Élisa était étendue de tout son long sur le lit. Nue, son corps souple, flexible, sauvage, curviforme, épuisé, ses fesses harmonieuses, galbées, son interminable chute de reins ceinte de Mayaka, ses lèvres charnues, pulpeuses, succulentes, faisaient encore se soulever mon dard. Ce dard qui venait de livrer de sa sève. De son jus.
Elle dormait. Belle comme une poupée Barbie. Comme une fée. Belle d'une beauté naturelle, sans artifices, sans artéfacts, sans maquillage. Elle était belle. Tout était beau, parfait chez elle. J'adorais sa façon de marcher. J'aimais le son de sa voix. Une voix douce, suave que je pouvais écouter à n'en plus finir. Je kiffais son sourire. Ce sourire désarmant, ensorcelant, enivrant, d'une vestale qui vient de manquer à la chasteté. Qui vient de goûter à la vie. Aux délices de la vie.
Je me rappelle encore de ce jour, ce premier jour où nos deux destins se sont croisés puis entremêlés. C'était par un mardi, le soleil déclinant cédait sa place à l'ombre vespérale, elle descendait d'un taxi-bus alors que moi je continuais à héler le mien. Je fus happé par sa fougue, par sa beauté, par une longue et interminable fente qui laissait entrevoir une cuisse jaunie par le bronzage. Perchée sur des talons hauts, la grâce puisait en elle son essence. Son visage me disait quelque chose. Les visages de jolies femmes nous racontent toujours quelque chose. On a l'impression de les connaître de plus belle lurette. C'est en cela que consiste toute la magie de la beauté, elle vous trouble avec une passion brusque, violente. Elle vous éblouit avec un amour qui va jusqu'à la folie, au coup de foudre. Sa beauté me frappa ce jour-là, d'un coup de foudre en plein cœur.
Je ne mettais pas trompé, je la connaissais. J'avais fini par la reconnaître. Par reconnaître cette beauté digne d'une Flore caressée par son Zéphyr, qui m'avait déjà fait péricliter dans les abîmes de l'amour des années auparavant. Abîmes sinueux et tortueux dans lesquels je languissais avant cette rencontre.
- Tu ne dors pas toi ? Laissa-t-elle tomber de sa voix enrouée et volontairement lascive alors qu'elle changeait de position pour se mettre à plat ventre.
Je ne dormais pas. Je ne pouvais pas dormir. Depuis un certain temps, depuis que j'ai rencontré Élisa, je n'avais plus le sommeil facile. Quelque chose me tourmentait avec des tenailles ardentes, me brûlait de l'intérieur. Cette chose corrodait, rongeait les viscères, mes viscères. Je n'avais plus d'appétit. Et quand je parvenais à avaler quelque chose, il était fade, insipide, sans saveur, sans goût. En dépit d'Elisa, ces intermèdes salaces, lascifs, fugaces, pendant lesquels on oublie tout, on s'oublie, on s'abandonne, on abandonne, on abdique, ma vie était fade.
- Elisa, je dois t'avouer quelque chose...
Elle se redressa, s'assit sur le lit. Une lueur inquiète dans les yeux, ses deux seins fermes, consistantes, braqués sur moi. Elle était vraiment belle comme une fée frivole.
- Qui y a-t-il mon amour ?
J'hésitai. C'était toujours ainsi chaque fois que je me décidais de parler, de me débarrasser du poids de ce joug. Ma langue devenait lourde, ma voix hésitante. J'hésitais, le courage m'abandonnait. Elle, elle m'encourageait à parler, essayait de deviner mon mal-être, soupçonnait une rupture imminente ou une autre liaison dévorante, mais je ne disais rien, prétextant un léger malaise sans plus.Aujourd'hui, j'étais résolument décidé d'aller jusqu'au bout, de me défaire de ce supplice. Je n'en pouvais plus. Je me débattis pour trouver mes mots, mon courage.
Puis : - C'est une histoire que j'ai à te raconter.Elle acquiesça de la tête et m'encouragea à parler, comme d'habitude. Sans s'impatienter. Sans me presser.
Comme j'étais décidé, je me lançai : - Il y a quelques années, j'ai fait la connaissance d'une femme. Elle était comme toi, belle, divine, gracieuse, fougueuse, attachante. Elle était vraiment comme toi et tu lui ressembles beaucoup. Avec elle, comme avec toi, on s'est énamouré, on s'est aimé, on s'est promit l'un à l'autre. Mais elle, elle était mariée, ce qui retarda nos projets en commun. Elle ne voulait pas le quitter mais elle m'aimait. Puis son mari vint à mourir. Elle continua à rejeter, à repousser notre projet de vivre ensemble, de fonder une famille, de vieillir l'un aux côtés de l'autre. Mais elle continua à m'aimer passionnément. Cela dura deux ans. Et pendant deux ans, je n'ai pas cessé d'insister, de l'aimer. Je l'aimais. Un jour alors qu'elle avait une santé chancelante depuis peu, elle accepta de me dire pourquoi elle ne voulait pas d'un mariage avec moi.
- Pourquoi ? Interrogea Élisa. Les cernes qui s'étaient formés sous ses yeux lui donnaient un air éperdu. Affolé.
- Elle avait perdu son mari qui avait succombé à une maladie incurable. La même maladie avait emportée son premier mari. Le SIDA. Elle aussi, elle avait le SIDA. Dès le décès de son premier mari, elle l'avait, elle le savait.
Élisa se mit à pleurer.
- Comme son premier mari l'avait laissé avec des enfants en bas âges, elle s'est quand-même remariée. Elle s'est remariée à un beau parti. Et par vengeance, elle contaminera plus de gens que possible au grès de ses infidélités à son mari. Son deuxième mari. Puis elle aussi, elle est décédée. Vaincue par cette impitoyable maladie. Par le SIDA.
Maintenant, Élisa pleurait à chaude larmes. Elle pleurait beaucoup, abondamment. Plus elle pleurait, plus je sentais mon trique se raidir. Plus elle pleurait, plus je la voulais. Je voulais son corps nu à califourchon sur le mien, chevauchant les plaines lubrifiées de voluptés, les steppes buissonneuses où floconnent plaisirs et sensualités. Étais-je devenu sadomasochiste ?
- Le jour où je t'ai vu dans la rue pour la première fois, je t'avais reconnu. J'avais reconnu cette beauté fatale, cette façon endiablée de marcher, cette fougue consumant. Tu étais si belle. Tu es belle.
- Tu n'es qu'un salaud....
- Et toi, tu es le portrait craché de ta mère.
Yannick Ethan Kaumbo
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Horreur et vengeance
Short StoryUn homme tombe sur une sublime femme, s'en suit une passion foudroyante, dévorante jusqu'au jour où il lui avouera son secret, son terrible secret.