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Hey, hey !

I'm back avec un énième OS (oui je ne suis bon qu'à ça). Concrètement, on part sur Akaashi qui s'improvise écrivain, mais malheureusement pour lui (et heureusement pour vous), les choses ne fonctionnent pas vraiment comme prévu. C'est tout doux, Bokuto et Kuroo sont comme à leur habitude présents, toujours aussi chaotiques.

Je vous souhaite une bonne lecture !

***

Akaashi a dix-huit ans lorsqu'il écrit ses premiers mots. À l'école, on lui a montré comment tracer de jolies lettres, mais il n'a jamais su quel sens leur donner. Il se tenait bien droit sur sa chaise, dessinait à l'encre noire des formes. Parfois c'était nuage, d'autres fois coquelicot ou bien arbre. Il n'en comprenait pas bien la signification, mais il ne réfléchissait pas trop. Il gardait le silence. Les sentiments qu'il mettait dans tout ça viendraient plus tard. Mais avec du recul, ce moment n'est jamais arrivé. Tout est resté coincé à l'intérieur d'une ruelle étroite de sa tête.

Akaashi a donc dix-huit ans. L'enfance a filé trop vite à son goût et la salle de classe est déjà loin. Il est perdu, son cœur est tout gonflé, rempli de pensées fugaces qui commencent à s'écouler dans le reste de son corps. C'est la première fois qu'il s'essaie à l'écriture. Le stylo levé, il flotte entre la feuille et ses doigts. Akaashi a trouvé un carnet dans un tiroir, caché dans le vieux meuble de sa grand-mère. C'est un cahier miteux, la couverture est en carton, les coins cornés. Les pages sont jaunes et les lignes effacées. Au moindre mouvement, son fauteuil à roulettes grince.

Les mots qu'il trace sont maladroits : sa calligraphie est hésitante, ses mains ne sont pas familières avec le papier. Au départ, la relation est tout sauf harmonieuse. Elle est timide, reflet de l'appréhension d'Akaashi — une peur infondée de tout gâcher. Il a l'impression de n'avoir jamais su écrire. Autodidacte. Tant pis, il apprendrait seul.

Ses premiers essais ne sont pas glorieux, ils sont même catastrophiques. Ça ne veut pas dire grand-chose et il n'est pas certain que ces mots lui appartiennent. Il a plutôt la sensation de les avoir chapardés (c''était peut-être ce matin dans le métro bondé, alors qu'il lorgnait les notes du téléphone de cette collégienne assise à côté de lui. Ou bien à la fac quand le professeur a affiché son cours barbant sur le grand écran de l'amphithéâtre). Ça se confond dans l'esprit d'Akaashi, les lettres se mélangent. Il pourrait être en train de recopier un poème de Paul Verlaine qu'il ne s'en apercevrait même pas. Il serait capable de s'inventer génie de la littérature.

Agacé, il ferme le carnet d'un coup sec. Une pensée le traverse : « les maux sont plus simples à saisir que les mots ». Il ricane. Décidément, il avait loupé une carrière de grand écrivain.

***

— Tu ne devrais pas laisser tomber cette histoire d'écriture.

Bokuto lui prête à peine attention. Il parle la bouche pleine, son pain aux haricots rouge écrasé par sa poigne de fer. Akaashi grimace. Les doigts de son ami sont collants à cause du sucre ; ça le dégoûte un peu, mais il ne fait aucune remarque.

— Je n'ai rien fait du tout pour l'instant, Bokuto-san. C'était prétentieux de ma part de vouloir essayer. De toute façon, rien ne sort.

— Cesse de réfléchir autant. Place-toi devant le papier et lance-toi !

Un vent glacé lève les mèches qui tombent sur le front de Bokuto. Il écrase une feuille morte avec son pied. Les craquements résonnent sur le chemin du parc qu'ils empruntent. Même s'ils ne se voient plus autant qu'au lycée, les deux garçons aiment bien se retrouver ici pour discuter. C'est souvent Bokuto qui envoie le premier message. La plupart du temps, ce n'est qu'une simple photo de lui qui l'attend sur un banc, leur banc. Akaashi enfile une veste chaude et se prépare à une longue conversation. Pourtant, il arrive aussi qu'ils ne se disent rien. Ils restent assis, la tête de Bokuto posée contre son épaule. Akaashi apprécie beaucoup ces moments-là. L'esprit vide, l'odeur du jeune homme et des enfants qui passent devant eux en courant. Il a l'impression d'entrevoir la vieillesse, d'avoir déjà quatre-vingts ans. Il pense au dîner, une soupe bien chaude et du riz tiède, à son épouse imaginaire qui l'attend probablement dans leur petite maison à quelques kilomètres d'ici. Puis Bokuto ouvre la bouche, marmonne une phrase stupide et c'est déjà fini. Akaashi se rattache de nouveau à la Terre.

L'InterludeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant