Ton Sang Maudit

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 Je n'ai que ma rage. C'est bien la seule chose que l'on ne m'enlèvera jamais, ma rage. Elle qui m'accompagne depuis les plus tendres années de mon enfance, enfin je devrais plutôt dire depuis le jour où mon enfance a été réduite en cendres et en charpies. En as-tu la moindre honte ? Toi, la preuve vivante de ce jour funeste et de ces conséquences ? Toi, le sang maudit, enfant du mauvais père.

Parce que oui, l'enfant bâtard dans l'histoire ce n'est pas moi. C'est toi. Tu n'aurais jamais dû venir au monde, le comprends-tu ? En as-tu le moindre indice ?

Je te hais, du fond de mon être. C'est une haine juste. Le fils doit payer les erreurs du père, le moindre de ses trop nombreux affronts, surtout s'il porte fièrement son nom et joui de l'héritage de sa lignée. Je te hais tellement, ta simple existence m'est une insulte.

Tu es l'enfant chanceux, à qui tout a été accordé. Le petit prince doré... Enfant béni au destin extraordinaire, et que l'on devait protéger à tout prix. Le monde devait être à tes pieds et se plier dans tous les sens pour toi.

Tu ne sais pas à quel point notre mère a pu t'aimer. Tu ne sais pas à quel point ton sang a pu empoisonner son existence. Et tu ne veux pas savoir, tu ne pourras jamais savoir tout ce que tu as pu m'arracher sans un remord. Tu es le sang de ton père, et tu dois en payer le prix. C'est ton crime, je serai celle qui appliquera le châtiment puisque le monde entier semble t'avoir gracié sans broncher. Cela ne me dérange pas d'être l'épée du jugement, cela ne me dérange pas d'être ton juge et ton bourreau, ne vas pas me faire croire que c'est injuste. Tu ne connais rien de l'amertume de l'injustice, tu ne connais pas sa morsure et les marques qu'elle laisse. La chance et l'univers entier t'ont toujours souri, en dépit du bon sens et de tout ce qui semblait juste.

Tu ne devrais pas exister, tu es le fruit d'un acte ignoble et abominable. Tu es aussi pourri et maudit que le sang dans tes veines.

J'aimais ma mère, presque autant que j'aimais mon père. J'étais heureuse, mes parents n'étaient pas parfaits, mais ils s'aimaient, je les aimait et je me savais aimée. C'était plus que suffisant. Mère n'a pas toujours été aussi rêche, dure et amère, je l'ai connue capable de tendresse et aimante, je l'ai connue me prenant dans ses bras pour me consoler. Je l'ai connue souriant à mon père avec un éclat solaire dans ses yeux, je l'ai connue déposant un baiser sur mon front et une caresse dans mes cheveux. Toi et ton père m'avaient arraché ma mère, et vous n'avez jamais eu la décence de le réaliser, jamais eu la décence d'en éprouver ne serait-ce que l'ombre d'un regret.

Je vous déteste, je vous hais.

Ton père est venu chez nous de nombreuses fois, de nombreuses fois il a profité de l'hospitalité et de l'affection de mon père. De nombreuses fois, il a rompu le pain, partagé notre sel et notre vin. De nombreuses fois il s'est assis à la droite de mon père, a partagé sa table et dormi dans le lit qui lui était offert. Je ne l'ai jamais aimé, Mère non plus, même si jeune alors je savais reconnaître un porc et un déchet quand j'en voyais un. Ton père n'était pas un grand roi, il n'avait rien d'un roi et était à peine un homme. C'était un rustre, un porc, un tyran qui ne respectait rien ni personne. Ce qu'il voulait, il le prenait. Et si on le lui refusait, alors il détruisait tout.

Il nous a détruit, et il n'a jamais été puni pour ses crimes. Il a été comme gracié, mais moi je n'ai jamais fini de payer les conséquences de ses actes chaque jour de ma vie. Et toi, la preuve de ses crimes et de ses infamies, tu profites aussi de cette grâce insolente et insupportable.

Tout comme ton père, tu n'es rien de plus qu'un porc, un coureur de jupons. Ma mère a eu le malheur de lui plaire, elle était belle, absolument magnifique ma mère. Surtout quand elle nous regardait, Père et moi, pleine de fierté et de tendresse. Elle n'a jamais été une femme expenssive, Mère, elle n'a jamais étalé ses émotions. Mais je savais voir et lire les signes subtiles, et cela me suffisait et me permettait de savoir. De savoir l'amour qu'avait ma mère pour son époux et son enfant. Pendragon n'a pas été insensible à son charme, j'aurais aimé être capable de lui arracher les yeux. De les lui retirer de leurs orbites et de les jeter aux flammes. J'en mourrai déjà d'envie à l'époque, oh si j'avais été plus grande, si j'avais eu la force que j'ai maintenant. Si J'étais une enfant, mais je n'étais ni stupide ni aveugle, je voyais très bien les yeux que posaient cette ordure sur ma mère. Je voyais très bien la lueur lubrique et sordide qui les habitait lorsqu'ils regardaient Mère. Et je voyais bien que Mère en était au moins autant dégoûtée que moi. Elle, elle aurait pu lui arracher les yeux et lui trancher les mains. Je sais qu'elle l'aurait fait si elle n'avait pas été l'épouse de son vassal. Il le savait, et il en a abusé.

Ton Sang MauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant