Chapitre 3

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Les jambes fébriles, je regagnai l'étage où se situait mon bureau. Sur mon passage, je fis face au regard prédateur de Michel, journaliste de sport et accessoirement grand consommateur de femmes. La façon dont il me bouffait des yeux me donnait froid dans le dos. J'avais l'impression qu'il me considérait comme une poupée gonflable, dont il se servirait de manière dégueulasse. À cet instant, je maudis Mère Nature de m'avoir affublé d'un redoutable bonnet C, qui faisait saliver pas mal d'hommes. Il m'offrit un de ses sourires carnassiers dont il avait le secret, et qui me dégoûta davantage. Sans lui donner la plus petite occasion d'espérer quoi que ce soit, je continuai ma route. Ce fût le tour de Julien de me suivre des yeux par dessus ses lunettes. Sa bouche se fendit en deux, dévoilant une parfaite rangée de dents. Il était charmant, mais sa petite taille me rebutait un peu. Et puis, j'étais certaine que derrière ce sourire jovial se cachait une grosse envie de me basculer contre le bureau. Jérôme était le plus timide de tous. Il leva discrètement sa tête à mon approche, et se dépêcha de replonger son nez sur son ordinateur quand je lui lançai un regard excédé. Certes, il n'était pas méchant, mais ses yeux déviaient assez souvent dans mon décolleté.

À croire que seuls les seins n'importaient pour les hommes !

Tous ces regards me mettait mal à l'aise. J'avais perdu mon statut de « potentiel épouse » mais je gardais à leurs yeux celui de « bon coup d'un soir ». Coucher avec un de mes collègues ne faisait pas partie de mes plans non plus. Je préférais la compagnie et l'efficacité de Roger, mon fidèle godemichet. Lui au moins ne me laissait pas tomber, ni ne me reprochait ma stérilité. Je resserrai les pans de mon manteau contre ma poitrine et déguerpis aussi vite que je le pus. Je rejoignis enfin mon bureau, plus aigrie que jamais. Je me débarrassai de mon manteau et me laissai choir sur mon siège.

— Houlà ! Tu es de bonne humeur aujourd'hui !

Je jetai un regard noir à Sylvie, ma collègue et ma meilleure amie... sauf lorsqu'elle me regardait avec ce sourire moqueur.

— Les hommes sont des porcs ! lançai-je en m'affalant contre le dossier.

Elle pouffa, ce qui m'énerva davantage. Alors que je l'assassinais des yeux, elle se redressa et posa ses coudes sur son bureau. Le corps tendu vers moi, elle désigna ma poitrine d'un coup de menton.

— Tu devrais penser à la chirurgie mammaire. À ce qui parait, ça fait des merveille !

Je lui tirai la langue, mais je ne pus m'empêcher de sourire. Sylvie était une des rares femmes de l'agence qui ne me considérait pas comme une rivale. Les autres me haïssaient. Ce n'était pas tant le fait que j'étais jolie qui les énervaient, mais surtout celui que j'étais plutôt douée dans mon domaine. Si elles savaient que je les enviais. Toutes ces femmes avaient des enfants, un mari, un chien. La vie parfaite que j'aurais voulu avoir. Je n'étais réduite qu'à une enveloppe corporelle vide. Si on m'avait donné le choix, j'aurais banni mes formes généreuses au profit d'un utérus en bon état de marche.

Qu'est-ce qu'un corps de femme si on ne pouvait rien y loger ?

Pour tenter d'oublier ma morosité, je me lançai à corps perdu dans mon article. Il me donnait déjà pas mal de fils à retordre, et il ne me restait plus que deux semaines avant de le remettre entre les mains de Jerry.

Le fabuleux Noël de VeronicaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant