Il y a quelque chose d'étourdissant et d'étonnant à se retrouver dans une ville immense et démesurée en plein milieu d'un désert. Le sentiment d'être minuscule face aux buildings à la taille déraisonnable, face aux fontaines éléphantesques dans un endroit qui devrait manquer d'eau, face à une vie nocturne quand le soleil du jour est bien trop brûlant. L'impression de vivre un rêve entre les casinos excessivement habillés et où la démesure se trouve dans les plus petits recoins de rue. C'est exactement cet effet-là, que m'a fait Vegas quand j'ai traversé les portes de l'hôtel.
Un hôtel burlesque
Arrivés le matin même par avion, nous n'étions de passage à Vegas que pour une nuit, et nous étions déjà prêts à profiter de tout ce que cette ville disproportionnée avait à nous offrir. Notre chambre, très simple – deux lits doubles et une salle de bain - comportait une seule fenêtre donnant sur le désert brûlant de Mojave dans le Nevada. Seule une route qui semblait aller vers le néant fendait en deux ce décor très sauvage. Un paysage peuplé seulement de quelques cactus et de sable qui contrastait fortement avec la vue de l'autre côté de l'hôtel, on l'on pouvait déjà apercevoir, les immenses buildings vertigineux. « Je n'ai pas l'impression d'être dans la même ville selon les endroits que je regarde », s'est empressé de commenter mon père face à cette différence burlesque que nous offrait Sin City. A l'intérieur, on avait déjà pu goûter à un avant-goût appétissant de ce qui nous attendait de l'autre côté de la route. A côté de l'accueil, une immense salle de casino s'offrait aux voyageurs et visiteurs curieux. Si vous êtes déjà rentrés dans un casino, il faudra pour vous, oublier tout ce dont vous connaissez de leurs confrères européens. Quand on vous dit que les Américains sont dans l'excès et l'exorbitance, c'est une rumeur qu'il faut croire et appliquer à Las Vegas. Vous pourrez retrouver au milieu des lumières aveuglantes et dans une ambiance tamisée, les bruits étourdissants et aigus des machines de jeux, recontextualisant un vieux film américain. Aussi grande qu'un terrain de foot, la salle offrait à tous ces amateurs, une immense aire de jeu dans laquelle ils pouvaient ruiner leurs économies.
Welcome to Las Vegas
« Oh comme le temps est lourd ! » s'est exclamé ma mère qui me suivait de près en sortant de l'hôtel alors que le soleil s'était couché il y a déjà plus d'une heure. Elle avait raison. Il fallait être fou et tenter le diable pour sortir de jour à Vegas. Même lorsque le ciel était étoilé, l'air chaud des températures extrêmes dépassant les 40 degrés, et qui avaient tapées sur la ville en journée, donnait l'impression de vous étouffer.
Pour s'immiscer dans l'ambiance de la ville aux jeux, il suffit d'une dizaine de pas. Dès les premiers buildings, on pouvait se sentir comme Alice au pays des merveilles, quand elle boit la potion magique pour rétrécir. Tout est trop grand. Tout est trop. Et plus vous vous enfoncez dans cette ville ahurissante, plus vous oubliez la réalité de la vie quotidienne. Vos yeux se régalent et se nourrissent d'images inoubliables et de rêves que vous ne verrez plus jamais que dans vos souvenirs. Peu importe où je tournais la tête, Vegas était impressionnant. Le pouvoir de Sin city m'a entraîné dans l'indécence de l'Homme. Comme si le diable même s'y était installé, parmi les vices et les défauts de l'humanité. Et dans le bruit creux des moteurs de limousines élancées aux toits ouvrants, des taxis jaunes sortis des années 90 et des centaines de musiques qui s'entremêlent dans une mélodie sinistre et assourdissante, j'y ai trouvé les secrets les plus absurdes du Nevada. Du groupe de pote venu abandonner leur décence et se réveillant marié à une inconnue, aux enterrements de vie de jeune fille déjantés, jusqu'au simple touriste avec son appareil photo émerveillé, tout était réuni à Las Vegas. Dans les rues immenses et bruyantes j'ai pu croiser des centaines d'Elvis Presley prêt à m'agripper par le son de leur guitare et de leurs enceintes titanesques. J'ai été entraînée dans des danses folles auxquelles se mélangent des filles de joies ornées d'oreille de lapin et couverte seulement d'un string. J'ai rencontré des Michael Jackson dansant sur Thriller, avec qui j'ai échangé quelques pas de moonwalk pour épater les passants.
The entire world in one city
Mais ce qui m'a le plus étourdi de Vegas, c'est que d'une rue à une autre, d'un pas devant à un pas derrière, je pouvais changer de ville ou de pays. En levant les yeux sur l'interminable trottoir de droite, je pouvais apercevoir la tour Eiffel et l'arc de triomphe. Et en traversant la route, sur le trottoir de gauche, je pouvais assister au spectacle des jets d'eau d'une fontaine, digne d'une piscine olympique, dansant au rythme des musiques de David Bowie. Vegas ressemblait à un rêve que l'on ne peut toucher que du doigt, et tant que vous n'y avez pas mis les deux pieds, vous n'avez aucune idée de ce qui vous attends. Je pouvais être au pays d'Aladin entourée de château aux tours multicolores, je pouvais être sur un grand 8 tourbillonnant dans l'ivresse entre les buildings colorés des casinos, je pouvais regarder le ciel à l'intérieur d'un des innombrables bâtiments dont le plafond peint et les lumières aveuglantes donnait l'impression de marcher dans les rues de Paris un jour de juillet. À Las Vegas, je pouvais être tout ce que je voulais, partout dans le monde, dans une seule et même ville.
L'ambiance des casinos
Le plus fou était de penser qu'à l'intérieur de ces bâtiments, d'autres œuvres d'arts attendaient d'être dévorés par les regards curieux. Chaque bâtiment abritait en son sein un immense casino, plus fous les uns que les autres. Et plus je pensais avoir tout vu, plus j'avais tort. Qu'il fût naïf et enfantins de courir parmi ces merveilles, tout en gardant cet esprit festif des machines de jeux dont le bruit reste encore dans ma mémoire. À 16 ans, je n'ai pas eu le droit de toucher à ce bonheur que les adultes de plus de 21 ans avait l'air de consommer sur ces écrans de couleurs. Mais j'ai ressenti à travers les casinos l'émotion et les goûtes perler sur les fronts des touristes affamés d'argent, tentant désespérément d'être le prochain millionnaire. Je me souviens de l'odeur de fer et de transpiration, des regards pleins d'espoir et du bruit de la cagnotte qui augmentent dans un univers fantastique. J'ai adoré Sin City, non pas pour l'aire de jeu qu'elle avait à nous offrir, mais pour la tension humaine qui s'y était confortablement installé entre deux machines. Et cette ambiance, accompagné de musique rugissante, je l'ai retrouvé dans tous les casinos que Las Vegas avait à me proposer, peu importe le décor, égyptiens, parisiens, tamisés ou lumineux des différents casinos.
De la neige à Vegas ? Tout possible.
A 4 heures du matin, j'ai fini la soirée à jouer au golf, sur un immense terrain au centre de la ville. Sur plusieurs étages, des centaines de stands de tir attendaient au côté de club de golf et de balles. Devant ces stands s'étendait plus bas un gigantesque terrain sur lequel reposait des milliers de boules blanches. L'objectif ? Tirer le plus fort possible depuis le stand – du troisième ou quatrième étage nous concernant – pour tenter de viser un des trous creusés sur le terrain. Et alors que je posais seulement ma balle sur le socle prévu à cet effet avant de la tirer, des milliers de projectiles dansaient déjà dans les airs, offrant aux golfeurs un spectacle ahurissant. L'effet sautillant et festif des boules blanchâtres dans l'air chaud laissait à penser qu'il pouvait même neiger dans la ville du désert.
Sarah Le Guen
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Les voyages de Sarah
Short StoryArticles d'une petite française partie vivre à Londres. Les descriptifs de tous mes petits voyages. En espérant que la vie m'en réserve d'autres.