La sensibilité nous éloigne-t-elle du réel ?

Essaie Philosophique

La sensibilité est sans doute pour l'homme le trait de personnalité le plus immuable et mystérieux qu'il puisse avoir. Aussi enfoui soit-elle la sensibilité se manifeste opiniâtrement et se nourrit des faits afin de créer, interpreter et modeler la vie de l'individu. L'individu. Il se matérialise tant physiquement que psychiquement, cependant personne n'est présent pour en témoigner. Ainsi, la sensibilité nous éloigne-t-elle du réel ?

La sensibilité, ne serais-ce pas qu'une passerelle reliant la réalité au psychique et à la pensée intime ? La définition même de la sensibilité inscrit son informité. Unique et intime elle est à l'origine de nos émotions et du "coté humain" de l'humain, inscrivant dans le réel nos pensées, nos songes, notre âme. Chaque individu est à la recherche. À la recherche d'une source d'alimentation pour sa psyché, d'une identité, d'un semblable lui permettant d'aborder plus sereinement la zone obscure qui occupe son âme. L'être cherche à s'identifier afin de s'auto-découvrir. La sensibilité est une frontière séparant l'inconnu de l'inconnu, séparant le réel de l'immensité informe de notre être profond.

Ainsi, quelle serait l'apogée et la finitude de cette quête du sois ? L'amour. L'amour est cet accomplissement finale de l'esprit, lui permettant de s'identifier, de se reconnaitre et de réconforter dans l'idéalisme d'une âme soeur, dans l'idéalisme d'un semblable lui garantissant la validité de son développement et du parcours accomplie. Pourtant, l'être s'étant construit et consolidé autour d'une vision et d'une perception sensible du réel peut se confronter à un échec douloureux, brutale et obsessif. Remettant en question les fondements les précoces de l'individu, lui faisant remuer toutes explications ou bribes d'erreurs potentiellement à l'origine d'un sentiment d'abandon et d'incompréhension infini, celui de l'amour impossible.

Gérard de Nervel, Sylvie.
"Cet amour vague et sans espoir, conçu pour une femme de théâtre, qui tous les soirs me prenait à l'heure du spectacle, pour ne me quitter qu'à l'heure du sommeil"
"c'est un entrainement fatal où l'inconnu vous attire comme le feu follet fuyant sur les joncs d'une eau morte ... Reprenons pieds sur le réel."

La solitude est le sentiment le plus profond que l'homme peut exprimer. L'intensité que résulte cet état est visible dans l'entièreté du spectre humain. La solitude n'est que le reflet de la psyché, seul avec elle même et abandonné à ses songes et réalités personnelles. La solitude est brutale car elle est le reflet de l'être intérieur, l'homme est voué à s'inclure globalement dans l'immensité de son âme, il décrète lui même se confronter à la dureté et aux problématiques dérangeantes de la dualité de l'individu partagé par la sensibilité.

Finalement, la sensibilité n'est que le produit d'un homme divisé et baladé entre deux opposés crus et difficiles, questionnant et remettant en jeu perpétuellement la véracité d'un fondement précoce ainsi que sa finalité. L'individu n'est que solitude à travers ses pensées les profondes et une réalité brutale.