12.

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     Je reprends peu à peu conscience en sentant mon corps se faire pousser par terre, et mes genoux râper contre un sol doux. Mais je suis encore sonnée quand on relève mon menton brusquement, et je cligne plusieurs fois des yeux face à la luminosité qui laisse dessiner une silhouette noire et floue. Je tourne de l'œil une seconde fois, et une main se met alors à tapoter ma joue gauche.

Allez chérie, réveille-toi. Réveille-toi ! Allez ! M'invite une voix masculine dénouée de colère.

Mais rien n'y fait, ma tête est lourde, mes paupières encore plus, je ne sais même pas comment j'arrive à tenir en équilibre sur mes genoux.

Réveille-toi ! Réveille-toi ! Réveille-toi ! Chantonne la voix, les doigts serrés sur mes joues, tandis que je sens ma tête se balancer doucement de droite à gauche.

Mes paupières perdent alors de leurs poids et j'arrive à les entrouvrir sur l'un des deux hommes de la ruelle, le plus gros. Mais visiblement, mon réveil n'est pas assez rapide au sens de son acolyte, dont je reconnais la voix affirmer :

Tu ne t'y prends pas de la bonne manière. C'est comme ça : debout !!! Hurle-t-il, et je sens une force violente entrer en collision avec mon visage, ce qui l'envoie valser avec tout le reste de mon corps, à terre.

Cela a au moins pour effet de me réveiller instantanément, et lorsque je cherche à frotter ma joue engourdie, je découvre que mes mains sont nouées derrière mon dos. La panique remonte d'un cran.

Hé, doucement, mec ! N'abîme pas la marchandise avant qu'on la vende ! Dit la voix du plus gros, sur un ton surpris et inquiet.

Il soupire en s'agenouillant devant moi, son acolyte aux cheveux relevés s'allume une cigarette en ignorant la scène.

Ça va ? Me demande le plus gentil, ou du moins, le moins violent, en posant une main douce sur mon épaule et m'aidant à me relever.

Je ne réponds rien, et regarde son acolyte en chien de faïence, certaine que si mon regard pouvait tuer, il serait déjà mort cinq fois. Je sens encore la paume de sa main brûler ma joue, et la colère grimpe en moi.
     Mais soudainement, l'ambiance change brusquement lorsqu'une porte s'ouvre. Le moins violent se relève d'un coup et adopte une attitude professionnelle : le dos droit, la tête haute, les épaules en arrière et les mains dans le bas du dos, le plus violent fait de même, son expression étant passée du neutre au sévère, avec une pointe d'assurance... mais en moins.
     Je dirige mon regard dans la direction du leur, et il s'avance alors dans le couloir d'en face, un homme, grand et fin, tout vêtu de noir, si ce n'est l'intérieur de son long manteau, cousu d'un tissu rouge. Rouge... Oui, c'est de la couleur qu'est le liquide dégoulinant de ses gants qu'il retire, de la couleur des éclaboussures recouvrant le côté droit de son cou et de son visage... Cet homme marche vers nous à grandes enjambées, deux autres le suivent derrière, plus petits et plus vieux, d'apparence moins dangereuse ; curieux étant donné le révolver qu'ils tiennent chacun dans leurs mains. Mais d'une manière que je ne saurais expliquer, l'aura du jeune homme en avant est bien plus meurtrière, bien plus inquiétante... ardente. Elle dégage une pression bouillante digne du feu de l'Enfer. Une sensation étrange vient retourner l'intérieur de mon ventre, tant est la perfection des traits tirant ce visage. Obnubilé, je ne peux que le regarder, le dévisager, cet homme semble possédé de la beauté du Diable.
     Il jette ses gants en cuir avec nonchalance sur une table, la maculant du liquide écarlate dont ils sont imbibés, puis regarde les deux hommes qui m'ont amené ici. Silencieux, agités, nul besoin de savoir lire dans les esprits pour sentir leur malaise. Heureuse de savoir que la pression et le charisme que dégage cet homme n'écrasent pas que moi.
     Soudain, ce dernier dans l'impatience, avance ses mains et son visage secoués d'un air exagérément dubitatif vers ses sbires :

MINDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant