau, je sens mes jambes, mes bras, mes mains, mes orteils, mes doigts. Je me sens... Bien ? Ce n'est pas désagréable. Je n'entends rien mais des brides de souvenirs m'enlacent. Hélas, plus je m'efforce d'obtenir des détails, plus les choses semblent devenir flous. Non, non, non ! Je ne veux pas que ça parte, j'ai besoin de savoir ce que ça voulait dire ! Si c'étaient vraiment mes souvenirs, peut-être que je pourrais savoir comment j'ai atterri ici... Je veux encore me souvenir ! Je veux savoir ce qu'il se passe ! J'ai besoin de réponses. A commencer par... Qui je suis ? A quoi je ressemble ? Il faut que je garde ces souvenirs en tête. Je ne peux pas les oublier, je dois m'accrocher à ces informations. Qui étaient ces personnes ? Que faisaient-ils ? Je me souviens que certains d'entre eux avaient des sacs et achetaient des légumes, ou des aliments. J'ai la désagréable sensation que ce n'est pas difficile de comprendre mais que j'en soit incapable. Il faut... Il faut que j'y arrive. Je le ressens, j'ai l'impression que si je me souviens d'au-delà de ce que j'ai déjà pu découvrir, une réponse pourrait s'offrir à moi. Une idée vient à moi. Et si c'est une prison ? Une punition ? Mais qu'ai-je fait pour mériter un tel châtiment ? Est-ce que je dois me racheter ? Aurais-je un jour une réponse ? Toutes ces questions, j'en aurais un jour la réponse ? Je devrais penser à autre chose, mais il n'y a que ça dans mon esprits. Des questions et des hypothèses dont je ne peux apporter aucune réponse. Si je pouvais bouger, sentir mon corps, je pourrais me changer les idées. Je n'en demande même pas autant... Une source de lumière, un petit son, une odeur, une sensation de froid, de chaud... Sentir battre mon cœur, me concentrer sur ma respiration ou même pouvoir battre des paupières. Pourquoi suis-je incapable de prendre conscience de l'une de ses choses ? Depuis ce souvenir, je suis en manque de quelque chose. J'ai besoin de me sentir vivante. Le sentiment qui avait écrasé l'inquiétude est toujours là. S'il peut y avoir un quelconque point de vue extérieur, il doit être absolument ridicule. Oui... Un point de vue extérieur... Si quelqu'un m'observait ? Comment savoir ? Suis-je aussi seule que je le pense ? Mais si ce n'était pas le cas, quel monstre serait amusé par ce qu'il voit ? Je pense à trop de choses, assurément. Mais je suis vraiment seule ici ? Je pense que je me réjouirais de voir n'importe quel être vivant. J'aimerais savoir depuis combien de temps je suis ici. Une heure ? Une journée ? Un mois ? Une année ? Je n'en ai vraiment aucune idée. Est-ce que quelqu'un s'inquiète pour moi ? Est-ce que quelqu'un me connait seulement ? Si je sors d'ici, qui sera la première personne que je rencontrerais ? A quoi cette pourrait-elle ressembler ? Et quel serait le son de sa voix ? Serait-ce une femme ? Un homme ? Quelle impression lui donnerais-je ? A nouveau trop de questions. Pourtant, cela m'offre un sentiment de sécurité. M'imaginer que l'on viendra m'aider, qu'on m'expliquera qui je suis... Qui je suis, oui. Si seulement je pouvais avoir conscience de ça... Mais bon, à quoi cela peut bien servir de savoir ça si je reste coincé dans cet endroit. Est-ce que c'est grand ? Si ça se trouve, je suis coincé dans une petite pièce depuis le début. D'un autre côté, peut-être que cette prison est infinie. Le saurais-je un jour ? Mais savoir cela ne me servirait à rien. Tout ce que je veux, c'est partir un jour d'ici. Je peux attendre, je peux rester ici autant qu'il faudra mais je voudrais des réponses à mes questions. Peut-être aurait-il été mieux de ne pas se souvenir. Bon sang, pourquoi moi ? J'ignore si mes pensées et moi pourront nous mettre d'accord, j'ignore si je suis encore un être tel qu'il est nommé. Non, bien sûr que non, je ne dois pas me laisser vaincre. J'ai de la force, j'en ai la conviction. Et si je dois rester ici pendant l'équivalent de toute une vie, puis d'une deuxième, d'une troisième, eh bien soit. Je resterais ici mais je sortirais. Voilà une promesse que je tiendrais, et je le jure sur les seules choses qui me restent. Je le jure sur mes souvenirs et sur mes pensées. A présent, un tout autre sentiment s'empare de moi. C'est de la conviction, je crois. Et une sensation que tout va bien se passer. Mais puis-je en être sûre ? Je ris intérieurement. Non, je ne peux pas en être sûre, assurément. Et d'ailleurs, je pense bien rester ici à jamais. Cette lucidité aveuglante n'efface pourtant en rien mon envie de me battre. Je jure d'essayer de faire tout ce que je suis en mesure de faire et même d'essayer plus encore que cela pour sortir d'ici. Je ne céderais pas, et passerais la totalité de mon temps à résister, à tenter de me souvenir et à essayer de retrouver des sensations. Si je n'y arrive pas, eh bien j'aurais encore l'infini entier pour réessayer. Encore. Et encore. Car je suis sûre d'avoir le temps. Je ne peux pas attendre éternellement celui qui viendra me libérer. J'ai besoin de toi, mais si tu n'es pas là, je trouverais un moyen de me débarrasser de ce foutu problème.

One Shot : Sommeil longWhere stories live. Discover now