Chapitre 2

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8 mois plus tard

- Je pourrais t'accompagner tu sais ? Je serais contente de revoir mon frère et je peux prendre quelques jours de congés au boulot...

La préoccupation que je lisais dans les yeux de ma mère m'enserra le coeur.

J'avais décidé de partir il y a longtemps. Déjà à l'hôpital je savais que je ne pourrais pas rester ici beaucoup plus longtemps. Mais même si je pensais que prendre de la distance était ce qui pouvait m'arriver de mieux, la voir si inquiète me ramenait à l'état de petite fille.

Elle aussi a souffert. Peut être plus que moi. Après l'accident elle m'avait enveloppé si fort de son attention et de son énergie que j'en avais presque oublié la douleur. Mais quand on a apprit que je ne pourrais  plus jamais marcher sans souffrir, et encore moins patiner, j'ai vu son armure se fissurer. C'était son rêve ; faire de sa fille une étoile, une championne.

Elle a sacrifié tant de choses, tant d'énergie et d'argent pour me hisser au sommet du patinage artistique. 11 ans plus tard on avait réussi. A 17 ans j'étais qualifié pour les championnats de France et mon sacre n'était plus qu'une question de mois. Le jour de l'accident je préformais pour ma région. Ça n'était pas un concours, je n'était même pas obligé d'être là-bas. Mais mon entraineur avait insisté, c'était positif pour ma carrière, pour mon image. Et j'y étais allé.

8 mois plus tard je ne parvenais pas encore à saisir toute les conséquences qu'avait entrainé cet instant sur la vie de mes proches.

Je ne pouvais pas passer un jour de plus à la voir s'apitoyer sur moi, à ressentir sa peine, à l'entendre espérer quand je lui mentais en lui disant que j'avais moins mal pour qu'un instant elle quitte son masque de tristesse.

Alors j'ai décidé de partir au Canada rejoindre mon oncle. J'ai passé plusieurs moi là-bas ces dernières années pour mes entrainements. Ma mère pense que j'y retourne pour retrouver la flamme de la patineuse qui s'est éteinte en moi. Je l'ai même vu glisser mes patins dans une de mes valises. Elle espère un miracle, de ceux qu'on voit dans les films.

La vérité c'est que j'y vais parce que c'est l'endroit le plus loin de chez moi que j'ai trouvé.

Je fuis. Encore une fois. A croire que je ne sais faire que ça.

- Non maman, tu sais que tu ne peux plus prendre de congés. Tu as tout pris quand j'étais à l'hôpital.

- Je me fiche de mon travail Théo. Tu es ma fille, je dois être là pour toi.

Elle ne le sait pas encore mais prendre un peu de distance avec moi lui permettra de se remettre plus vite. Ça n'est pas évident d'oublier un drame quand l'objet de ce même drame vit sous votre toit. Je fis un pas vers elle pour presser son petit corps frêle entre mes bras comme si cela suffirait à recoller les morceaux de son coeur.

- Ne t'inquiète pas, on se téléphonera tout les jours. Je vais être bien là-bas. J'ai besoin d'être seule pour faire le point.

Comme elle n'était pas encore totalement convaincu je décidais d'employer l'argument ultime :

- Peut-être que sans tout ce monde autour de moi j'arriverai à remettre mes patins.

Un espoir. Encore un de plus que je finirais par balayer.

-D'accord. Mais promet moi de faire attention mon coeur, je n'aime pas être séparé de toi si longtemps.

-Je te le promet.

Elle eu l'air apaisée par ma réponse. Avant de quitter ma chambre elle se retourna une dernière fois ;

- Tu es sure de vouloir prendre le vol de ce soir ? Andréa s'était arrangé pour venir te dire au revoir demain matin, tu sais comme il tiens à t...

- Non je suis sure. Ça arrange oncle Mitchel de toute façon.

Je la vis hésiter une seconde avant de capituler. Andréa était mon entraineur depuis mes 11 ans. Il m'avait repéré alors qu'après 5 ans de patinage j'assistait encore à des cours collectifs. C'est lui et Johanne, ma chorégraphe, qui m'avaient propulsé au niveau national. L'Arrêt de ma carrière fut un cataclysme pour eux aussi. Je revois encore la panique sur le visage de la jolie québécoise quand mon corps s'est écrasée violemment sur la glace devant leur yeux.

-...Bon très bien. Je vais chercher Mika à l'école et ensuite on ira ensemble à l'aéroport.

Je ne prend pas la peine d'acquiescer et la laisse fermer la porte sans un bruit.

Mika. Il allait terriblement me manquer celui-là aussi. J'avais déjà dix ans quand me mère ma appris qu'elle était enceinte de son nouveau compagnon. Mon père est décédé quand je n'étais qu'un nourrisson est pendant longtemps nous n'avons vécu que toute les deux. Quand Éric est rentré dans sa vie je l'ai vu si heureuse que je n'ai pas imaginé un seul instant m'opposer à ce nouveau venu dans notre duo. Quand on m'a appris que nous serions bientôt 4 je me suis imaginé avec enthousiasme que j'aurais bientôt une petite soeur avec qui faire du patin.

Finalement Mika est arrivé avec ces presque 4 kilos et l'habilité d'un éléphant et j'ai vite compris qu'il ne serait jamais patineur.

Mais cet espèce de petit monstre s'est imposé malgré tout dans mon coeur et aujourd'hui c'est l'être humain que j'aime le plus au monde.

C'est un peu pour lui aussi que je pars. Il a le droit d'avoir une maman pour lui tout seul. Une maman qu'il ne surprendrait pas en train de pleurer devant des albums photos en pleine nuit. Une maman qui aurait le temps de l'accompagner à ses matchs de foot. Une maman qui ne passerait pas chaque jour de sa vie à essayer de contacter de nouveaux médecins à chaque fois un peu plus réputés pour sa grande soeur handicapée.

Oui, définitivement ce départ était la meilleure solution pour que tout le monde puisse se reconstruire en douceur.

Moi y compris.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 30, 2021 ⏰

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