Silence

26 3 0
                                    

La pluie. Entre amour et dégoût, je ne saurais pas donner d'avis définitif sur ce que je ressens envers elle, mais quoiqu'il en soit, en temps de guerre, pouvoir écouter la pluie tomber au sol est un privilège divin auquel on a rarement droit. Il s'agit d'un bruit presque reposant à côté des bombardements et des cris. Malgré la bénédiction qu'était d'entendre ce bruit qui habituellement m'énervait plus qu'autre chose, certaines personnes restaient concentrées sur des futilités. En plein milieu d'une guerre fratricide ayant commencé il y a là 7 ans, nous nous retrouvions dans la ville de Berkton en Anémie. L'armée faisait pression pour entrer dans la ville, mon esquade n'était pas affecté à la même tâche que les autres régiments, notre mission consistait à nous y infiltrer puis de rentrer dans une des bases ennemies afin de tuer et faire prisonnier le plus de monde et subtiliser toutes les stratégies ennemies si possible. Honnêtement, je ne suis pas particulièrement de l'avis que la violence est l'unique solution possible afin de résoudre un conflit, mais après avoir vu tant de mes camarades et amis tomber au combat, c'est donc avec la haine dans le sang que j'allais avec une volonté inégalée massacrer les ennemis de ma patrie. Nous étions actuellement situés dans la partie Est du centre-ville, celui-ci ayant été évacué par les autorités, l'atmosphère ambiante était pesante, lourde et extrêmement glauque. Chaque coin de rue était désert, et les bâtiments ravagés par les bombardements n'enlevaient rien du tout à cette atmosphère morbide. La peur de tomber nez à nez avec des soldats ennemis était constante. Cette partie de la ville ayant déjà connue de nombreuses batailles, nous tombions quelque fois sur des cadavres, ou du moins ce qu'il en restait. Il s'agissait la plupart du temps de civils n'ayant pas suivi les consignes données par l'armée, et le fait de croiser des cadavres d'enfants me désolait au plus haut point. Je ne pouvais pas m'empêcher de m'imaginer à quoi ressemblaient les derniers instants de ces pauvres gens. Que des soldats se retrouvent à leur place m'aurait bien moins dérangé, mais quelque chose au fond de moi m'obligeait à cogiter incessamment sur leur sort. D'ailleurs, que faisaient leurs corps sans vie encore ici ?

C'est à force de réfléchir que je sursauta lorsque Jake hurla :

-Qu'est-ce qu'on se sent vivant d'un coup !

Toute l'escouade le fixa pendant une dizaine de secondes, un silence très significatif régnait et personne ne semblait vouloir y mettre fin. Je pense que si les regards tuaient, Jake serait mort sur le coup. C'est donc dans un souci d'ambiance que je me décidai à lui rétorquer la phrase suivante :

« Plutôt que de jouer les intéressants, reste concentré sur ce qu'on est en train de faire et évite de déranger les pauvres âmes de ces innocents. »

Il me répondit sur un ton semi-moqueur :

« Quels innocents ? On est là pour annexer ce pays de merde et qu'il nous rende ce qui nous appartient. »

Jake était un jeune homme dans la vingtaine, il s'était notamment illustré pour ses faits d'arme durant la Grande guerre. Du plus loin que je me souvienne, il a toujours été un sale gosse. Le genre de type qui torturait des animaux quand il était petit. Le fait de l'avoir vu rentrer dans l'armée ne m'avais pas franchement étonné, c'est un de ces gars qui cherche à assouvir ses pulsions de violence sur les autres. Mais en même temps il est extrêmement talentueux dans tout ce qu'il entreprend, il est doué. Ça n'a malheureusement pour lui pas suffi à le mettre à la tête de notre escouade. Son égo s'était bien évidemment brisé en mille morceaux lorsqu'il apprit qu'il ne serait pas promu commandant. Malgré cela, il restait très clair sur ces motivations : Tuer.

Etonnamment Sam lui répondit :

- Ferme la ! T'es un des seuls ici à être volontaire pour cette guerre à la con.

Ce à quoi Jake lui répondit sur un ton cynique

- Si on peut même pas rire !

Pour être honnête, Sam n'était du genre très bavard, c'était un jeune de 18 ans enrôlé de force dans l'armée avec son père. Ce dernier est d'ailleurs mort directement sous ses yeux au champ de batail. Sam ne fait jamais référence à cet horrible incident car cela réveille souvent en lui un traumatisme profond. Lui et moi sommes de bons amis. Tout ce que je lui souhaite c'est d'enfin rentrer chez lui et d'aller serrer sa petite sœur dans ses bras. C'est un gars assez timide de nature. Il ne s'ouvre généralement pas au gens, mais quand il le fait, on découvre en lui une personne incroyable.

-Le monde serait un meilleur endroit si on était pas dirigés par des gens comme toi Jake !

-Redis ça encore une fois et je t'égorge.

Jake venait de sortir son couteau de combat :

Ce qui semblait totalement irréel était le manque d'émotion sur le visage de Jake, un peu comme si il était prêt à faire ce qu'il venait de dire. Il continuait à s'approcher de Sam. Légèrement terrifié par l'idée du spectacle macabre sur le point d'avoir lieu je décidais donc de m'interposer. Jake et moi sommes étions désormais très proches physiquement, sa musculature était légèrement moins forte que la mienne. S'il cherchait l'affrontement maintenant, bien qu'il ait l'avantage de l'armement, il se ferait très probablement remettre à sa place. La frustration était fortement visible sur son visage, il savait que tant que je m'interposerais, il lui serait impossible d'accomplir quoi que ce soit.

-Je vais te fumer quoi qu'il arrive ! C'est une promesse !

Le capitaine Hunter dû intervenir :

« Si t'arrêtes pas tes conneries, Je t'envoies avec les nouvelles recrues, directement en première ligne pour te faire refroidir par l'ennemi, alors choisis bien tes paroles et réfléchis à tes actes. »

Malgré la frustration qui se faisait de plus en plus marquée sur son visage, Jake répondit le plus naturellement du monde :

« Mourir ne me dérange pas, je me délecterais de voir les nouveaux se chier dessus avant de partir se faire massacrer et de voir leurs propres organes tomber de leurs corps mutilés, et si il faut que je meurt avec eux, tant mieux, je serais mort en faisant ce que j'aime au milieu d'un spectacle des plus raffinés. »

Sam s'était mit à vomir dans un coin. Je me suis dépêché de venir le soutenir. En prononçant ses paroles, Jake savait pertinemment que les détails dont il faisait mention correspondaient à la mort du père de Sam. A cette instant je ne rêvais que de lui foutre mon poing dans la gueule, mais pour l'instant, il fallait que je m'occupe de Sam. Son père était quelqu'un d'extraordinaire, quelqu'un qui méritait plus que quiconque de vivre. Nous avons été retardés d'une heure sur notre plans prévu, heureusement, nous n'avons croisé aucun ennemis. On n'a donc décidé de camper dans un bâtiment situé à une rue de l'objectif. Au cours de la nuit, Sam ne fermi pas les yeux une seule minute, il faisait des cauchemars éveillés, avait des sueurs froides, entendait des voix et avait des hallucinations dans lesquels il voyait son père. Je n'ai pas non plus réussi à m'endormir en sachant le calvaire qui était en train de lui arriver et je l'aidais à rester calme lorsqu'il était à bout. L'opération du lendemain n'occupait même plus mon esprit. De plus, bien que je voue une haine indescriptible envers nos ennemis, je ne pouvais pas m'empêcher d'appréhender les évènements du lendemain. Sam m'a partagé son présentiment, d'après lui quelque chose allait mal se passer. Pour ma part, j'essayais de ne pas lui faire part de mes inquiétudes, même si lui et moi avions vécu des choses bien plus horribles. En attendant le fameux lendemain, je profitais de ce qui me manquait le plus depuis le début de la guerre : Le silence.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Dec 20, 2021 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

A dead man's journeyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant