Angel, why...

Prologue

Il était aux alentours de dix-huit heures trente lorsque Wesley passa le seuil de sa maison de maître afin d'échapper à la vague de froid qui s'abattait sur Versailles en ce mois de janvier. L'homme se pressa de refermer la porte derrière lui afin de ne pas laisser le blizzard s'engouffrer dans le hall d'entrée et refroidir l'intérieur de la demeure. Il soupira en silence de soulagement tant l'idée d'être enfin au chaud dans son foyer l'apaisait. Il revenait d'un conseil de discipline concernant un élève perturbateur et violent envers le corps enseignant mais aussi les élèves. Renvoi temporaire puis définitif en cas de récidive, c'est ce qui avait été décidé par le conseil et approuvé par lui. Mais ne souhaitant plus songer à tous ces problèmes une fois chez lui, il se débarrassa de toutes les couches de vêtements lui ayant servi à se protéger des basses températures d'hiver : écharpe, gants, doudoune, bottines avant d'appeler les membres de sa famille un à un, ceux-ci étant déjà censés être rentrés depuis un petit moment déjà :

«Eve ? Ray ? Eden ? »

N'ayant aucune réponse, il s'avança dans le salon après avoir enfiler ses chaussons. Un sourire tendre se dessina sur son visage après avoir aperçu un message sur la table basse et avoir reconnu l'écriture soignée et délicate de son épouse mais aussi celle maladroite de sa petite fille de cinq ans et demi.

''Je suis partie chez ma sœur avec Elena pour récupérer quelques courses qu'elle a faite pour moi, je n'en ai pas pour longtemps ! Ray est dans sa chambre, j'espère qu'il te racontera sa journée avec autant d'entrain que pour moi ! Je t'aime ♥

Je t'aime papa ♥ ''

Il plia soigneusement le mot avant de le ranger dans la poche de sa chemise et se tourner vers les escaliers, n'étant pas surpris du manque de réponse de son fils qui devait certainement avoir ses écouteurs dans les oreilles. Il était même plus surpris par l'indication de sa compagne à propos de la joyeuseté de celui-ci qui, habituellement, ne parlait que très peu. Même si Ray avait toujours été un enfant très communicatif, son isolement dès son entrée au collège n'avait pas inquiété le couple outre mesure puisqu'ils savaient que l'adolescence était une période de quête identitaire et de jardin secret pour tous. Lui n'y avait pas fait exception : hormis des banalités et des conversations plus ou moins superficielles, il n'abordait plus de sujets autour de sa vie privée, à propos de ses amis ou de ses passions.

Wesley passa par la cuisine se faire chauffer un café avant de monter voir le jeune garçon. Il alluma le gaz après avoir poser la petite casserole pleine de liquide noire sur celui-ci puis prit la direction des escaliers pour aller saluer son fils. Cependant, une petite sensation d'angoisse le gagna en bas des marches. Mais il l'ignora aisément et commença à les grimper une à une. Chacune d'elle était une montée d'anxiété en plus, à tel point qu'il dût faire plusieurs pauses pour se reprendre. Quelque chose clochait, mais il ne savait pas quoi. Une fois arrivé en haut, il se dirigea vers l'une des salles de bain de l'étage pour se passer un coup d'eau froide sur le visage.

«Regardes toi mon pauvre vieux, on croirait que tu as vu un fantôme. C'est ridicule, tu vis ici depuis huit ans. » ricana t-il en voyant son reflet pâle dans le miroir après s'être passé de l'eau au visage.

Sa moquerie mêlée au rafraîchissement le fit se détendre et, après s'être étiré, il sortit de la pièce pour aller voir son fils une bonne fois pour toute. Mais une fois de retour dans le couloir, l'angoisse le regagna de plus belle. Il fit quelques pas jusqu'à la porte blanche fermée donnant sur la chambre de Ray. Il toqua une première fois contre le bois lourdement, pas de réponse. Une seconde fois, toujours pas de réponse.

Il enclencha la poignée dorée afin d'ouvrir la porte, se sentant presque étouffé par l'anxiété l'ayant gagné. Mais celle-ci redescendit en voyant la prunelle de ses yeux assis à son bureau, la tête dans ses bras, ses écouteurs dans les oreilles et probablement endormi. Le père eut un sourire chaleureux et s'approcha du blond avant de poser une main chaude sur son dos frêle et se pencher vers lui en lui ôtant les oreillettes.

«Ray, mon ange... Réveilles-toi, tu vas avoir mal au dos à dormir dans cette position... »

Le fils ne cilla même pas à la voix de son père. Wesley lâcha un faible soupir et insista en le secouant légèrement. Une vision d'horreur le gagna en voyant son fils lui tomber dans les bras comme une vulgaire poupée de chiffon, les lèvres bleues et le visage au teint cadavérique. Il lâcha un juron de terreur en attrapant le téléphone portable de l'adolescent à disposition sur le bureau. Il ne mit pas longtemps pour remarquer les deux plaquettes de somnifères ainsi que les verres de whisky vidées, ce qui le fit paniquer encore plus. Son premier réflexe tout en essayant de joindre le numéro des urgences fut d'enfoncer ses doigts dans la gorge de son fils. Peu ragoûtant, certes, mais il ferait n'importe quoi pour sauver son enfant miracle.

«Wesley, tu es rentré ? Pourquoi ton café est en train de bouillir sur le feu ?! S'écria Eve depuis le rez-de-chaussée sans s'imaginer le drame se jouant à l'étage.

-    Eve, laisse la porte et la barrière ouverte ! Ray a besoin de soins    ! »

La suite des événements était très floue pour les parents, ils se souvenaient juste des sirènes d'ambulances, des brancardiers emmenant leur fils, le masque à oxygène qui paraissait énorme sur son visage fin, leur fille ne comprenant même pas ce qui se passait et demandant où son frère allait être amené. Ils l'avaient accompagné ce soir-là afin d'être avec lui, laissant la cadette du foyer en catastrophe chez la sœur d'Eve. Pour pouvoir l'accompagner dans sa survie ou être à ses côtés lors de ses derniers instants...