Chapitre 1

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Samedi 24 décembre - 15h46

Comme tous les Noëls, le bâtiment avait été parfaitement décoré pour l'occasion. Des guirlandes enroulaient les agrès et un somptueux sapin ornait le praticable.
Les rires d'enfants couvraient les musiques hivernales jouées en fond. Les parents, quant-à-eux, discutaient avec leurs voisins de tout et de rien.

"Eh Johnny ! C'est pas ta gamine qui poursuit mon p'tit-fils en f'sant des roues ?"

"Hein ?"

Le jeune papa chercha sa fille du regard, paniqué. Il l'a trouva finalement en pleine traversée du praticable à ressort, complètement hilare. Il s'apprêta à la gronder mais une main le retint.

"Voyons, laisse-là faire ! Chenle l'a sûrement mérité. Il est intenable ce marmot."

Ça, c'était à voir. Depuis sa rentrée à l'école primaire, la petite avait dédié son quotidien à embêter tous les garçons qui croiseraient son chemin. Le portrait craché de sa mère.

"Johnny Suh !"

Une jeune femme déguisée en fée venait de se positionner devant le brun, les bras croisés.

"Je pensais justement à toi, ça tombe bien."

"Je n'en doute pas gros nounours ! Maintenant dépêche toi de venir à la salle du personnel, on doit parler de tu sais quoi."

Irene était l'ex petite copine de Johnny, mais sa meilleure amie avant tout.

Si leur scolarité avait été perturbée par leurs nombreuses disputes et une grossesse surprise, leur fille, Luna, avait dès le départ été considérée comme un cadeau du ciel. Ainsi, malgré la fin de leur amourette chaotique, ils s'étaient promis de toujours rester proches afin de lui permettre de grandir dans le meilleur environnement possible.

Finalement, en gardant contact et en gagnant en maturité en tant que parents, ils avaient noué une relation amicale très saine qui les avait poussés tous les deux vers le haut.

Aujourd'hui, la magnifique gymnaste avait ouvert son école tandis que Johnny venait tout juste de signer en tant que cadreur sur une importante chaîne de télévision. Ayant maintenant tout deux une situation stable, ils pouvaient partager équitablement la garde de la petite qui ne semblait pour rien au monde perturbée par la relation qu'entretenaient ses parents.

"Entre !"

Le jeune papa suivit docilement Irene dans la salle du personnel qui permettait d'accueillir les entraîneurs et les parents bénévoles. Il se dirigea ensuite mécaniquement vers un placard au fond de la pièce, mais le trouva vide.

"Irene ? Où est mon costume ?"

"C'est justement de ça dont je voulais te parler ! En fait cette année c'est ..."

Soudainement, la porte d'entrée s'ouvrît dans un grand fracas. Johnny se retourna et posa son regard sur l'origine du bruit.

"Ho ho ho !"

Un homme vêtu de rouge et de blanc venait de faire son entrée dans la pièce. Paré d'une épaisse barbe blanche et de petites lunettes, il flottait dans le costume bien loin d'être à sa taille, malgré les rembourrages apparents.

Johnny fronça les sourcils. Depuis plusieurs années, l'américain se déguisait bénévolement en père noël afin de distribuer des cadeaux aux enfants du club. Par sa taille imposante et son côté tendre, tous le personnel ainsi que les parents s'étaient mis d'accord : il était fait pour ce rôle.

"C'est une blague ?"

À côté de l'imposante hotte en toile, le nouveau venu paraissait encore plus petit qu'il ne semblait déjà l'être. Pourtant, debout, droit comme un i et les deux mains campées sur les hanches, il ne semblait pas du tout intimidé par le regard sombre de Johnny.

Le jeune papa se tourna alors vers la gymnaste, l'air suffisant.

"Peux-tu dire à ce père Noël de pacotille qu'il s'est trompé de costume ? Ceux des lutins se trouvent dans le tiroir du bas."

Irene haussa les sourcils avant de lâcher son plus beau sourire à son ancien compagnon. Elle ne pris même pas la peine de lui répondre, sachant pertinemment ce qui allait arriver. Elle se recula donc jusqu'au bureau où elle y posa ses fesses, impatiente.

"Eh le père Noël retraité ! Parle-moi directement au lieu de te cacher derrière madame la fée !"

"Pardon ?"

"Tu m'as très bien entendu ! En plus t'es mou comme père Noël, les enfants ont envie de s'amuser, pas de s'endormir sur tes genoux."

Johnny se figea. Jamais personne n'avait osé le provoquer de cette manière, à part la jeune femme ici présente. Qui était cet énergumène malpoli sorti de nul part ?

"Et la magie de Noël ? Tu comptes la détruire comme tu le fais avec mes oreilles ? Ce n'est pas avec ta taille de farfadet et ta voix de crécelle que tu vas les convaincre !"

"Dis ça à la petite Luna tiens ! Elle répète à tout le monde que son papa est un remplaçant envoyé en mission par le père Noël. Un coup son traîneau est en panne, un autre coup il est enrhumé, l'année dernière il était resté coincé dans une cheminée ... C'est quoi le prochain mensonge ? Cela fait bien longtemps que la magie de Noël n'existe plus dans cette école de gym."

Pour Johnny, c'en était trop. De quel droit ce petit impertinent se permettait de lui faire la morale ? A bout, il attrapa le jeune homme au col et ancra ses yeux dans les siens, l'air menaçant. Derrière ses lunettes rondes se cachait un regard félin particulièrement insolent, et nul doute que le plus petit souriait malicieusement sous son épaisse barbe blanche.

En revanche, une odeur apaisante semblait provenir de son visage, contrastant avec son tempérament de feu. Venait-il de s'hydrater la peau ? Le délicat parfum de miel vint titiller les narines de l'américain, qui se rapprocha inconsciemment du garçon afin de la sentir. Derrière les bouclettes, il vit une peau douce et lumineuse, ne demandant qu'à être goûtée.

"Retire ce costume."

L'intéressé, resté immobile jusqu'à là, retroussa le coin de ses lèvres en un demi-sourire. Johnny fu soudainement conscient de leur proximité, qui additionnée à sa consigne, rendait la situation plutôt cocasse.

"Tu n'as qu'à me l'enlever toi-même."

Le jeune papa le lâcha comme s'il venait de se prendre une décharge électrique. Il détourna ensuite les yeux du faux père Noël, honteux d'avoir eu l'esprit si mal placé. Il sursauta lorsqu'une main se posa sur son épaule. Avec ce qu'il venait de se passer, il en avait même oublié la présence d'Irene.

"Un financier, Joh'nounours ?"

La gymnaste lui tendit une assiette blanche remplie de petit gâteaux, tout en lui adressant un sourire éclatant.

"Non merci."

Johnny quitta la pièce en trombe, sans oublier de claquer la porte. Le faux père Noël, quant-à-lui, fixa la sortie surpris.

"Il n'aime pas ?"

La jeune femme fit un clin d'œil au jeune homme, avant de croquer dans un financier au miel. Les préférés de Johnny.

"Oh que si, il adore ça."

Un JohnTen pour NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant