PREMIÈRE PARTIE : prologue

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L'agitation à l'extérieur nous parvenait avec force, et il me semblait même entendre des cris et le crépitement de flashs. Mon cœur battait tellement fort que je ne parvenais même plus à respirer, ni à reprendre le contrôle de mon corps. Je m'apprêtais à vivre une expérience unique, qui m'effrayait tellement que mes pensées s'éparpillaient dans tous les sens. Je ne savais pas ce qui m'attendait, et surtout, je ne parvenais pas à imaginer les conséquences de ce que nous nous apprêtions à faire.

Au moment où je commençais très sérieusement à regretter cette décision, qui me conduisait à me dévoiler comme je ne l'avais jamais fait, je sentis sa main se poser sur la mienne. En seulement quelques instants, ce contact, par l'intensité des sensations qu'il faisait naître en moi, suffit à anéantir toute appréhension. Je me tournai vers lui, et lorsque je rencontrai ses yeux verts qui me scrutaient intensément, je compris que je pourrais le suivre n'importe où, qu'il suffisait qu'il soit près de moi pour que j'oublie le reste du monde.

Lorsque la portière de la limousine s'ouvrit, et qu'un bruit assourdissant nous parvint, je compris instantanément que je n'avais plus peur. Lui seul comptait.


Il devait être aux alentours de midi. La salle d'embarquement était pleine à craquer, et la chaleur qui s'y dégageait en devenait presque suffocante. D'un côté, cela n'avait rien d'étonnant :je savais exactement à quoi m'attendre en prenant l'avion en plein mois d'août. Ce n'était en aucun cas l'idée la plus brillante qui soit, mais je n'avais pas vraiment eu le choix.

J'entendais encore Alex, ma très chère sœur, me demander –m'ordonner serait plutôt le terme exact – d'être à Los Angeles cette semaine, me forçant au passage à vider une bonne partie de mon compte épargne, afin de me payer ce billet hors de prix, en pleine période estivale.

En vérité, je ne pouvais pas réellement lui en vouloir :selon ses propos, le patron de EMC avait insisté pour me voir le plus rapidement possible, sous peine de donner ce poste tant convoité à quelqu'un d'autre. D'une manière évidente, je ne pouvais pas me permettre de faire la fine bouche, il aurait même fallu que je sois complètement cinglée pour laisser passer une occasion pareille.

C'était d'ailleurs ce que je me répétais inlassablement depuis quelques jours, pour me convaincre que ma décision inattendue et presque délirante de quitter mon pays natal était la meilleure chose qui soit. Toujours selon Alex, ce nouveau départ me procurerait une entière satisfaction, et elle n'avait pas cessé de me préciser à quel point la rejoindre à l'autre bout du monde me comblerait de bonheur.

Je n'avais aucun moyen de savoir si elle disait vrai ; mais s'il y avait bien une chose dont j'étais sûre, c'était que cette vie lui convenait parfaitement à elle. Depuis son départ dix ans plus tôt, il avait toujours semblé évident qu'elle ne remettrait jamais les pieds en France.

Cela était d'autant plus clair maintenant qu'elle était parvenue,après tant d'efforts, à créer cette agence artistique qui lui tenait tant à cœur. Avec l'aide de Julian, elle semblait sur la bonne voie, si ce n'était déjà le cas, pour pénétrer définitivement dans le milieu très fermé d'Hollywood. Pour une fille d'ouvrier, c'était plutôt pas mal.

L'idée de la rejoindre ne m'avait jamais réellement effleuré l'esprit ; alors certes, coincée en région parisienne sous un temps maussade, condamnée à des heures de RER pour assister à des cours ennuyants et redondants, je l'avais enviée plus d'une fois,l'imaginant sous le soleil de Californie, dans une des villes les plus célèbres au monde. Mais cela relevait plus du fantasme que de la volonté concrète de l'imiter.

Les États-Unis m'avaient toujours fait rêver, comme beaucoup de gens. D'ailleurs, je me rappelais très bien de la seule fois où je lui avais rendu visite, l'année précédente. Elle m'avait aidée à me payer mon billet, pour venir passer quelques semaines de vacances en sa compagnie.

Je me souvenais parfaitement du moment où j'étais sortie de cet immense aéroport, où j'avais arpenté les plages de cette ville prolifique, ainsi que les grandes avenues et les différents lieux touristiques. Évidemment, pour une fille comme moi, qui n'avait pratiquement jamais voyagé, c'était à la fois fascinant et envoûtant ; envoûtant comme un lieu de vacances qu'il fallait bien quitter à un moment ou à un autre.

Lorsqu'elle m'avait appelée pour m'annoncer qu'une de ses connaissances recherchait une traductrice, j'avais d'abord refusé.Pour moi, il était complètement insensé d'envisager une seule seconde cette proposition, qui allait me forcer à tout quitter pour commencer une nouvelle vie.

Pourtant, plus les jours suivants s'étaient écoulés, plus je m'étais rendue compte que les opportunités à Paris pour une fille de 21ans, licence d'anglais en poche, étaient restreintes. Et puis,n'avais-je pas toujours rêvé d'être traductrice ? N'avais-je pas toujours aimé l'anglais au point de me l'approprier quasiment au même niveau que ma langue maternelle ?

J'en avais parlé à mes parents, qui s'étaient tout d'abord montrés dépités. Déjà qu'ils ne voyaient presque plus leur fille aînée,l'idée de laisser partir la cadette semblait insupportable. Ma mère avait paniqué, mon père avait essayé, par le biais de grandes discussions, de me dissuader de suivre les traces de ma sœur. Puis ils avaient bien dû se rendre à l'évidence : cette opportunité valait vraiment le coup.

J'avais alors pris mon billet, et trois jours plus tard, je me trouvais ici, à attendre dans cette maudite salle d'embarquement.J'avais à peine eu le temps de dire au revoir à mes connaissances,ou même de faire une valise correcte. J'avais pratiquement tout laissé chez moi, enfin chez mes parents, et les quelques livres et vêtements que j'emmenais là-bas ne m'empêchaient pas de me sentir particulièrement démunie.

Quand une voix m'annonça qu'il était enfin l'heure de monter dans l'avion, je restais quelques instants immobile, observant les voyageurs qui se ruaient vers le guichet d'embarquement, dans un brouhaha certain.

Je ne savais pas réellement où j'allais, ni ce que je faisais de ma vie. Je n'étais pas effrayée, juste déboussolée de m'être montrée si spontanée, si téméraire. Bien que j'avais malgré tout un tempérament impulsif qui me faisait rarement défaut, je n'aurais jamais pu imaginer me retrouver dans une telle situation, ni même être sur le point de bouleverser à ce point mon existence.

Je pris une grande inspiration, et avec une énergie qui me surprit moi-même, je me levai de mon siège avant de suivre la foule.


De toi à moi (with love) - [Sous contrat Black Ink Editions]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant