Chapitre 1

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La musique dans les oreilles, j'observe le monde tourner devant moi. Tout fourmille autour et je suis là, planté et las. Las de ne pas exister. Las de ne détenir que le pouvoir de voir. Je suis invisible, pour ces gens qui courent. Je suis minuscule au milieu de tous ces rouages qui tournent sans jamais s'arrêter.

Ma musique s'arrête et le bruit vient, scindant mon esprit en de millier de morceaux. C'est douloureux, mais je suis obligé de faire avec. La musique s'est arrêtée. Mon voisin de droite parle de ses problèmes d'argent au téléphone tout en demandant à sa fille de rester tranquille. Comme je la comprends. Moi-même, je lutte pour ne pas l'imiter et chanter tout en courant à travers la foule. Je lutte pour ne pas leur donner une pichenette au nez pour les ébranler. Je suis entouré de machines, qui se lèvent, mangent, travaillent et se couchent. Je n'existe pas, pour eux. Je ne peux pas exister.

Une nouvelle musique couvre les sons de l'extérieur, agissant comme un bouclier protecteur. Mon esprit divague à nouveau, je ne bouge pas. Je suis un pantin, moi aussi. Un pantin qui déjante et qui tente de toutes ses forces de s'échapper, mais qui toujours, finit par abandonner. J'aimerais tant qu'on me répare. Parce que ma vie est creuse et si la leur l'est aussi, ils n'en ont pas conscience, eux. J'aimerais être à leur place. C'est étrange n'est-ce pas ? Je suis sûr que certains d'entre eux voudraient aussi échanger leurs places contre la mienne. Mais ils n'ont pas conscience de ce que ça fait, d'avoir un corps à des kilomètres de l'esprit. Ils ne savent pas ce que ça fait, de toujours devoir attacher en laisse ses pensées pour ne pas se faire rabrouer.

Mais j'en ai marre, moi. J'en ai marre d'être invisible. J'en ai marre de devoir porter un casque en longueur de journée pour supporter le bruit. Je n'en peu plus de m'enfermer dans ma propre tête. Je ne peux plus rester là, sans bouger, alors que je pourrais faire comme la jeune fille et profiter de ma vie.

Je hais le monde. Il est plat, répétitif. L'humanité est tellement bête, qu'elle est incapable d'apprendre de ses erreurs. Alors elle les répète, jusqu'à provoquer sa propre destruction.

       Guerre. Haine. Violence. Soumission. Pouvoir.

      J'aimerais être ce que je suis, sans qu'on puisse me juger.

Mais mon bus arrive, la jeune fille se calme et se place à côté de son père qui appelle maintenant son chef pour retarder son arrivée. Comme chaque matin. Je monte dans la boite en fer blanc, pose mon cartable à mes côtés, change de musique et observe le monde tourner devant moi.

Coups de gueuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant