Prologue

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Il faisait nuit. La forêt était plus silencieuse que d'habitude. Aucune forme de vie ne semblait vouloir pousser même un soupir. Il faisait froid, très froid pour cette période de l'année. Cet espace boisé qui de jour ressemblait à un havre de paix remplie de vie, s'était transformé en un endroit froid et lugubre. On ne voyait pas plus de quelques pas devant nous à cause de l'épais brouillard qui était tombé sur la forêt aux mille fossés.

Alvis était l'un des gardes forestiers, qui s'occupait de la forêt. D'habitude frileux, il ne voyait pas cette soirée en prévision d'un bon œil. 

- Fait chier ! Je serais bien mieux chez moi à regarder le match plutôt que de vagabonder dans cette forêt de malheur. Il a fallu qu'Éric tombe malade aujourd'hui.

Alvis était de nature curieux mais un peu froussard quand même. Lorsqu'il fut jeune, il se passionna pour les animaux. Lui et ses parents faisaient des balades en forêt le dimanche. Et c'est tout naturellement, qu'il fut pris au poste de garde forestier grâce à une connaissance. Son boulot de garde forestier le satisfaisait puisqu'il n'aimait pas se retrouver au milieu d'un grand groupe de personnes. Cela faisait maintenant une dizaine d'années qu'il parcourait la forêt chaque jour, s'occupait de cette dernière et informait les campeurs égarés.

Mais il eut le pressentiment que cette nuit, n'était pas comme les autres. D'habitude Alvis travaillait principalement le jour mais ce soir, il devait remplacer son collègue, atteint d'une maladie qui l'avait cloué au lit.  

- Il m'en doit une maintenant. Je ne compte pas l'oublier. Je me ferais bien un weekend de 3 jours, cette semaine.

Accompagné de sa lampe torche, il traversa la forêt à la recherche d'un potentiel problème. Pendant qu'il regagnait petit à petit sa cabane où se trouvaient ses affaires ainsi que sa voiture, la forêt resta calme. Une brise glaciale balayait de temps en temps les feuilles tombées et faisait s'agiter les branches. Soudain, une odeur atroce lui parvint aux narines. Il détourna la tête pour ne pas vomir et se couva le bas du visage avec sa main.  Il mit quelque temps à trouver l'origine de cette odeur. En éclairant, il aperçut derrière un tronc au sol, le cadavre d'une biche. Elle semblait être morte depuis un moment et les détails qu'il perçut le firent frissonner.  Elle avait été éventrée et une partie de ses organes était ressortie. De grandes traces de griffures parcouraient son corps.

- Et bien ma belle, je suis désolé que tu aies dû souffrir comme ça. La nature est tellement cruelle parfois. Les loups du coin ne t'ont pas loupé. 

Il reprit sa route. Mais ce qu'il ne savait pas, c'était qu'il n'était pas le seul à avoir épié la scène. Derrière lui, tapis dans l'ombre, une autre paire d'yeux l'avait observé. 

Sur son chemin, il croisa à deux reprises un nouveau cadavre de biche. L'une des scènes était pratiquement identique à la première tandis que la troisième qu'il perçut était encore plus bestiale. L'idée de devoir rester encore plusieurs heures dans cette forêt commençait à l'effrayer. La forêt, toujours silencieuse, ne faisait que renforcer l'ambiance pesante qui s'était installée. Il n'avait jamais eu de problème avec des animaux durant sa carrière ici. Mais par sécurité, il se baladait toujours avec son pistolet de détresse au cas où, pour prévenir les postes voisins.

Le garde forestier fit une pause, adossé à un arbre pour se calmer. Ce qu'il venait de voir l'avait perturbé, il n'avait jamais vu autant de biches mortes en si peu de temps et les scènes étaient anormalement violentes. Elles n'avaient même pas servi de repas. Quelque chose clochait. Alors qu'il reprenait ses esprits, sa lampe torche se mit à tressaillir. Elle clignota quelques secondes avant de revenir à la normale. Alvis crut voir quelque chose se déplacer dans le buisson juste en face de lui. Surement le vent pensa-t-il. Il n'était plus très loin de sa cabane et l'idée de revoir un endroit familier et sécurisé lui redonna du courage.

- Tu peux le faire Alvis. Tu es fatigué, ton cerveau te joue des tours. Tu vas rentrer te reposer.

Un hurlement de loup lointain retentit. Il semblait loin. Mais le fait que la forêt soit plongée pratiquement dans le silence depuis plusieurs minutes amplifia l'impression que le hurlement soit proche. Alvis saisit le talkie-walkie attaché à sa ceinture et actionna le bouton pour parler.

- Ici tour 3, est-ce que quelqu'un m'entend ?

Aucune réponse

- Je répète. Ici tour 3, est-ce que quelqu'un m'entend ? J'ai croisé 3 corps de biche. Elles ont été tuées sauvagement et aucun signe ne montre qu'elles ont été tuées pour servir de repas. C'est pas normal.

Au même moment, un craquement se fit entendre juste derrière. Il sursauta et lâcha son talkie. Cette fois, il en était sûr, ce n'était pas son imagination et quelque chose se trouvait juste à côté de lui.

- Il y a quelqu'un ?

En guise de réponse, un autre craquement se fit entendre. C'était la fois de trop pour Alvis. Il ne prit pas la peine de réfléchir. Il tourna les talons et se mit à courir du plus vite qu'il pouvait en direction de sa cabane. Avec horreur, il entendit derrière lui la chose tapit dans l'ombre se mettre à sa poursuite. Jamais il n'avait eu aussi peur. Il courra, courra de toutes ses forces et il commença même à apercevoir sa cabane du bout du faisceau lumineux de sa lampe torche. Il était tout proche. Il entendait aussi la chose se rapprocher de lui. Elle était plus rapide et ne semblait pas se fatiguer contrairement à lui qui faiblissait. Son rythme de course diminuait...

D'un seul coup, la forêt regagna son calme, plus un bruit se fit entendre et la lumière émise par la lampe torche d'Alvis cessa. La forêt aux mille fossés retrouva son ambiance glauque. Aucun nouveau son ne brisa le silence et cela jusqu'au matin...  

La forêt aux mille fossésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant