Il y a quelques années, l'histoire que je vis aurait été une fiction. Même Spielberg aurait été jaloux de l'inventivité du scénario.
Aujourd'hui, il s'agit bien de la réalité.
Il y a quelques mois, les soignants étaient applaudis aux fenêtres. Car passer la tête par la fenêtre était autorisé, même si mettre les pieds dans la rue ne l'était pas. Aujourd'hui, les soignants Insoumis sont condamnés à ne plus travailler.
Pour l'ensemble de la population, profiter des loisirs, des plaisirs offerts par les restaurants, les bars, les musées, les cinémas ou les voyages est possible à condition de présenter son Pass Sanitaire.
Vous voulez être libres ? Alors soumettez-vous !
Vaccinez-vous !
Ah, vous ne voulez pas être vaccinés ? Alors faites-vous torcher le nez une fois tous les trois jours!
Je me soumets, car je veux être libre. Je veux profiter de la vie. Alors, docilement, je montre mon Pass Sanitaire aux scanners des gentils serveurs. Ca devient une routine comme une autre, car comme beaucoup de gens je m'y habitue. Après tout, on s'y fait.
C'est mieux que de rester enfermé toute la journée chez soi, à regarder en boucle les mêmes informations catastrophiques diffusées inlassablement sur toutes les chaînes de télévision.
C'est mieux que de rouler sur une route vidée des autres automobilistes en me sentant comme une criminelle lorsque je me rends simplement au travail.
C'est mieux que de contempler une ville-fantôme, dénuée de vie, de bruits, de rires, de musique, de langues étrangères.
C'est mieux que de sortir pendant au plus une heure dans un rayon d'un kilomètre maximum, comme une détenue qui profite de sa promenade quotidienne au sein de sa prison. Avec en poche un document justifiant le déplacement, bien entendu.
Et après tout, c'est même mieux que de se laisser dégommer parce qu'il n'y a plus de place à l'hôpital quand tu as plus de 70 ans, quand de jeunes internes débutent leurs carrières en apprenant à faire des choix, lorsque les respirateurs sont une denrée rare et qu'il faut bien que quelqu'un décide qui va pouvoir vivre et qui a dépassé la date limite de péremption.
C'est comme les visages qu'on ne connaît plus que masqués. Si à de rares occasions l'ornement disgracieux tombe, on réalise qu'on n'aurait pas imaginé ce nez, cette bouche, ce sourire, cette grimace sous ces yeux. Après tout, le masque aussi, on s'y est fait.
Certains rejettent la faute sur le gouvernement. Pour d'autres, l'erreur vient des Complotistes ou des Insoumis.
Pour moi, la vérité c'est qu'il n'y a personne à qui jeter la pierre.
Quand celui qui a eu la merveilleuse idée d'inventer un virus qui par des tours de passe-passe machiavéliques change lentement mais sûrement les gens en zombies se présentera, j'irai le féliciter.
Bien joué, vraiment. Grâce à lui, je n'ai plus besoin de regarder des films fantastiques, je vis en pleine science-fiction au quotidien.
En parlant de films, j'ai d'ailleurs acquis le réflexe d'être choquée lorsque je vois à l'écran des personnes entrer dans un lieu public à visage découvert. Ou se serrer la main. Ou encore se rapprocher de trop près. Ces personnages aiment-ils se mettre en danger ?
Non, c'est simplement que les contacts humains, l'absence de masques, les bises, les accolades, et autres rapports humains tactiles que j'ai connu dans un temps révolu, eh bien aujourd'hui, c'est ça, la fiction.
Mais je ne m'inquiète pas. Ca aussi, je vais m'y faire.

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Ma réalité
No FicciónJuste un petit aperçu un tantinet grinçant de la situation actuelle ...