Part 1

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“Normal people don’t understand how beautiful the darkness is” 

Comme chaque histoire a son commencement, la tienne prenait racine lors de ta rentrée en primaire. L’entrée dans la cour des grands. 

Aussi vagues, embrumés et incertains soient tes souvenirs, son visage est pourtant bien net, clair, ancré dans ton esprit. Chaque détail, aussi insignifiant soit-il, flottait dans ta mémoire, tel un spectre hantant ton être depuis des années. Ce qui n'était pas si loin de la vérité. 

Sa personne que tu avais tant aimée. Tous les moments que vous aviez partagés ensemble. Les bons comme les mauvais. Elle t’avait marqué. 

Mais c’était à cause de lui que tout s’était déclenché en vérité. Eric. 

A six ans, comprendre ses émotions, le contrôle de soi, ce sont des notions abstraites. Mêmes certaines personnes plus matures ne comprennent pas encore le fonctionnement de l’être humain.  

C’est compliqué. Tu n’apprendrais que par la suite que c’est ta vie, ton existence entière qui allait sombrer dans un chaos d’émotions incontrôlables et destructrices. Tu allais faire les frais de la cause même de tout le bonheur et de tous les malheurs du monde à la fois : l’amour. 

Tu te tenais droite comme un pique devant le portail de l’école. Tous les élèves attendaient avec impatience — ou pas — l’ouverture des portes pour découvrir leur nouveau lieu de travail. L’endroit où ils allaient désormais passer le plus clair de leurs journées pour cinq ans.  

Tu sentais la main de ta mère qui serrait la tienne au moins — voir plus — stressée que toi. Tu avais de la chance d’avoir une mère supportive qui attendait avec toi jusqu’au bout. Mais là, tout de suite tu ne désirais qu’une seule chose : son départ imminent, qu’elle te laisse en paix avant de devoir entrer en enfer. Tu dramatisais la chose sûrement. 

La sonnerie t’avait tirée de tes pensées, et tu avais claqué une bise sur la joue de te mère, soulagée de devoir lâcher sa main, avant de te précipiter à l’intérieur de la cour. 

Tu t’étais assise sur un muret en attendant l’appel des classes. Seule, expirant à fond, enfin un peu de calme. 

Mais ta délivrance n’avait pas duré.  

— ça va ?  

Tu avais relevé les yeux et ton cœur s’était arrêté. Tes membres te picotaient, ton cœur tapait contre ta cage thoracique, menaçant de s’échapper à tout moment. L’expression “coup de foudre” venait de prendre tout son sens.  

Vous aviez parlé pendant un petit bout de temps, sur ce muret au milieu de la cour, dans votre bulle. 

Et quelques années plus tard, vous étiez toujours là, à parler de tout et de rien, à profiter de la compagnie de l’autre. Vous rigoliez. 

Mais votre relation était essentiellement constituée de tes observations, de tes regards. Tu l’observais discrètement, sans te faire remarquer, tu l’écoutais parler, de cette voix vivante, animée, qui te faisait chavirer. Tes regards sur ses yeux pétillants, ses lèvres roses et son nez fin.  

Ces moments rares privilégiés dans la cour de récréation où vous aviez la chance de vous retrouver, de partager un moment ensemble, tu les chérissais.  

Puis, d’une façon ou d’une autre, tout s’était écroulé. 

Jalousie.  

Tu peux la sentir. Elle murmure à ton oreille des paroles saveur aigre-doux, d’une petite touche amère. 

Sa silhouette élancée, ses courbes sensuelles et généreuses, ses lèvres pleines. Et son regard si froid, si tranchant que l’on pourrait se couper rien qu’en croisant la trajectoire de ses yeux meurtriers. 

Ses lèvres hypnotisantes, se mouvant tel des serpents. Craquelées, sèches comme le plus desséché des déserts.  

Tu peux les sentir se poser sur ta peau, embraser une par une tous les pores de ton âme. 

La barrière part en éclats. Eclats de verre tranchants qui se plantent simultanément dans ton esprit, t’arrachant un cri de douleur intérieur. Ton regard s’assombrit sous la torture, alors que ta garde se baisse, ankylosée par la douleur. 

Sans que tu ne puisses rien y faire, le froid s’insinue insidieusement dans ton corps, engourdissant ton cerveau, corrompant ton âme. 

La noirceur prend le contrôle de ton être, Jalousie aux commandes. 

Sa silhouette perverse se recule, un sourire froid plaqué sur ses lèvres gercées. 

Tu es devenu la marionnette, esclave attendant de réaliser tous ses plus vils désirs. 

Ta main se lève seule, afin d’attraper la fourchette à la gauche de ton assiette. Pour venir la planter d’un coup sec.  

Tu retires doucement la fourchette de la part de viande, laissant l’assiette comme elle était, le sang dégouline sur le manche du couvert, puis sur ta main, alors que tu lèves ton arme. 

Et te lèves de ta chaise. Ta vision est centrée sur eux. 

C’est ce qui t’as rendue jalouse, qui l’a libérée. Jalousie.  

Elle est maintenant sur son terrain de jeu, au contrôle de son corps et de tes actions. 

C’est voir sa main dans celle d’Eric qui t’a brisée. De découvrir avec horreur qu’elle rigole avec lui. Qu’elle le regarde avec ce même regard que tu posais sur elle. 

Mais que votre amitié, tout ce que vous aviez pu construire, tout l’amour que tu portes pour elle, il l’a détruit.  

Elle est amoureuse de lui. Pas de toi. 

Et Jalousie qui ricane. 

 
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15/11/21
865 mots

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 15, 2021 ⏰

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