Anecdote de Rosemary Delacroix

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Elle venait d'avoir dix-huit ans.

ROSEMARY DELACROIX était la fille de riches producteurs de films Hollywoodiens, à la fois businessman et banquiers. Ils avaient fait le choix égoïste de s'installer dans une bourgade pour élever leur fille unique à l'abri des regards indiscrets des paparazzis, quitte à faire de longues heures de train ou d'avion pour la préserver. Par conséquent, ses parents lui envoyaient de temps en temps des images du lieu du prochain film ou appelaient à quatre heures du matin à cause du décalage horaire. Cette situation possédait ses avantages comme ses inconvénients ; elle était devenue la pire des garces puisqu'elle manquait cruellement de l'amour de ses parents.

- Darling, tu penses que je devrais balancer ce que je sais à la prochaine soirée ?

Rosemary était allongée à plat ventre sur son lit double, cherchant des réponses sur l'Amour dans des magazines pour adolescentes. Honorine et Anne-Lise lui renvoyèrent un regard suspect ; qu'avait pu-t-elle faire encore pour demander leur avis ?

- T'as encore déconné ? demanda sans une once de tact Annie. Rosie, on ne peut pas toujours se plier en quatre pour toi, tu sais.

- Ça dépend de ce que tu sais, fût la réponse d'Honey.

Rosemary leur jeta un regard ennuyé. Elle leur tourna le dos un instant, les yeux fermés.

- Non, j'ai pas déconné pour une fois. C'est Camille qui a des choses à se reprocher, marmonna-t-elle, en se lissant rapidement ses cheveux de sa main.

Rosemary avait des cheveux blonds, coupés aux épaules, ni bouclés, ni lisses, qui étaient toujours camouflés sous son bonnet rose pastel. La forme de ses yeux était simple, marron et en amande. Cependant, l'intérieur ne ressemblait en rien. Sombre, sans possibilité de trouver une lumière éclairant la surface. On s'y noyait. Au milieu de tout ça, se trouvait une part de malice et de sarcasme.

- Camille a fait quelque chose de mal ? Je te le répète, mais qu'est-ce que t'as fais comme connerie ? redemanda Anne-Lise, en perdant patience

- Disons que les garçons ont oublié que je n'étais pas seulement la petite fille gâtée. Oh, je sais ce qui se dit derrière mon dos, je n'ai pas besoin de gadgets pour écouter, se contenta-t-elle de répondre, en haussant les épaules.

Anne-Lise baissa les yeux tandis qu'Honorine rougit furieusement. Elles aussi savaient ce que les adolescents racontaient ; ils l'insultaient et la rabaissaient à cause de leur imbécilité profondément ancrée au fin fond de leur cerveau. Rosemary ne montrait jamais rien, elle ne souriait que rarement et ne disait jamais alors elle était prête à exploser. Une pierre était probablement plus démonstrative qu'elle. Mais ce n'était pas de sa faute, ses parents le lui répétaient toujours. Ne montre jamais, explose intérieurement s'il le faut mais par pitié, ne montre jamais rien. Les conseils tenaient, même douze ans après.

Elle se souvenait de son père, penchée sur son kimono blanc d'où pendait lâchement sa ceinture défaite, reflétant son combat perdu. Elle sanglotait à chaudes larmes ; jamais elle n'avait essuyé de défaite aussi humiliante. Le regard de sa mère l'avait effrayé. Elle avait eu le malheur de montrer ce qu'elle ressentait et ils lui rabâchaient encore aujourd'hui que son acte était irréfléchi. C'était un petit garçon, de deux ans son aîné, qui l'avait aidé. Il était dans son club et préparait les plus jeunes. Naël, un petit Naël de sept ans qui fanfaronnait devant ses parents, fiers.

- Bref. J'ai surpris une conversation démente entre Camille et un autre gars.

- Sunny ne ferait jamais de mal à Jo', la coupa Honorine. Il l'aime trop passionnément pour ça.

Comment vont les grandes personnes ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant