Comment j'ai rencontré Dieu

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Ou plutôt sa fille, ou sa mère, je ne sais plus. Peu importe. La jeune Vierge en tout cas.

Avec le recul, et en y réfléchissant plus attentivement, je trouve quand même étonnant de ne pas l'avoir remarquée plus tôt; seule, emprisonnée depuis probablement des siècles (et des siècles) à l'intérieur de cette caverne des temps modernes, les pieds coulés dans un socle de béton, elle se tenait pourtant là devant moi, immobile et silencieuse.

Aujourd'hui, pour la première fois depuis bien longtemps, je me sens comme imprégné d'une sensation bizarre. Sans trop en comprendre la raison, probablement une intuition inconsciente, je ressentais le besoin de revenir en arrière pour observer de plus près cette banale chapelle.

Dans un premier temps, mes pas se montrent quelque peu hésitants, mais très rapidement, leur rythme s'accélère.

M'en rapprochant,  je prends le temps de la regarder de plus près, et constate qu'une faible lueur bleutée émane de cette petite cage de pierre; bien que fort peu intense, la lumière diffuse qui s'en dégage, dépose sur mon visage l'irréelle et agréable caresse d'une chaleur apaisante.

Évidemment, s'il me fallait rester rationnel, j'aurais du me douter qu'une telle situation était plus que surréaliste, car au vu des bourrasques de vent qui me fouettaient violemment le visage, il était clair qu'aucune flamme ne pourrait jamais résister.

Je me retrouve maintenant là, debout devant cette jeune Dame, les épaules imperceptiblement penchées vers l'avant, comme pris d'une volonté inavouée de vouloir l'observer de plus près.

Ses traits sont fins et délicats. Elle me regarde avec un léger sourire, discret, presque imperceptible, mais néanmoins présent ; il semble à ce point réel, qu'il parvient à me déstabiliser, me faisant presque oublier qu'il ne s'agit là, en fait, que d'une simple statue de pierre.

Sa tunique en lin blanc, vestige d'un temps appartenant au passé, ondule légèrement, bercée par les courbes du vent, offrant ainsi à mes yeux éblouis un ballet féerique de mouvements de tissus se mélangeant, avec grâce et délicatesse, les uns aux autres.

Une candeur angélique se dégage de son visage, me procurant un sentiment profond d'apaisement et de bien-être.

Que c'est agréable...

Soudain, un murmure se fait entendre derrière elle; presque inaudible au début, il est maintenant plus distinct. Je me rapproche avec prudence des barreaux métalliques qui me sépare encore de la Dame, afin de voir d'où peut venir ce bruit, qui paraît plus proche désormais d'une voix étouffée, que d'autre chose.

Mais je n'arrive à rien distinguer: en quelques instants, le soleil qui était encore présent il y a peu, a brusquement cédé sa place à une profonde obscurité m'entourant totalement. Cette noirceur soudaine amène en moi un sentiment de malaise; bien que pleinement conscient que quelque chose était sur le point de se produire, je me sens néanmoins absolument incapable de réagir. Cette perte totale de contrôle me terrifie.

Il faut que je me calme. Bien respirer.

Je me concentre sur ma respiration, et ferme lentement les yeux.

Silence.

Un silence oppressant, perturbé seulement par les brusques accélérations de mon rythme cardiaque.

Encore et toujours cette même voix inaudible.

Les yeux fermés. L'obscurité.

La moiteur de mes mains se fait davantage ressentir et je sens mes membres se crisper douloureusement sous la tension. Rien de très grave pourtant, pas encore du moins, mais cela me dérange.

Je tente au mieux de faire le vide en moi, et me concentre uniquement sur ce seul bruit, afin d'arriver à l'identifier, savoir d'où il vient, le comprendre, mais je n'y arrive pas.

Il est désormais proche de moi... tout proche... trop proche...

J'ai peur.

Je rouvre alors les yeux, et la découvre devant moi, bras croisés sur la poitrine, comme pour se protéger d'un invisible danger. A ses yeux apeurés, je comprends rapidement qu'il se passe quelque chose de grave : elle a peur, vraiment peur... elle est terrifiée même.

Elle tend à présent ses bras tremblants dans ma direction, et me regarde avec insistance, comme si elle me suppliait de la sortir de cet endroit; totalement désemparé je ne sais pas quoi faire. Je me sens impuissant.

Le bruit, plus présent que jamais, me glace le sang et m'explose les tympans.

D'un coup, je le vois: assis derrière elle, il me regarde tranquillement, et me souris. Son doigt, dirigé vers moi, semble vouloir me montrer quelque chose.

Quant à elle, son regard commence à changer. La peur, plus que présente il y a quelques instants, semble dorénavant vouloir laisser la place à quelque chose de nouveau... elle a l'air soudainement plus calme, plus sereine.

Plus triste également...

Elle me sourit, comme si c'était la dernière fois, et semble vouloir s'excuser, mais ses yeux restent ternes.

Alors que je lui souris à mon tour, je vois que des larmes commencent à couler le long de ses joues.

Il est maintenant temps pour moi de partir.

Lorsque je me retourne, je sais malheureusement qu'il est déjà trop tard.

Délires inavouésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant