Part 1 - 老天

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Voici mon premier récit au passé. Donnez-moi vos impressions 💜


Clin d'œil à la légende chinoise de Chang'E (yuè shén), déesse de la lune et de la beauté.


     Depuis son astre, l'être céleste contemplait la Terre et ceux qui s'y mouvaient. Son regard s'agrippa à la longue chevelure ébène d'un homme vêtu de blanc. L'être avait passé des millénaires à admirer la beauté d'une infinité d'humains, mais aucun d'entre eux n'avait encore jamais réussi à le captiver à son image. Le miel peignait ses nuances chatoyantes dans ses yeux de biche, et se dégageait de son aura une force brute, de celle des félins majestueux, silencieux. L'abrupt paysage de ses muscles défiait sans crainte la magnificence des plus hautes montagnes. Monts et merveilles se rencontraient à l'embouchure de ses secrets intimes, bien gardés.

     L'être soupira, nostalgique. Avant de rejoindre les cieux, du temps où son pays se battait encore à l'épée, son corps possédait les traits féminins les plus gracieux. Le diable lui-même eût succombé à son charme onirique et se serait damné pour son toucher. Son éternité, autrefois dérobée à son mari, était le trésor d'une humanité entière. Une vie sans fin, aux côtés des dieux.

     Mais le sens véritable de son existence n'eût-il pas été cette quête de saveurs intenses et de ressentis tempétueux, propres aux cœurs de ces mortels maudits ?
La mort embellit la vie tant elle la condamne.



 

 
     Lorsqu'il ouvrit les yeux, l'être fut ébloui par la lumière. Un frisson glissa sur sa peau. Après l'éclat du jour, la couleur émeraude de l'herbe fut la première à se révéler. Allongé dans son manteau vert, il fit de son mieux pour se redresser, mais accusa le poids de la gravité. L'attraction terrestre, il l'avait oubliée, elle aussi. Ses membres engourdis retombèrent aussitôt. Il leva une main en direction des brins qui chatouillaient ses joues au gré de la brise et sourit. L'air était doux et berçait à son nez la fraîcheur revigorante de la nature. Ses yeux s'embuèrent ; ses premiers sens lui étaient à nouveau accordés.

     Dans les confins du ciel azur, il conçut, non sans amusement, la distance qui le séparait désormais de son antre céleste. Sa tête roula vers l'immense lac qui s'étendait à sa gauche. Mille feux scintillaient à sa surface, ondulant d'autant d'étoiles que ses cieux divins. Ses cieux... pourrait-il y revenir un jour ? Il se surprit à se considérer naturellement au masculin. La notion semblait ancrée, logique. N'était-il pas une femme, autrefois ? Il palpa son visage d'une main incertaine, pris de doutes.

     Du mieux que ses faibles forces lui permirent, il se leva et tituba en direction des eaux, dans l'espoir d'éloigner une désagréable pensée. En s'agenouillant au bord de la rive, son souffle se coupa : ce nouveau corps n'était pas le sien, celui de la princesse Chang'E, mais celui d'un garçon de la vingtaine aux cheveux longs. Son âme était revenue sur Terre pour y revivre en tant qu'homme, et cela était irrémédiable. Une chaleur, celle propre au chagrin, lui monta aux joues. En la sentant perler sur sa peau, pointée par le lointain souvenir d'un cœur serré, l'être retrouva ce qui faisait de lui à nouveau un humain : la force de sentiments incontrôlables.

     Son reflet lui révéla la grande beauté de ses iris nuageux, magnifique aquarelle aux nuances d'argent au milieu des larmes. Le désarroi les sublimait. Il caressa sa mâchoire, effleura les traits de son visage, secs, mais plus fins que la moyenne masculine - touche prononcée de grâce. Pour une raison étrange, ce reflet ne lui était pas inconnu. Peut-être était-ce normal pour une âme fraîchement réincarnée ? Rien n'était moins sûr.

Éternel (𝑤𝑎𝑛𝑔𝑥𝑖𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant