Dans une immobilité fragile et espiègle, je ne sens plus rien. Sauf ce froid. Il me traverse les vertèbres, m'empêche de me mouvoir d'un quelconque millimètre, je ne peux que le ressentir, même pas y réagir. Mon organisme en suspension dans ce lac gelé, je suis tel une coagulation dépendante de ce qui m'entoure.
Et, dans un silence tout aussi glacial, une fissure, toute petite, toute fragile, ridicule même, se fait entendre. Elle émet un écho qui semble se répéter indéfiniment avec la résonance de ce lieu vide et vaste. Mais, loin d'en être un nouveau, cet écho se fond dans l'espace et laisse place à un léger et progressif enchaînement de minuscules et quasi-imperceptibles fissures qui, une à une, se rapprochent du centre. Lentement, elles laissent place à un nouveau silence, rendu magnifique par l'effet de sa sempiternelle durée.
Et, là, aussi soudainement que progressivement, la température se met à changer, de façon légère en premier lieu, mais de façon beaucoup plus violente au fur et à mesure. Je sens des fourmillements absolument partout, à tel point que je ne ressens que maintenant le réel froid dans lequel j'étais immergée depuis tout ce temps. Paralysée, lors d'une aussi courte et fragile durée que l'était cette première fissure qui me paraît si loin maintenant, une explosion se produit en moi quand mon sang se remet à circuler.
Cette courte période de réchauffement me permet de me rendre compte de ma surélévation qui dorénavant n'est plus qu'éphémère, créée par le mouvement progressif de l'eau. Mais c'est aussi dans un de ses mouvements aquatiques que cette eau m'entraîne avec elle, dans une profondeur que je n'avais jusque là que survolée. Tentant de me débattre avec mes nouvelles sensations, je regrette cette renaissance de mon être, qui me semble être aussi douloureuse que le premier déploiement des cellules pulmonaires d'un bébé.
L'eau m'emportant comme si j'y étais attachée, la profondeur qui me paraît sans fin me comprime de plus en plus. Dans l'impossibilité de me noyer, une souffrance s'acharne sur moi comme sur un punching-ball, et chacun de ses coups se révèle indélébile dans mon ressenti, ce dernier absorbant toute nuance de martyr infini. Réduite à cela, à un organisme sans vie mais qui ne meurt jamais, je suis vouée à une éternelle souffrance qui s'amplifie continuellement.
Et c'est en amas de cellules souffrantes que je termine ma descente jusqu'au fond de cet enfer bleu immense.
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Short StoryIci seront publiés des écrits, anciens ou nouveaux, comme tels ou réécrits. Les thèmes seront différents, c'est simplement une flopée de textes indépendants, qui ne font pas partie d'histoires. Pour la plupart, ils ont été écrits durant ma participa...