La disparition

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Samedi 19 juin 2021

Comment pouvait-elle supporter ces si longues séparations ? Elle y avait souvent pensé. Le monde entier se donnait le mot pour lui poser la question. Alors, même si, au départ elle ne se la posait pas, avec le temps, elle y avait été forcée. Le ciel était magnifique ce soir-là, contrairement aux soirées précédentes, les étoiles se montraient en nombres. Sarah ne pouvait s’empêcher d’y voir un signe du destin, l’amour de sa vie rentrait ce soir, après trois mois d’absence et même le ciel se réjouissait de leurs retrouvailles. Tout à coup, perdue dans ses pensées et obnubilée par un si beau spectacle, elle a aperçu une étoile filante. La dernière fois qu’elle en avait vu une, elle avait 15 ans et, son vœu avait fini par se réaliser. En réitérant la même expérience, elle s’est demandée si celui-ci n’était pas trop disproportionné pour pouvoir se réaliser. Alex n’était pas souvent à la maison, mais, ça ne la dérangeait pas. Dès le début de leur relation, les règles avaient été posées, il avait un travail dangereux, qui faisait de lui un homme peu présent. Au début, ça avait été difficile, mais, après de longs mois d’hésitation, ils avaient fini par comprendre qu’ils ne pouvaient pas vivre l’un sans l’autre. Elle avait décidé d’accepter son métier et d’essayer de vivre en conséquence.

Elle se tenait sur le balcon avant de la maison, un verre de vin rouge Bordeaux – Château Palmer 2020 s’il vous plaît - à la main. Les habitudes de riches ont vraiment la dent dure. C’était leur plaisir quotidien, lorsqu’ils étaient ensemble, regarder les étoiles en sirotant un bon vin. Naturellement, elle avait décidé de continuer cette tradition, même lorsqu’elle était seule, c’était sa manière de le sentir près d’elle.

La vue était splendide, on y voyait la vallée de la Semois se perdre à l’horizon. Elle se souvenait parfaitement de leur première visite dans cette maison, deux ans plus tôt. Cela faisait à peine six mois qu’ils étaient ensemble, mais, ils avaient décidé de vivre tous les deux –que voulez-vous, c’était le coup de foudre. Dès qu’ils avaient passé la porte d’entrée, ils avaient su : C’était ici qu’ils construiraient leur vie. La vue était splendide, sans parler des doubles escaliers qui trônaient dans le hall. Immédiatement, Sarah s’était sentie telle une princesse et en voyant les étoiles dans ses yeux, il n’avait pas pu résister.
Ce soir, elle était magnifique, elle avait relevé ses cheveux auburn en queue de cheval sophistiquée avec simplement quelques mèches ondulées qui en sortaient de manière délibérée. Son maquillage était discret, mais il faisait l’effet recherché : Mettre ses yeux vert émeraude en valeur. Elle avait opté pour le rouge à lèvre préféré d’Alex, elle espérait qu’il le remarquerait du premier coup d’œil. Le temps lui avait semblé tellement long, même si c’était une fille très solitaire qui aimait se plonger dans le travail, trois mois c’était interminable.

Elle guettait le moindre mouvement dans l’allée. Après une heure, il était enfin arrivé. Dès qu’elle l’avait vu sortir de sa voiture de sport rouge, avec ses cheveux noirs de jais, son regard perçant et son sourire ravageur –mon dieu, son sourire. Elle se damnerait pour lui– elle s’était rappelée pourquoi elle était tombée amoureuse en quelques instants. Il était toujours tellement élégant, un costume noir cintré, tout juste comme il fallait, et une délicate chemise blanche. Le premier mot qui lui était venu à l’esprit était magnifique. Il était magnifique.

Il l’a aperçu et lui a souri en lui envoyant un baiser. Sarah s’est précipitée vers la porte d’entrée. Elle a continué de courir en allant vers la voiture, prête à sauter dans ses bras musclés -oui elle en avait rêvé-.

Et là, surprise, elle a stoppé sa course : il n’était plus là. La confusion s’est emparée d’elle, elle s’est mise à le chercher partout : dans la maison, le garage, sur la route. Elle ne comprenait pas comment il pouvait être aussi puérile et lui faire une blague de si mauvais goût dans un moment pareil. Elle a commencé à penser qu’elle avait peut-être imaginé toute la scène, que son esprit lui avait joué un mauvais tour. Mais, dans l’allée du garage, la voiture était bel et bien là et la porte côté conducteur était encore ouverte. Elle le haïssait en ce moment, dès qu’il allait sortir de sa cachette, elle lui ferait payer.

Ce moment n’était jamais arrivé, il avait bel et bien disparu.

Le purgatoire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant