Millionaire

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Ma nuque appuyée sur le rebord de la baignoir et son contenant se mouvant à mes côtés, je ne sais pas depuis combien j'y suis. J'ai simplement conscience de l'eau encore chaude englobant mon corps tout entier et ornant mon cou.
Je suis là, dans une baignoire plaquée d'Ivoire, seul, dans une salle spacieuse décorée de moulures et dorures dont bons nombres m'envient.
Occupants ce somptueux château tel un triste fantôme, une âme égarée...
Je n'arrive même pas à la cheville de l'image dont je m'efforce de renvoyer.
Mon image, l'image de ma vie, de ma fortune... derrière les belles voitures et les vêtements de marque chacuns de mes sourires sont les esclaves de ma notoriété.
Ils s'imaginent que, tant qu'il y a de l'argent tout va bien, que nos paires de Gucci Rhyton et Nike Air Mag suffisent à combler le vide qui règne dans ces demeures autant que dans nos têtes...

Pourtant les seules choses qui y persistent ne sont que des pensées sombre, s'ennuyants et dansants avec les ombres. Un peu comme ces volutes de vapeurs qui s'échappent doucement de la baignoir, venant créer un léger brouillard embaumant les alentours, voltigeant entre les flacons de parfums, créant une atmosphère enivrante.

Je m'ennuie tellement, je sais que je ne devrais pas me plaindre, que certains tueraient pour être à ma place.
Mais contrairement aux préjugés, l'argent ne déshumanise pas.
À l'inverse il force ses propriétaires à se retrouver en face à face avec leurs sentiments, leurs peurs, appréhensions. On est tellement occupés à ne pas sombrer dans une folie avaresse que l'on oublie toutes autres distractions. Alors pour compenser ce manque d'animation l'on claque son argent dans des vêtements, des accessoires, voitures, puis yoat ou jet privé...
Au final l'on en oublie la valeur de l'argent, on se renferme sur soit même et, étant conscient de cette soif avide,
il devient inconcevable de faire confiance à une autre personnes que soit.

Enfin meme si on ne se fait pas toujours confiance...
Certains devienne avares, mégalomanes, aigris, égoïstes et matérialistes,
Mais pas dans mon cas.
Je me dégoûte. Au début je vivait un rêve tandis que les autres s'endormaient, mais aujourd'hui mon rêve c'est d'avoir une vie basique, modeste...
sans toutes ces manières à adopter en public, son image à soigner, s'isoler petit à petit de ses proches, se renfermer sur soit même pour ne pas subir les critiques des journalistes...

J'aimerais tellement ne plus être seul, avoir quelqu'un avec qui partager mes peine, qui me ferait les oublier et les remplacerait par des rires, des mots doux...

Depuis que j'ai de la notoriété je ne me permet plus d'être avec quelqu'un, probablement de peur que l'on profite de moi; mais aussi effrayé de faire souffrir, de faire subir à la personne que j'aime le fardeau qu'est ma vie, mes pensées...

Je me retrouve souvent seul avec mes pensées, aujourd'hui en est un bon exemple. À mesure que les heures passent, elles s'assombrissent et s'étendent comme l'ombre des meubles lors du crépuscule, s'insinuent dans les moindres recoins de mon esprit, de mon corps et dans chacuns de mes mouvements, de mes décisions.
Ma solitude m'a poussé à tenir compagnie aux ombres de ma propre demeure, de mon propre monde.
Je passe mes journées à y errer lividement, sans but. À par peut-être pour m'assurer que je suis encore en vie, que le froid mordant n'a pas contaminé d'autres territoires que mon cœur, déjà bien entamer.

D'ailleurs une légère brise me fait sortir de mes pensées, sa fraîcheur contrastant avec l'eau devenue tiède qui remuait tranquillement près de mes clavicules.
Petit à petit je vu la brume qui, jusqu'à présent se contentait d'englober la pièce, s'incorporer avec la brise qui venait de franchir la fenêtre.
Ce tumulte tourbillonnait lentement, prenant de la hauteur et créant timidement une silhouette ressemblant vaguement à celle d'un homme.

Pour ma part, je regardais calmement cette scène, sans peur ni un réel intérêt, attendant simplement de voir ce qu'allait devenir cette forme brumeuse.

Pourtant, quand la silhouette fût plus découpé et détaillé dans le paysage, un sentiment bizarre m'assaillit. Comme un parfum envoûtant, m'invitant à decouvrir l'être qui se dressait devant moi.

La sensation qu'il me procure est rassurante et apaisante, chaleureuse. Cette silhouette -enfin plutôt cet homme- me reste tout de même indéchiffrable de par ses volutes de brumes tourbillonnantes et glissantes aux abords de sa peau mate, lui offrant un côté mystique malgré son aura réconfortante.

Doucement, sans m'adresser un regard, il s'avança vers la baignoir, le brouillard le suivait et voltigeait à ses côtés.
Il paraissait presque flotter, comme porté par un doux nuage d'un blanc étrange, en rappelant un ange gardien envoyé d'un paradis lointain.

Son corps entra lentement dans l'eau froide, cette dernière émanant un peu plus de brume de par la chaleur des vapeurs de l'être qui s'installait en face de moi. Sa présence ne me dérange en aucun point, j'en suis intrigué, je veux savoir qui est cet homme, que fait il ici, est-il réellement un Homme ?

J'essayais de le scruter tandis que la brume se dissipait petit à petit, l'eau de la baignoir se réchauffait au même rythme. Sa chaleur apaisait mes tensions et mes maux de têtes, mes muscles se relachaient tout comme mon cœur blessé, glacé, se dégivrait soudainement. Je savourais les battements de ce dernier qui venait faire gonfler ma poitrine. Mes émotion et sensations se degourdissants d'une pause forcé, comme cryogènisées depuis bien trop longtemps dans l'être froid et livide que je suis devenu.

Le brouillard partiellement dissipé je pu distinguer celui qui me fait tant d'effet; c'est un bel homme, probablement dans mes âges, grand, une mâchoire carré, une peau métisse parsemé de quelques taches de rousseurs. Ses yeux presque noirs contrastaient avec son aura rayonnante, le rendant terriblement attirant.

Lui paraissait me détaillé curieusement, son regard pétillant scrutait chaque centimètres de mon visage jusqu'à ce que ses pupilles se heurtent aux miennes.

Je ne pouvait pas en décrocher mes yeux, leurs noirs m'entraînaient avec eux dans les profondeur son âme;
au travers je pu sentir un mélange de curiosité, admiration et passion à mon égard.
Il me souris gentiment, je rougis.
Ses lèvres captivaient terriblement mon attention, je sentis sa main brûlante effleurer la mienne.
L'eau se déplaçait lentement au même rythme que nos corps s'attiraient, de sa main frôlant mon bras, remontant mes clavicules, mon cou, caressant tendrement mon menton puis ma joue.

*

Ma nuque appuyée sur le rebord de la baignoir et son contenant se mouvant à nos côtés, je ne sais pas depuis combien l'on y est. J'ai simplement conscience de l'eau encore chaude englobant nos corps tout entier et ornant nos cous, nos cœurs.
Là, dans une baignoire plaquée d'Ivoire, ensemble, dans une salle spacieuse décorée de moulures et dorures dont bons nombres nous envient, l'on y est simplement heureux, épanouis. Amoureux.

Tu es arrivé dans ma vie comme un ange tombé du ciel, me rapportant les rires et la chaleur de mon cœur que j'avais perdu.

Je t'aime

Jordan Becker.

Millionaire °Os Joystu•Où les histoires vivent. Découvrez maintenant