Salon 1187, jour 298
Pas différence importante avec les autres (faudrait peut-être que j'arrête d'écrire ça, c'est stupide vu que les salles sont jamais exactement les mêmes).
Ce qui est marquant dans celle-ci, c'est que il y a une sorte de renfoncement circulaire dans le mur avec les fenêtres, c'est super cool.
Le repas était pas mauvais, mais bon, c'est difficile de rater des patates avec un peu de poulet aux herbes.
À supposer que quelqu'un les prépare ces repas et parvienne à rentrer, encore une fois.
Putain, je savais déjà pas pourquoi j'ai commencé à écrire dans ce carnet 1186 salles plus tôt, mais maintenant que j'ai plus rien à raconter de neuf, je sais pas pourquoi je continue.
Peut-être pour pas devenir dingue en ayant l'illusion de parler à quelqu'un ?
Wow, j'espère que personne lira ce carnet, je dois avoir l'air de manquer une case.
Ou au contraire, peut-être que quelqu'un devrait le lire. Je sais pas.
...
Salle 1187, jour 299
J'ai décidé de fouiller la bibliothèque, j'ai trouvé un nouveau livre.
Bon, je vais pas le lire, il parle de conneries mathématiques que j'ai pas du tout envie de m'infliger sur des centaines de pages, mais le fait qu'il soit contenu dans un microscopique bouquin de quelques millimètres d'épaisseur m'étonnera toujours.
Bon, ça reste moins bizarre que le cas inverse ou le bouquin est énorme, mais que le contenu est ridicule, et où tourner une page en téléporte plusieurs de l'autre côté.
Mais certains livres sont super dérangeant, c'est pas la première fois que je l'écris, mais je répète, les histoires qu'ils racontent sont super bizarres, et j'ai l'impression qu'ils me reprochent un truc...
Bref.
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Salle 1187, jour 300
C'est tellement étrange.
Trois cents jours, et pourtant, rien.
Je connais mieux ces tapisseries moches que moi-même.
Je ne me souviens toujours pas de mon nom, de où j'ai appris à lire et écrire, comment je suis arrivé là.
Ça va bientôt faire un an...
Je pense que je vais arrêter d'écrire un peu, j'en ai marre.
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Salle 1393 jour325
UNE LUMIÈRE !
PAR LA FENÊTRE, UNE LUMIÈRE EST ALLUMÉE, ON VOIT LES PROCHAINS SALONS !
C'EST LA PREMIÈRE FOIS, LES LUMIÈRES SONT TOUJOURS ÉTEINTES !
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Salle 14?? Jour 327
J'ai couru tellement vite, je ne dois être qu'à quelques salles de la lumière !
J'ai faim et j'ai mal aux jambes, mais je suis tellement... extatique !
Demain soir, je pense, je verrai probablement quelqu'un d'autre pour la première fois depuis... je me souviens pas, mais tant pis !
...
Je savais qu'il y avait une petite chance que je sois déçu
Mais je ne m'attendais pas à ça
Il y a bien quelqu'un
Mais ce n'est plus qu'un squelette
Et le plus terrifiant
C'est que la salle est ravagée
Le mur des fenêtres a un énorme trou, mais comme la salle est dans un angle, impossible de le voir plus tôt
Les bibliothèques sont éventrées, la porte qui mène au prochain salon pend sur ses gonds, les tables et présentoirs sont en pièces, et le tapis autour du cadavre, dont les os sont presque tous brisés, est couvert de sang séché
Pas loin du corps, il y avait un journal, comme le mien
Je ne veux pas l'ouvrir, mais il faut que je sache ce qu'il s'est passé
Si ce qui a fait ça est toujours ici
...
Lire ce carnet était une erreur, mais dans le même temps... c'est presque une libération.
Les premières entrées étaient comme les miennes, elle cherchait son chemin et notait ce qu'elle voyait.
Puis, après beaucoup de temps (plus de deux ans), elle a préféré s'intéresser aux livres.
Comme moi, elle trouvait quelque chose de bizarre à certaines histoires, mais c'était pas les mêmes histoires.
J'ai jamais décrit ces histoires en détail, mais pour moi, elles commencent avec un personnage qui vit de larcins, mène une vie impie et s'amuse avec ses proches, mais ce personnage finit par se ranger suite à une rencontre et vivre une vie droite dans les règles strictes de la foi, et dénonce même ses ancien compagnons.
Pour elle, le personnage n'était pas satisfaite de son statut social, et préparait un plan pour changer le pouvoir en place par la force, mais une rencontre aussi la fait changer d'avis et elle admet que l'ordre social est une disposition naturelle et juste qu'il ne faut pas transgresser.
Ces récits absurdes sont des résumés de nos vies.
Où sommes-nous ? Nulle part ! C'est une prison !
Nos geôliers ne sont pas là, et espèrent que ces histoires diffamatoires sur nos vies nous fassent changer d'avis sur le vrai monde !
Sauf que c'est hors de question !
Elle aussi s'est souvenu de tout, et quand elle a refusé de se « repentir », elle a été traquée dans les salons pendant des jours jusqu'à la mort. La dernier entrée est tellement triste, où, blessée, elle crache sa haine avant que ne vienne « il est là ».
Je me souviens du monde du dehors, je n'ai pas l'intention de m'excuser non plus ! Mes geôliers m'entendent, je le sais, et ils vont envoyer cette bête me tuer. Qu'elle vienne !
Je suis en proie à la peur, je ne veux pas mourir, mais je préfère crever que trahir les miens.
Je laisse ici ce journal, en espérant trouver un moyen de m'enfuir. Aux prochains qui viennent, je suis désolé, mais je pense que vous avez le droit de vous souvenir aussi.
Adieu.